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Publié dans la revue A&R /
Stratégie
/ Replacer l'internationalisme révolutionnaire au coeur de nos préoccupations
L'ensemble des partis politiques, à l'exception du nôtre, de Lutte ouvrière et de quelques petites organisations (Alternative libertaire, etc.), développe des thèmes chauvins. Le Front de gauche, par exemple, a fait campagne ces dernières années tantôt contre « l'Europe allemande », tantôt contre « l'Europe américaine ». Une des affiches du Parti de gauche titrait même : « La France, la belle, la rebelle »... Le PS quant à lui, défend à travers le ministre Montebourg le « produisons français », la protection de la « grande » industrie française. Le mot d'ordre « produisons français » est d'ailleurs un slogan piqué à la campagne du PCF et de Georges Marchais en 1981... Et aujourd'hui, dans ces organisations-là, on n’oublie jamais de chanter la Marseillaise après l'Internationale (si ce n’est avant)… A l'heure où peu d'organisations du mouvement ouvrier s’en réclament encore, il semble donc important de défendre l’internationalisme.
Le capitalisme : un système international
Le capitalisme s’est créé et développé à l’échelle mondiale. Dès son essor en Europe, il a cherché à conquérir de nouveaux marchés et donc de nouveaux pays. Ainsi l’avènement de ce mode de production a coïncidé avec la colonisation de différents continents. Les prémices du capitalisme ont correspondu avec la colonisation de l’Amérique et de l’Orient. Le commerce triangulaire a été l’une de ces facettes : marchandises partant d'Europe vers l'Afrique pour être échangées contre des esclaves, ces derniers étant envoyés en Amérique où ils sont vendus pour travailler et produire des marchandises qui seront envoyées en Europe.
Avec la nouvelle phase d’essor du capitalisme, l’impérialisme, les bourgeoisies se sont lancés à la conquête de l’Afrique et de l’Asie. Les bourgeoisies européennes ont pu ainsi bénéficier de matières premières et de nouveaux marchés où écouler les produits manufacturés, tout cela au détriment des pays dominés où l’impérialisme a sans cesse orchestré la famine et les guerres. Il ne s’agit pas de dommages collatéraux de la part de la classe dominante, mais bel et bien du fonctionnement « normal » du capitalisme. Le centre du système capitaliste est ultradéveloppé et a causé la destruction des moyens de subsistance du reste du monde, sans pour autant avoir permis que le capitalisme se développe de la même manière que dans le centre.
De cette situation découle l’économie telle que nous la connaissons aujourd’hui. Une minorité de multinationales possèdent l’ensemble du marché mondial, et les travailleurs occidentaux sont souvent exploités par les mêmes patrons que les travailleurs d’Asie ou d’Afrique. L’internationalisation du marché conduit également à l’internationalisation de la production, et donc de l’exploitation capitaliste. Les multinationales ont divisé la production dans les différentes régions du monde. Par exemple, la Toyota Yaris, souvent présentée comme une voiture produite exclusivement en France (à Valenciennes), est en réalité composée de pièces produites au Portugal, en Turquie, en Pologne… Cette division internationale du travail pousse d'ailleurs à la migration nombre de travailleurs... et à leur mise en concurrence par les capitalistes, qui s'appuient dessus pour renforcer leur division.
Si la production capitaliste est mondiale, alors la lutte de classes l'est aussi
Nous ne sommes pas en présence de capitalistes qui n’auraient aucun lien les uns avec les autres et qui seraient enclavés derrière leurs frontières. Certes, ils sont en concurrence les uns avec les autres, mais ils savent aussi se mettre d’accord et se serrer les coudes quand il s’agit de lutter contre les travailleurs. Ils disposent d’organismes internationaux à travers lesquels ils font régner l’ordre, comme le FMI, l’ONU, l’OTAN, l’UE… Leurs rapports à la nation, au pays, n’existent qu’en fonction de leurs intérêts. Nous l’avons vu dernièrement avec la crise économique : ce sont les Etats qui ont épongé les dettes des banques. L’État permet aussi aux classes dirigeantes nationales de mener des guerres impérialistes pour s'assurer le contrôle de telle ou telle partie du globe, divisant le monde en zones d'influence entre grandes puissances. Et la France, avec ses interventions répétées au Mali ou en Centrafrique, n'est pas en reste pour défendre les intérêts de ses capitalistes. Derrière les conflits et les guerres se cachent les intérêts sonnants et trébuchants des grands groupes capitalistes.
L’État leur sert également à disséminer le venin du chauvinisme parmi les opprimés. Ce venin fonctionne particulièrement bien. On nous assène à longueur de journée que le travailleur français a plus d’intérêts en commun avec le patron français qu’avec un travailleur étranger. Les exemples qui illustrent le rôle objectif du chauvinisme pour diviser les exploités ne manquent pas. Pour n’en prendre qu’un, et puisque nous fêtons le centenaire de la Première Guerre mondiale, l’« union sacrée » à laquelle se sont livrées les directions des organisations ouvrières de l’époque a coûté la vie à des millions de travailleurs qui se sont battus les uns contre les autres pour les intérêts de leur bourgeoisie respective…
Construire le parti mondial de la révolution
L’internationalisme, c’est l’idée que la seule différence qui existe dans la société, c’est l’opposition entre la classe ouvrière et la bourgeoisie, et non entre les différents pays. C’est aussi l’idée que les travailleurs doivent unir leurs forces contre la bourgeoisie pour vaincre l’exploitation et l’oppression.
Il ne s’agit pas tellement d’une pensée, d’un concept, mais d’un besoin fondamental et concret pour la classe ouvrière afin d’assurer la tâche historique que représente l’abolition de la société de classes. Et même pour la suite, l’internationalisme est important. Une fois la révolution accomplie, il faudra mettre en place un nouveau système qui lui aussi sera forcément international. Il faudra donc que les peuples du monde entier collaborent de manière fraternelle pour organiser la nouvelle économie, organiser les échanges.
Il suffit de constater à quel point la société a pu être ébranlée chaque fois que la solidarité internationale des travailleurs s’est exprimée. Les luttes anticoloniales n’ont pas seulement aidé les peuples opprimés à se libérer du joug colonial, elles ont aussi aidé les travailleurs des métropoles impérialistes à lutter contre leur bourgeoisie : en France, au Portugal, aux USA…
De même, chaque conflit national a toujours des répercussions dans d’autres pays, et il en est de même pour les révolutions. Les révolutions égyptienne et tunisienne ont donné l’exemple des occupations de places aux jeunesses de Grèce et de l’État espagnol, qui ont elles-mêmes inspiré les manifestants turcs… Et ce n'est pas nouveau : la révolution russe a été le point de départ d’une vague révolutionnaire dans toute l'Europe. Le mouvement ouvrier, au XIXème siècle, s'est très rapidement constitué au niveau international. Il était même en avance sur les bourgeoisies, à l'époque. Aujourd’hui nous sommes en retard, et il est important de rattraper ce retard.
Ce sont tous ces éléments – l’internationalisation du capitalisme et donc de la lutte des classes, des conflits, des révolutions et des contre-révolutions – qui doivent nous pousser à construire aujourd’hui une Internationale prolétarienne révolutionnaire. Construire une Internationale doit permettre aux révolutionnaires du monde entier, quelle que soit leur histoire, de se coordonner et d’apprendre à construire ensemble des partis révolutionnaires. Elle doit servir aussi à répondre aux besoins immédiats en matière de solidarité internationale. C’est cette expérience commune antérieure qui permettra de construire une Internationale utile à la révolution.