Toutes et tous dans l’action pour une campagne anti-répression

Le gouvernement et les médias dominants dépeignent le mouvement des « gilets jaunes » comme un mouvement violent, dans lequel les casseurs seraient nombreux. C’est une déclinaison d’une méthode classique utilisée par le pouvoir capitaliste pour décrédibiliser ses opposants : « classes laborieuses, classes dangereuses »… 

Qui est vraiment violent ?  

Au début du mouvement des « gilets jaunes », en seulement trois semaines, on a dénombré 820 blessés, plus de 1600 arrestations et 1400 gardes à vue. Mediapart parle de l’épisode de répression le plus intense depuis 50 ans, avec davantage de blessés graves qu’en Mai 68. Le journaliste David Dufresne, qui compte le nombre des violences policières depuis le début du mouvement, faisait état, au 28 février 2019, d’un décès, de 202 blessures à la tête, de 21 personnes éborgnées et de 5 mains arrachées. Qu'en est-il vraiment deux mois plus tard ?

Une violence condamnée en haut lieu 

Face à ces violences policières en nombre, plusieurs institutions internationales ont condamné l’État français pour l’usage excessif de la force face aux manifestants. Le 14 février, le Parlement européen a adopté une résolution en ce sens. Un groupe d’experts des droits de l’Homme de l’ONU a également dénombré mi-février plus de 1700 personnes blessées dans tout le pays à la suite de leur participation aux manifestations, et a déploré la « réponse disproportionnée » du gouvernement visant à « dissuader la population de continuer à exercer ses libertés fondamentales ». C’est ensuite la Commissaire aux droits de l’Homme du Conseil de l’Europe qui a épinglé Macron et Castaner pour les violations graves des libertés fondamentales en France. Elle a demandé la suspension de l’usage du LBD et a dénoncé le recours aggravé aux interpellations, gardes à vue et jugements expéditifs. Le Canard enchaîné a d’ailleurs dévoilé en février une note du Parquet recommandant à la police de prolonger les gardes à vues, même en l’absence d’infraction, pour empêcher les manifestants de retourner grossir les rangs des défilés en sortant du commissariat. 

Une répression et une criminalisation du mouvement social 
qui s’accentuent mais ne sont pas inédites 

Avec l’état d’urgence instauré en 2015, 700 assignations à résidence et 450 interdictions de séjour dans les villes de manifestations ont été prononcées. Dès 1970, la première loi anti-casseurs avait servi à arrêter massivement des manifestants écologistes et antinucléaires ; la Cour de sûreté, créée à la base pour lutter contre le terrorisme d’extrême droite de l’OAS, avait ensuite été utilisée contre les militants de 68, les maoïstes, les indépendantistes basques et Action Directe ; de même, l’état d’urgence de 2015, censé contrer le terrorisme, sert désormais à réprimer des pans entiers du mouvement social. 

Le gouvernement tente de diviser pour mieux régner : il y a les casseurs, les manifestants qui les soutiennent, et il y a les autres. On essaie de nous dire : si vous participez à des manifestations, vous serez responsables ! Car le gouvernement sait très bien que notre force c’est le nombre, et c’est ça qu’ils veulent casser. Comme dans les entreprises où les patrons utilisent leur pouvoir disciplinaire pour sanctionner et licencier les syndicalistes et s’appuient sur une justice de classe pour faire condamner ceux qui s’opposent au pouvoir capitaliste. 

Pour une campagne de luttes contre la répression !

Il ne faut rien attendre de l’opposition parlementaire, à plus forte raison quand c’est Marine Le Pen qui se gargarise, dans les médias, de son vote contre la loi anti-casseurs. On sait très bien que la réponse de l’extrême droite à toute opposition politique et syndicale a toujours été la répression violente, et Marine Le Pen n’est certainement pas du côté de ceux qui n’en peuvent plus du système capitaliste.  

La seule solution, pour mettre un terme à la violence policière et à la répression politique que déploie le gouvernement Macron, c’est d’amplifier le mouvement de contestation sociale, par la grève et par des manifestations massives. Notre camp social a donc besoin d’une grande campagne de lutte contre la répression pour unir les colères. 

Pour l’instant, les seules mobilisations un tant soit peu marquantes contre la répression ont été l’acte XII des « gilets jaunes », le 2 février, en soutien aux victimes des violences policières et les manifestation unitaire du 13 avril. Mais c’est loin d’être suffisant. Parce que les violences policières touchent l’ensemble de notre camp social – des syndicalistes aux habitants des quartiers populaires, en passant bien sûr par les « gilets jaunes » –, les rassemblements et les manifestations contre ces violences, contre la loi anti-casseurs et pour la convergence des luttes doivent se multiplier. La CGT a rendu public un communiqué pour demander l’interdiction de l’usage du « flash-ball »... mais pour l’instant, elle ne s’attelle pas à l’organisation d’une riposte d’envergure sur la question de la répression. Face à l’inaction des directions du mouvement ouvrier organisé, il est de la responsabilité des militants révolutionnaires de prendre dans les semaines qui viennent des initiatives contre la répression. Pour s’unir et ne plus subir, appelons à des rassemblements, à des manifestations, à des diffusions de tracts dans nos boîtes, dans nos lieux d’étude, dans nos quartiers, pour regrouper celles et ceux qui veulent se battre. La jonction entre les « gilets jaunes » et les syndicalistes pourrait se faire sur ce terrain. À nous de l’initier ! 

Camille Decaux