« Il est indispensable de regrouper les postiers pour résister et organiser les luttes futures »

> Entretien avec Vincent et Georges, postiers dans les Yvelines. Vincent est représentant départemental de la CGT FAPT 78 et secrétaire du CHSCT de l'établissement courrier de Versailles. Georges est facteur à Versailles, syndiqué à la CGT et membre du CHSCT. Ils ont repondu à nos questions sur la répression dont il font l'objet et sur la situation à La Poste.

Anticapitalisme & Révolution - La Poste utilise le confinement et l'obligation de disposer d'attestation de déplacements pour réprimer l'activité syndicale...

Vincent - La Poste revendique y compris par écrit qu'elle n'a pas à transmettre d'attestation aux syndicalistes qui pourraient faire du télétravail et que leur activité n'est pas indispensable « à la vie de la Nation », comme si distribuer une publicité pour Auchan ou livrer un barbecue l'étaient dans la période actuelle. Elle nous dicte par la même occasion notre activité qui pourtant consiste à être chaque jour présents sur les sites aux côtés de nos collègues.

Georges - Je suis en droit de retrait depuis le 16 mars mais je pourrais décider de reprendre le travail d'un jour à l'autre. Malgré cela la direction ne m'envoit pas d'attestation conforme. Les membres du CHSCT ont de plus une liberté de circulation absolue sur l'établissement.

Vincent - Le 20 mars dernier alors que nous étions présents à Croissy-sur-Seine pour communiquer aux collègues les modalités du droit de retrait pour se protéger du coronavirus qui peut rester sur le courrier pendant 5 jours la responsable locale a appelé la police. Se comportant comme des vigiles de la Poste les policiers après avoir longuement insisté pour contrôler notre identité nous ont repoussé physiquement à l'entrée du site. On comprend mieux pourquoi la Poste a offert 300 000 masques au ministère de l'Intérieur. Une douzaine de collègues ont tout de même exercé leur droit de retrait. Une dizaine de jours plus tard nous avons tous deux reçu un courrier du commissariat de la Celle-Saint-Cloud nous signifiant que l'officier du ministère public saisissait un tribunal pour recquérir une amende d'un montant pouvant aller jusqu'à 750€ ! Au delà même des 135€ prévus par la loi. À croire que les syndicalistes sont soumis à des lois d'exceptions. Nous ne faisions pourtant qu'inciter des collègues à rester chez eux comme le répètent les medias et les politiciens toute la journée. Visiblement pour le gouvernement Philippe il est interdit d'aller dire bonjour à ses parents ou sa famille mais pas à son patron.

A&R - Cette répression est habituelle à
La Poste ?

V. - Nous sommes en effet confrontés au quotidien à la répression. Pour empêcher les droits de retrait la direction n'hésite pas à mentir en menaçant les collègues de sanction ou de ne pas les payer. Après la grève de 43 jours des facteurs de Versailles en décembre-janvier la direction a convoqué 5 facteurs en entretien préalable avant sanction dont moi sans aucun motif réel. Elle n'a pas hésité à forcer des collègues à faire des faux témoignages pour cela. 3 sont sortis blanchis de cette affaire et un a pris un blâme. Personnellement je passerai à nouveau en conseil de discipline, pour la quatrième fois, après la période de confinement. La direction veut m'infliger 3 mois de mise à pied. Elle a aussi multiplié les plaintes au procureur et les mains courantes au commissariat à notre encontre. Dernièrement elle a même contesté une expertise du CHSCT au tribunal, contestant ainsi que le Covid-19 est un danger grave et imminent, en envoyant un huissier à mon domicile.

A&R - Pourtant elle n'a pas pu empêcher l'exercice du droit de retrait ?

G. - Dans les Yvelines, le droit de retrait a été massif dans certains bureaux mais aussi inexistant ailleurs. Pourtant la mise en danger des agents et leur peur est la même partout mais dans les bureaux où rien ne s'est passé de manière coordonnée, faute d'implantation syndicale ou militante, peu de facteurs ont osé exercer ce droit de retrait de manière isolée.
Dans ces conditions, les facteurs travaillent constament dans la peur de la contamination. Lors de la préparation des tournées dans des espaces réduits au contact de nombreux collègues la distanciation est impossible, il en est de même dehors quand les usagers continuent à venir à son contact.
Beaucoup nous confient leur angoisse mais les menaces de la direction contre l'exercice du droit de retrait est plus forte. La Poste le sait, elle fait travailler ses agents sous la contrainte pour des intérêts économiques et continue la distribution de la publicité et des commandes sur internet non essentielles. Les facteurs s'en rendent compte et ne l'auront pas oublié quand viendra le temps des luttes futures.
Ces mouvements de droit de retrait sont donc forts dans les bureaux où les grèves sont habituellement le plus suivies.

A&R - Pourquoi la boîte cachait-elle son stock de masque ?

G. - L'État, actionnaire unique, en partie par le biais de la Caisse des dépôts, avait forcément connaissance de ce stock. Alors que les soignants en manquent desespérement, 24 millions de masques dormaient dans un hangar. Et au lieu de protéger ses agents pourtant au contact du public et de leurs collègues La Poste les a dissimulé à ses employés. La Poste ne voulait peut être pas user ce précieux stock au risque de voir sa production et ses profits cesser plus tard quand le port de ceux-ci sera rendu obligatoire.

A&R - Pourquoi participez-vous à la plateforme des postières et postiers en resistance ?

V. - Nous participons à la plateforme des postiers en lutte parce qu'on pense qu'il est indispensable de regrouper les postiers, quelque soit leur étiquette syndicale mais aussi bien sûr les non syndiqués, largement majoritaires pour résister et organiser les luttes futures qui seront forcément nécessaires pour obliger la direction de la Poste à abandonner sa politique qui va sans cesse à l'encontre des intérêts des travailleurs.