Malgré les marées humaines qui déferlent depuis dix jours dans les rues du pays, contre lui et le système à bout de souffle qu’il incarne, le président algérien Bouteflika maintient sa candidature à l’élection présidentielle du 18 avril prochain. Son entourage a fait déposer son dossier et ses parrainages ce dimanche auprès du Conseil constitutionnel à Alger…
Le candidat fantôme d'un clan mafieux
Bouteflika promet de lâcher le pouvoir lors d’une élection anticipée d’ici un an... Quelle farce ! Qui peut croire une minute que ce vieillard de 82 ans au regard hagard et sanglé dans un fauteuil roulant, muet et invisible depuis son AVC en 2013 et hospitalisé en Suisse depuis la semaine dernière peut encore exercer la moindre fonction ? Les différentes fractions du régime pensaient faire, avec la reconduite de Bouteflika, le choix de la continuité et de la stabilité... pour pouvoir continuer à s'en mettre plein les poches, alors que la majeure partie de la population s'enfonce dans la misère et la précarité. Parmi les dirigeants de l'armée et ceux au sein des hautes sphères du FLN qui se partagent les richesses du pays depuis l'indépendance du pays en 1962, Bouteflika est en effet le seul à avoir encore le prestige du combattant contre la puissance coloniale française. Il est aussi reconnu comme celui qui avait mis un terme à la période terrible de la guerre civile des années 1990 qui vit s’affronter l’armée et les islamistes et fit plus de 100 000 morts. Mais aujourd’hui la simple décision de le reconduire au pouvoir dresse contre elle tous les mécontentements.
Un profond mécontentement social
Les classes populaires algériennes paient en effet la crise au prix fort. Avec l’inflation et la dévaluation du dinar, elles sont confrontées à l’effondrement de leur pouvoir d’achat. Le salaire minimum équivalent à 130 euros ne permet pas de vivre. 45 % de la population algérienne est âgée de moins de 25 ans. Bien qu’une grande partie de la jeunesse soit de plus en plus diplômée, elle se heurte au chômage de masse, à la précarité et aux bas salaires. Les stades, où se retrouvent souvent les jeunes en nombre, sont devenus des lieux d’expression de la colère. On entend maintenant lors des matchs les jeunes entonner des chants contestataires qui dénoncent la misère grandissante, le mépris du pouvoir et la corruption. La candidature de Bouteflika sonne comme l’annonce que cette situation sociale, qui se dégrade et qui n’offre pas d’avenir, va se prolonger. Après la résignation de ces dernières années, les bouches s’ouvrent et cela provoque espoir et enthousiasme. Partout des discussions s’enclenchent sur les injustices : « Où sont parties les richesses du pays ? Où est l’argent du pétrole ? Pourquoi une telle misère ? »
« Système dégage » !
Vendredi 1er mars, ce sont près de 800 000 Algériens et Algériennes, de toutes les générations, qui ont défilé pacifiquement dans les rues de toutes les villes du pays, bravant l'interdiction en vigueur depuis 2001. C'est une situation inédite depuis 1962. La profonde colère sociale va bien au-delà de la question de la reconduction ou non de Bouteflika à la présidence. Le mot d’ordre contre le cinquième mandat fait aujourd’hui l’unanimité et rallie tous les mécontentements. Mais la colère des classes populaires est en train de déborder contre l’ensemble des classes dirigeantes et un régime qui ne savent que leur faire payer les conséquences de la crise. L’invasion par les manifestants vendredi de l’hôtel Saint Georges à Alger dans lequel a l’habitude de festoyer toute la fine fleur du régime est révélatrice de cette rage qui peut tout emporter !
Pour cela, il va être nécessaire d'augmenter encore la pression, et de construire une grève générale qui bloque pays !
En France ont eu lieu dimanche plusieurs manifestations de soutien à la révolte du peuple algérien. Participons nombreux à de telles manifestations ces prochains jours car le combat de ce peuple de l'autre côté de la Méditerranée pour sa liberté et sa dignité est le nôtre. Et ne laissons pas Macron et le gouvernement actuel soutenir impunément Bouteflika comme leurs prédécesseurs avaient soutenu en 2010 le dictateur tunisien Ben Ali avant qu'il ne soit chassé du pouvoir. Qu’ils dégagent tous !
Édito du 04/03/19