Le Crédit Mutuel de Bretagne dans la tourmente

Entretien. Brest et la Bretagne sont habituées au fort vent d’Ouest, mais celui qui souffle sur le Crédit Mutuel de Bretagne Arkéa présage d’une tempête bancaire hors norme.

Le Crédit Mutuel Arkéa, qui rassemble les fédérations du Crédit Mutuel de Bretagne (CMB), du Sud-Ouest et du Massif central, a engagé en début d’année une procédure pour sortir de la Confédération nationale du Crédit Mutuel (CNCM). Nous avons interrogé un délégué de la CGT sur ce dossier complexe, mais emblématique des dérives politico-financières. Un dossier qui permet aussi de mieux appréhender les pressions qui s’exercent sur les personnels et, partant, sur les « sociétaires » mutualistes dont l’opinion est quantité négligeable. Un dossier qui, jour après jour, connaît des rebondissements, dont le dernier en date est l’organisation par la direction générale du CMB d’une manifestation à Paris le 6 avril avec location de 5 TGV, et journée de travail payée pour ceux qui iront battre le pavé, avec même une prise en charge des repas…

Peux-tu nous décrire les forces en présence ?
Le CMB, c’est 6 000 salariés en Bretagne avec les filiales (Fortunéo, Suravenir, etc.), dont 2 000 sur Brest. Les trois fédérations adhérentes à CM Arkéa représentent 10 000 salariés en France, avec les 3 fédérations CMB, CM Massif central et CM Sud-Ouest. Mais depuis peu la fédération du Massif central a décidé de quitter ce « front indépendantiste ».
En face le CM11-CIC représente 11 fédérations et constitue l’ossature de la Confédération nationale du Crédit Mutuel. 
Depuis la nomination d’un nouveau directeur, Jean-Pierre Denis, au CMB Arkéa, les relations entre celui-ci et la Confédération ne font que se dégrader. Jean-Pierre Denis est un ancien inspecteur des finances, partenaire avec Jean-Marie Messier dans l’aventure Vivendi… Un fin connaisseur des jeux capitalistiques.
La fédération CMB Arkéa boycotte ses obligations de contrôle de gestion, perd procès sur procès, refuse d’obtempérer au contrôle des organismes de tutelle européens, sur sa solvabilité, sur les risques prudentiels.

Pourquoi cette guerre interne ?
Denis veut être le patron absolu après avoir manqué le poste de président de la Confédération du Crédit Mutuel. Il a créé un problème qui n’existe pas, et sa réponse c’est l’indépendance. Il surjoue la sensibilité bretonne avec des campagnes de pub en mode « tous contre Paris », « on veut nous empêcher de développer l’économie bretonne ». Il fait même porter à ses troupes, une partie des cadres, du personnel, des élus de tous bords, des patrons bretons, une espèce de bonnet… rouge !

Du point de vue de la CGT, quelles sont les conséquences pour les personnels ?
Les cadres dirigeants ont créé il y a quelques années une espèce de holding, soi-disant pour permettre la mobilité des cadres entre les services ou les filiales, et nous n’avons aucune possibilité de contrôle sur cette structure.
Les pressions sont énormes au siège du CMB à Brest, et sur le réseau bancaire proche. Les personnels en souffrent évidement, tiraillés entre leur emploi, la fidélité à l’institution, la pression managériale. Dans le réseau bancaire breton la situation est un peu plus simple du fait d’une moindre pression hiérarchique.
Il faut oser le dire : personnels et organisations syndicales, nous avons avalé des couleuvres depuis quelques années. Mais les déboires judiciaires, l’absence de lisibilité du projet d’indépendance commencent à poser problème. Les sociétaires aussi se posent des questions, notamment parce qu’il faudra abandonner une « marque inestimable », dixit Jean-Pierre Denis. Car on va partir sans la marque, et la Confédération du Crédit Mutuel sera de fait obligée de s’implanter en Bretagne.

Quel est le positionnement des organisations syndicales du CMB Arkéa ?
Nous sommes quatre organisations représentatives : CFDT, UNSA, SNB-CGT et depuis 2016, CGT. Et nous n’oublions pas que la direction nous a traînés au tribunal pour contester nos nominations de délégués syndicaux...
Pour l’instant l’intersyndicale tient face à la direction, et essaie d’avoir le maximum d’informations sur le dossier. Le CCE devra se prononcer sur l’indépendance, nous verrons comment défendre au mieux les personnels et l’outil de travail.
Nous tractons ensemble et la CGT fait du travail de présence physique sur le réseau bancaire.

Peux-tu préciser quelle est la revendication centrale de la CGT CMB Arkéa ?
C’est net : nous sommes pour le maintien dans la Confédération nationale du Crédit Mutuel, tout en préservant l’autonomie du CMB qui n’a d’ailleurs jamais été remise en question par la Confédération. Pour plagier le débat politique en Bretagne on pourrait dire : l’autonomie, oui, l’indépendance, non.
Et puis, évidemment, nous n’appellerons pas à manifester à Paris le 6 avril derrière notre patron. Nous notons par contre que les salaires des absents seront maintenus : une excellente jurisprudence dans le milieu bancaire.

Propos recueillis par notre correspondant
Publié dans l'hebdo L'Anticapitaliste n° 422 (22/03/18)