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/ Irak, Syrie : les peuples otages des calculs des grandes puissances
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En Irak, l’offensive pour reprendre Mossoul aux forces de l’État islamique est menée essentiellement sur le terrain par les forces spéciales de l’armée irakienne et les peshmergas du gouvernement régional kurde autonome dirigé par Barzani...
Elle est appuyée par les moyens aériens des grandes puissances, notamment de la France et des États-Unis. La France a effectué 68 bombardements en une seule semaine...
Une guerre sans principe
L’offensive redouble d’intensité depuis vendredi 28 octobre grâce au renfort des milices chiites Hachd al-Chaabi soutenues par l’Iran. Ces forces paramilitaires sont le bras armé du régime iranien sur le sol irakien depuis plusieurs années, et elles ont la sinistre réputation de procéder à des massacres, notamment de sunnites, lorsqu’elles reconquièrent des territoires, comme à Fallouja, en juin dernier. La Turquie d’Erdogan proteste contre l’arrivée de ces milices et les menace de représailles si elles s’en prennent aux populations turkmènes, nombreuses dans le secteur. Le gouvernement kurde de Barzani a de son côté fait pression pour qu’elles n’entrent pas dans Mossoul et se cantonnent aux villages au sud ouest de la ville.
Cerise sur le gâteau : leur chef suprême est classé parmi « les terroristes » par le gouvernement américain depuis 2009... Mais visiblement, dans cette bataille pour Mossoul, les grandes puissances, États-Unis en tête, font feu de tout bois pour vaincre Daesh, qui est donc actuellement la seule puissance militaire locale à être estampillée « terroriste ».
Le rôle de ces milices chiites est de couper la route de la retraite des troupes de Daesh vers leur fief de Raqqa en Syrie. Car même si la résistance de celles-ci est forte depuis le début de l’offensive, et sera sans doute encore plus acharnée au sein même de Mossoul, au vu du rapport de forces, il leur faudra tôt ou tard songer au repli et abandonner la ville à leurs adversaires. Le prix à payer de cette reconquête pour les habitantEs s’annonce d’ores et déjà catastrophique.
Des crimes de masse en série
Les forces coalisées contre Daesh annoncent qu’elles ont tué près de 900 de ses combattants sur les 7 000 qui contrôlent la région de Mossoul. Les soldats de l’État islamique ont kidnappé 8 000 personnes lors de leur retraite d’un des villages à l’est de la ville pour s’en servir comme bouclier humain et en ont massacré 250 autres. Plus de 17 000 personnes ont déjà fuit la zone des combats, mais le pire est à venir puisque sur le million et demi d’habitantEs que compte Mossoul, près d’un million pourrait quitter la deuxième ville d’Irak alors que 3,3 millions de personnes vivent déjà dans des camps de réfugiéEs dans le pays. Certains déplacés irakiens prennent la direction de la frontière syrienne et doivent parcourir la zone désertique de Rajm Al-Saliba avant de l’atteindre, avant d’être longuement fouillés et examinés par les combattants de l’Armée syrienne libre qui contrôlent la frontière dans la région d’Alep et qui craignent les infiltrations de combattants de Daesh.
Les deux conflits sont étroitement mêlés. Les bombardements, effectués tout au long de la même semaine par l’aviation russe contre la partie est d’Alep qui continue à échapper au contrôle du dictateur Assad, ont fait plusieurs dizaines de mortEs parmi des enfants sur les bancs de l’école. À chacun son lot de sang. Celui versé par Daesh n’efface ni celui versé par la Russie ni celui versé par les États-Unis et ses alliés (notamment la France de Hollande) et dont la responsabilité dans cet immense chaos est primordiale.
Les populations des deux côtés de la frontières irako-syrienne sont les victimes des jeux des grandes puissances pour la sauvegarde de leurs intérêts économiques et militaires depuis près de trois décennies. Le dirigeant nationaliste kurde Barzani, tout dévoué à ces intérêts, a beau fanfaronner à l’avance en déclarant que la reprise de Mossoul enclenchera le processus d’indépendance du Kurdistan irakien, il est fort prévisible que derrière la bataille de Mossoul se profilent d’autres batailles... Rien ne dit que les alliés de circonstance d’aujourd’hui ne deviennent pas les meilleurs ennemis de demain. Et comme toujours les peuples en paieront le prix fort.
Marie-Hélène Duverger
dans l'hebdo L'Anticapitaliste n° 357 (03/10/16)