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Affrontements entre la police et les grévistes à Minneapolis, 1934.
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Au début des années 1930, la classe ouvrière américaine était confrontée à un rapport de forces très négatif. La bourgeoisie était triomphante. Les Etats-Unis étaient devenus à cette époque une puissance impérialiste de premier plan. En 1925, Ford produisait autant de voitures en un jour que pendant toute l’année 1908 grâce au recours massif à un travail peu qualifié, où les tâches étaient morcelées et simplifiées.
Une nouvelle classe ouvrière comprenant des centaines de milliers de travailleurs peu ou pas qualifiés était regroupée dans l’automobile, la sidérurgie, la production de pneus… Le prolétariat n’était plus complètement ségrégé : en 1890, 7 % des Afro-Américains travaillaient dans l’industrie, ils étaient 25 % en 1930. Au milieu des années 1930, ils représentaient 25 % de la main-d’œuvre des abattoirs de Chicago.Mellon, banquier et troisième fortune du pays, devint secrétaire du Trésor en 1921, un poste qu’il allait garder 10 ans. On disait de lui à l’époque que trois présidents avaient effectué leur mandat sous son autorité… Tout un symbole de l’arrogance et de la confiance en elle de la bourgeoisie américaine.
Le rôle de la répression
dans ce « triomphe »
Autour de 1900, les chiffres de syndicalisation aux USA étaient comparables à ceux d’Europe. Mais en 1928, 604 grèves sont répertoriées, le chiffre le plus bas depuis 1884. Ce qui s’expliquait par la violente offensive anti-ouvrière du début du siècle. Le trait distinctif de la situation américaine n’était pas tant la violence gouvernementale que la violence patronale : la grande grève de la sidérurgie de 1919, par exemple, entraîna 365 000 sidérurgistes sur 500 000 ; le patronat répondit en barricadant ses usines de barbelés électrifiés hérissés de mitrailleuses. La répression fit 26 morts.
Toutes les grandes entreprises avaient de véritables armées privées. Ford disposait d’un « Service Department » de 3 000 hommes. Un employé sur dix était un espion à l’usine River Rouge dans la banlieue de Detroit (90 000 travailleurs). Les grosses entreprises employaient de véritables polices secrètes privées. Le recours aux espions implantés dans les syndicats était généralisé ; pour les débusquer, Clint Golden, un militant syndical de Philadelphie, passa dans les années 1920 une fausse petite annonce pour recruter des « agents confidentiels » : il reçut 300 réponses, dont une bonne partie de chômeurs sans le sou mais aussi une série de militants syndicaux, dont le président de l’équivalent de l’union locale de Philadelphie !
Les patrons utilisaient les tribunaux : lors de la grève des mineurs de 1927, les tribunaux interdirent de tenir des piquets de grève, d’utiliser les fonds des syndicats pour nourrir les grévistes, ou même de chanter des chansons syndicales !
Un racisme virulent
Des pogroms eurent lieu dans 20 villes entre 1917 et 1921. Ils suscitèrent une résistance bien plus importante que par le passé, y compris les armes à la main de la part des Noirs. Cela n’empêcha pas qu’entre 1918 et 1927, 405 hommes et 11 femmes (dont 3 enceintes) furent lynchés, c’est-à-dire torturés et mis à mort en public.
Les Afro-Américains étaient la cible d’une violence institutionnelle extrême : en 1919, lors de la tentative de construire un syndicat de paysans en Arkansas, une chasse à l’homme fut organisée, et 800 personnes furent tuées.
Un mouvement syndical dominé
par des éléments pro-capitalistes,
particulièrement réactionnaires
Les dirigeants de l’American Federation of Labor (AFL) traitaient les syndicats comme des entreprises. C’était pour eux un terrain d’investissement financier. Il n’existait pas de parti ouvrier indépendant à l’échelle nationale, pas de tradition socialiste solidement implantée sur la scène politique et dans la vie quotidienne, comme en Europe.
Le racisme dans le mouvement syndical était endémique : une bonne partie des syndicats de l’AFL interdisaient aux Noirs l’adhésion, une autre partie les regroupait dans des syndicats séparés.
De plus, l’AFL était composée quasi-exclusivement de syndicats de métier : dans une entreprise ou une branche, chaque métier avait son propre syndicat. L’AFL rejetait même l’idée d’organiser les travailleurs non-qualifiés, traités de « racaille » par l’un de ses dirigeants en 1934.
Globalement, si elle tolérait les syndicats de métiers AFL très affaiblis dans les années 1920 (de 4 millions de membres en 1920 à 2,7 millions en 1929), la bourgeoisie n’admettait pas l’existence de syndicats dans les branches-clés.
Et par-dessus le marché : la crise !
La crise de 1929 se traduisit par une baisse d’un tiers du PNB, le secteur manufacturier chutant lui de moitié. D’octobre à décembre 1929, on passa de 500 000 à 4 millions de chômeurs. Avec 25 % de chômage officiel en 1933, on approchait en réalité des 40 %, avec 50 % à Detroit par exemple… En 1932, US Steel n’employa pas une seule personne à plein temps. Quotidiennement, des gens moururent de faim dans l’une des principales puissances capitalistes.
Le rôle des militants révolutionnaires
dans l’essor de la lutte de classe
Le capitalisme était triomphant en 1929 ; trois ans plus tard, la faillite était complète. L’idée que le fonctionnement même du capitalisme était en cause pouvait faire son chemin. Et tous les obstacles décrits ci-dessus n’empêchèrent pas la classe ouvrière américaine de se lancer dans une contre-offensive impressionnante, où les militants révolutionnaires jouèrent un rôle significatif.
Après le choc initial de la crise, les États-Unis allaient connaître une vague de grève à partir de 1933 : 1 695 grèves, le double de 1932, avec la participation de 1 117 000 grévistes (presque le quadruple de 1932). En 1934 : 1 856 grèves, 1 470 000 grévistes. En 1937, ce fut le pic de la décennie, avec 4 470 grèves et près de 2 millions de grévistes.
À cette époque, il existait une avant-garde ouvrière organisée à l’échelle nationale, regroupée principalement dans le Parti communiste, mais aussi d’autres courants socialistes radicaux, trotskystes, etc. Le PC gagna une influence au début des années 1930 grâce à sa combativité, qui était malheureusement mise au service d’une politique sectaire. Tous les PC du monde, même de taille modeste, étaient déclarés par Staline aptes à diriger l’insurrection imminente. La social-démocratie fut désignée comme principal ennemi à abattre, et le PC créa des « syndicats rouges » ultra-minoritaires.
La gauche révolutionnaire fut cependant capable de trois contributions importantes, qui allaient favoriser la remontée des luttes.
Les militants « lutte de classe » firent le choix, dès le déclenchement de la crise, de s’adresser aux chômeurs. Le PC en particulier construisit une coalition nationale de comités de chômeurs, qui organisa une marche contre la faim dès le 6 mars 1930 (un million de personnes). Ce furent les militants impliqués dans ces comités qui organisèrent des groupes interraciaux pour empêcher les expulsions, en faisant participer la population. Ces militants, qui avaient accumulé une expérience de lutte dans les comités de chômeurs, furent embauchés dans les entreprises à partir de 1933 quand s’amorça une reprise économique.
Le PC développa à ce moment-là une politique antiraciste exemplaire à bien des égards. Il fit une priorité du travail en direction des Noirs, considérés comme une nationalité opprimée jouant un rôle spécial dans le processus révolutionnaire. Le parti fit des efforts spéciaux pour former des cadres noirs, des sections spéciales furent formées dans les instances centrales et locales, des publications spéciales furent éditées : pour abattre le racisme, il fallait abattre le capitalisme par une lutte de masse, dans l’unité Noirs/Blancs. Le PC mena des attaques virulentes contre les leaders bourgeois et petits-bourgeois noirs. Un combat contre le « chauvinisme blanc » fut mené tambour battant dans le parti. Le mot d’ordre « Chaque travailleur blanc doit sauter sans hésiter à la gorge de toute personne qui persécute un Noir » n’était pas une parole en l’air : les militants du PC prouvèrent qu’ils étaient prêts à prendre des risques dans la lutte contre le racisme.
La campagne pour la libération des « Scottsboro Boys » allait leur donner l’occasion d’une véritable percée : le PC mena une campagne internationale contre la condamnation à mort de neuf jeunes garçons noirs accusés à tort du viol de deux femmes blanches. Les centaines de meetings, manifestations, etc. à l’initiative du PC finirent par faire des Scottsboro Boys le symbole de la lutte contre la discrimination, et la stratégie « lutte de classe » du PC donna des résultats : en 1937, quatre des neuf Scottsboro Boys furent libérés. Par la combinaison d’une lutte frontale contre le racisme et d’une implication constante dans les luttes contre les conséquences de la crise, le PC construisit la première organisation « intégrée » de l’histoire des USA : de 200 militantes et militants noirs en 1930 (moins de 3 % des effectifs du parti), le PC passa à 7 000 en 1938 (plus de 9 %, alors que la proportion de Noirs dans la population était de 11 %). Dans certaines villes comme Birmingham, la majorité des membres étaient des travailleurs noirs, qui avaient fait du PC leur propre organisation. Une génération de dirigeantes ouvrières noires, comme Claudia Jones, se forma en mettant en avant la nécessaire lutte contre la « triple oppression » (en tant qu’ouvrière, femme et Noire).
Enfin, les militants révolutionnaires dirigèrent des grèves vers la victoire, prouvant qu’il était possible de percer une brèche dans la domination sans partage de la bourgeoisie US. A partir de 1933, les premiers signes d’une montée ouvrière devinrent visibles.
En arrivant en janvier 1933 à la Maison Blanche, la première chose que fit Roosevelt fut d’ordonner une fermeture des banques d’une semaine. Il fit adopter une loi d’urgence bancaire qui permit au gouvernement de prêter de l’argent aux banques et de réorganiser celles en faillite. Dans la foulée, il poussa les capitalistes à mettre en place des ententes dans chaque branche pour fixer des prix de production qui garantissaient un niveau de profit minimal. Avec la Civil Works Administration, fin 1933-début 1934, il créa 4 millions d’emplois sous-payés pour les chômeurs… 7 millions de personnes furent refusées par cette CWA. Tout en sauvant les banques et en volant au secours des grandes entreprises, l’objectif avoué de Roosevelt était de lâcher un peu de lest pour empêcher un soulèvement des travailleurs. Il fit adopter à contrecœur la section 7a du National Industrial Recovery Act, qui donnait le « droit aux travailleurs de rejoindre une organisation syndicale de leur choix et de participer à des négociations collectives ».
Les dirigeants de l’AFL crièrent victoire, mais il n’y eut aucune contrainte pour les patrons à reconnaître les syndicats créés par les travailleurs, qui se ruèrent vers l’AFL. Opposée à l’idée d’organiser les travailleurs qualifiés, celle-ci les parqua dans des sous-syndicats, les « Federal Local Unions » (FLU), sans pouvoir de représentation. Les dirigeants de l’AFL dirent aux travailleurs qui se lançaient dans des grèves de faire confiance au gouvernement… Celui-ci réprima violemment les grèves, qui allèrent de défaite en défaite. Les travailleurs quittèrent les FLU presque aussi vite qu’ils les avaient rejoints : de 365 000 membres à la mi-1934, les FLU n’en eurent plus que 89 000 en 1935.
C’est à ce moment-clé qu’eurent lieu trois grèves retentissantes, dirigées par des militants « lutte de classe », à Toledo, Minneapolis et San Francisco.
À Toledo, en avril 1934, les grévistes de l’entreprise automobile Electric Auto-Lite s’adressèrent aux militants de l’American Workers Party, qui était à la tête de comités de chômeurs. Sous l’impulsion de l’AWP, qui allait fusionner peu après avec les trotskystes, les grévistes furent rejoints par les chômeurs sur les piquets de grève et bravèrent leur interdiction par les tribunaux. La grève s’étendit : le 21 mai, 1 000 personnes participèrent aux piquets, le 22 mai 4 000, le 23 mai 10 000. La Garde Nationale fut envoyée contre les grévistes. Les combats de rue durèrent trois jours et firent deux morts du côté des grévistes. Les syndicats AFL de Toledo menacèrent d’appeler à une grève générale et les patrons d’Auto-Lite cédèrent.
À Minneapolis, ce furent les trotskystes qui dirigèrent une série de grèves en mai puis juillet-août 1934 dans l’industrie du transport routier. Elles constituèrent un modèle d’organisation : une cantine qui servait 5 000 repas gratuits par jour, un hôpital de campagne et surtout des équipes de grévistes motorisées et coordonnées par le comité de grève élu par les grévistes. Comme à Toledo, ils affrontèrent la police, les milices privées et même l’armée. Il y eut deux morts du côté des grévistes… mais aussi deux morts du côté adverse, dans une bataille rangée filmée et diffusée aux informations : de nombreux travailleurs virent que pour une fois, ce n’étaient pas toujours les mêmes qui « prenaient cher » sans répondre.
Là encore, l’appel à la grève générale des syndicats de Minneapolis obligea le gouverneur de l’État à reculer, et le patronat à accorder des augmentations de salaires et surtout la reconnaissance du syndicat « Local 574 » dirigé par des révolutionnaires.
La grève des dockers de Sans Francisco, où le PC joua un rôle prépondérant, s’étendit également à toute la ville et même à tous les ports de la côte ouest, et déboucha aussi sur de durs affrontements où les grévistes répondirent du tac au tac.
La vague de grèves de 1936-37
et la formation du Congress
of Industrial Organizations
- Scission dans la bureaucratie syndicale
Confrontée à ce début de soulèvement des travailleurs des États-Unis, une partie de la bureaucratie syndicale décida de réagir. Lewis, le président du syndicat des mineurs (UMW), se rendit compte que si les directions syndicales ne proposaient pas de perspectives aux travailleurs, elles allaient se faire dépasser par un mouvement dont les révolutionnaires pouvaient prendre la tête. Rien ne prédestinait Lewis à diriger une vague de grèves offensives. Il était le prototype du dirigeant syndical pro-capitaliste brutal, qui avait expulsé les communistes de l’UMW dans les années 1920.
Lewis et une poignée de dirigeants syndicaux défendirent l’idée qu’il fallait construire des syndicats « industriels » regroupant tous les travailleurs d’une même industrie, quel que soit le métier, en organisant les millions de travailleurs non-qualifiés prêts à se battre. En 1935, Lewis et ses partenaires fondèrent le CIO. Il se tourna alors vers les militants radicaux qu’il avait exclus 10 ans plus tôt : il avait besoin de militants expérimentés et courageux. Ce fut du côté des organisations anticapitalistes qu’il les trouva, en particulier au PC.
- Le CIO, un « mouvement social »
Les premières grèves avec occupation de 1936-37 commencèrent en janvier à Akron, dans l’industrie du pneu. La vague de « sit-down strikes » toucha tous les secteurs : l’industrie, mais également le commerce et les services plus féminisés, avec par exemple la grève des vendeuses du grand magasin Woolsworth à Detroit. Une à une, les grosses entreprises cédèrent. Plus qu’une campagne de grèves et de syndicalisation, ce fut un « mouvement social », un soulèvement de la classe ouvrière qui changea le rapport de forces dans bien des domaines. Le CIO fit appel explicitement aux travailleurs noirs : les 50 000 salariés noirs syndiqués furent multipliés par dix en 1940. Dans les villes sidérurgiques de Pennsylvanie et de l’Ohio, par exemple, la mobilisation des travailleurs obtint la déségrégation de tous les restaurants, commerces et même des piscines, 30 ans avant le mouvement des droits civiques.
- Flint, la grève du siècle
General Motors, le plus gros employeur des USA, fut touché par la grève fin 1936. Toutes les usines du groupe furent impactées, et en décembre, ce furent les usines de la région de Detroit, à Flint, qui basculèrent dans une bataille sur laquelle tous les yeux étaient rivés. La grève fut menée par un comité de grève avec des AG quotidiennes, les grévistes étaient organisés en groupes de 15 : chacun alternait six heures de repos et trois heures de « travail de grève » : tenue des piquets, patrouilles, propreté, cuisine, loisirs… Les grévistes entassèrent du matériel de défense en cas d’assaut des forces de répression. La « Brigade d’intervention d’urgence féminine », dirigée par des militantes révolutionnaires, joua un rôle essentiel dans les batailles rangées avec la police. Acculé, le gouverneur envisagea d’envoyer l’armée pour déloger les grévistes. Ils répliquèrent en lui adressant un avertissement public : ils préféraient risquer la mort plutôt que de perdre. Des milliers de personnes, dont un bon nombre étaient armées, affluèrent vers Flint de toutes les villes voisines. Lewis lui-même interpella le gouverneur en l’avertissant que s’il envoyait la troupe, « la milice aura le plaisir de me faire sortir de l’usine les pieds devant ». Le gouverneur céda, le CIO fut reconnu par General Motors, bastion de l’anti-syndicalisme. Le nombre de grèves avec occupation explosa. Le CIO triomphait : le nombre de syndiqués passa de 2,6 millions en 1934 à 7,3 millions en 1938.
La victoire de Flint fut un tournant. Une partie du patronat se résolut à accepter l’existence de syndicats. Quelques semaines après la victoire de Flint, US Steel, le plus gros employeur de la sidérurgie, signa un contrat avec le CIO avant même le déclenchement d’une grève.
Le PC avait engagé dès 1935 la politique de « Front populaire », qui impliquait de rechercher l’alliance avec Roosevelt et avec la bureaucratie syndicale. L’aile gauche de celle-ci s’appuya momentanément sur la vague de luttes et sur un PC prêt à collaborer : elle réussit ainsi à forcer le patronat à s’asseoir à la table des négociations, donnant une place aux directions syndicales dans la gestion du système, y compris aux dirigeants du PC qui détenaient en 1937 des postes-clés dans 40 % des fédérations du CIO. Le patronat était prêt à accorder une place aux directions syndicales, à condition qu’elles « contrôlent » leurs rangs. Ce début de stabilisation des relations entre employeurs et syndicats arriva au moment où la crise rebondissait, à partir de la mi-1937. Les dirigeants syndicaux, y compris du PC, désavouèrent les occupations, et la défaite sanglante de la grève de Little Steel brisa l’élan du CIO. La marche à la guerre put ainsi commencer pour Roosevelt.
Un débat oublié : le « Labor Party »
« Beaucoup de travailleurs se demandaient : « Pourquoi ne pas aller encore plus loin ? » Aujourd’hui nous avons fait plier le puissant General Motors […], pourquoi ne pas continuer demain, avec notre nombre, notre solidarité, notre détermination à transformer le gouvernement au niveau local, régional et national ? Pourquoi ne pas aller jusqu’à créer une nouvelle société avec les travailleurs à sa tête, pour mettre fin aux vieilles injustices, pour bannir la pauvreté et la guerre ? »[1]
En 1937, un sondage officiel chiffra à 21 % le soutien de la population pour un parti indépendant des Démocrates et des Républicains. Dans le mouvement ouvrier, ce sentiment était encore plus fort, en particulier dans les secteurs à l’avant-garde des luttes. Le congrès de 1936 de l’UAW vota ultra-majoritairement une résolution pour la formation d’un parti ouvrier et contre une résolution de soutien à Roosevelt. L’envoyé spécial de Lewis menaça la direction de l’UAW : si le congrès ne soutenait pas Roosevelt, le CIO allait stopper ses financements… Un nouveau vote fut alors organisé en faveur de Roosevelt.
En 1936, le CIO créa la Ligue Ouvrière Non-Partisane, présentée par ses fondateurs comme un outil pour la formation d’un parti ouvrier. Mais son activité consista principalement à récolter 750 000 dollars pour Roosevelt. Le CIO suspendit même pendant les dernières semaines de la campagne électorale ses campagnes syndicales. « L’histoire du CIO allait constamment apparaître comme un mélange de deux éléments. D’un côté, l’organisation de masse des travailleurs industriels devait mener à de gigantesques batailles, la plupart du temps à l’initiative de la base militante malgré la direction. Et de l’autre, les travailleurs allaient être dépossédés de nombre de leurs gains, à cause de l’intervention du gouvernement qui avait le soutien des propres dirigeants du CIO. Ne voulant pas gêner les gouvernements démocrates, les dirigeants du CIO gardaient l’un des bras du CIO, son bras politique, attaché dans le dos ».[2]
En 1936-37, pour une brève période, les travailleurs furent à l’offensive : la barrière du racisme était largement fragilisée, l’anticommunisme désamorcé, les travailleurs préparés à répondre à la violence des employeurs, et la formation d’un parti ouvrier indépendant était à portée de main. Pour saisir cette occasion, il aurait fallu une direction révolutionnaire, et cette occasion fut gâchée par le PC stalinisé.
[1] DE CAUX, Len. Labor Radical. From the Wobblies to CIO. A Personal History. Boston : Beacon Press, 1970.
[2] PREIS, Art. Labors Giant Step. Twenty years of the CIO. New York : Pioneer Publishers, 1964
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Grève générale de San Francisco en 1934 |
- M. Goldfield, « Race and the CIO : the possibilities for racial egalitarianism during the 30s and the 40s » (article passionnant sur les politiques anti-racistes des différentes directions syndicales au sein du CIO)
- H. Zinn, Une histoire populaire des Etats-Unis
- F. Dobbs, Teamster Rebellion (en français, sur les grèves de Minneapolis en 1934)
- C. Post, « The forgotten militants » (mise en perspective du rôle du facteur subjectif, à l’époque et aujourd’hui)
- J. Newsinger, Fighting back (un livre consacré aux années 30)
- S. Smith, Subterranean Fire (une histoire générale du radicalisme ouvrier aux USA)
- P. Leblanc, A short history of the US working class
- R. Kelley, Hammer and hoe (sur le travail du PC en Alabama)
- M. Naison, Communists in Harlem during depression (sur le travail Noir du PC à Harlem)
- Lin Shi Khan et Tony Perez, Scottsboro Alabama de l’esclavage à la révolution
- L. Balhorn, « La politique antiraciste du PC américain dans les années 30 » Revue Période
- W. Z. Foster « Organizing methods in the steel industry » (une brochure du PC qui donne une bonne idée de l’état d’esprit des militants radicaux lors de l’essor du CIO)
- A. Preis, Labor's giant step (sur l'histoire du CIO de la fondation à la fusion avec l’AFL en 1955)
- J. Cannon, L'histoire du trotskysme américain (dont un chapitre sur les grèves de Minneapolis)
- V. Evangelisti, Nous ne sommes rien, soyons tout (roman avec un point de vue original sur l’histoire du mouvement ouvrier américain, avec un aperçu de la grève générale de San Francisco de 1934)
- J. Steinbeck, En un combat douteux (roman)
- Le sel de la terre de Biberman (1954)
- En un combat douteux de James Franco (sort prochainement)
- Une histoire populaire des Etats-Unis (deux films dont un est déjà sorti)
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