La Poste condamnée pour fausse sous-traitance




Lundi 8 juillet, La Poste a été condamnée par le tribunal correctionnel de Nanterre à une amende de 120 000 euros pour prêt de main d’œuvre illicite à l'agence Coliposte d'Issy-les-Moulineaux dans le 92.

Il s'agit d'un délit constitué quand une entreprise a recours à de la « fausse sous-traitance », c'est-à-dire lorsqu'elle fait faire à des sous-traitants un travail qui devrait être fait par ses propres salariés, pour la seule raison que la sous-traitance coûte moins cher à l'entreprise. Une pratique courante dans toutes les grandes entreprises, à La Poste en particulier, mais peu condamnée.

Il est rare que la justice s'intéresse au sort des salariés précaires des milliers de petits sous-traitants des grands groupes. Il a fallu un drame pour qu'une peine soit prononcée.

L'affaire jugée le 8 juillet dernier a débuté par la mort de Seydou Bagaga le 8 janvier 2013. Ce livreur, employé par un sous-traitant de La Poste, DNC, s'est noyé dans la Seine alors qu'il tentait d'y récupérer un colis à livrer sur une péniche à Boulogne. L'enquête de l'inspection du travail sur la mort de ce salarié a montré qu'il n'était pas déclaré, pas payé et n'avait pas de contrat de travail. Son entreprise avait voulu justifier cette situation en expliquant qu'il était en formation (depuis plus d'un mois!) et que Coliposte était parfaitement au courant de la situation.

Effectivement, La Poste n'ignore rien des conditions de travail désastreuses de ses sous-traitants puisque c'est de toute façon elle qui donne les ordres et organise leur travail, comme pour ses propres salariés, ce qui a mené cette fois-ci à une condamnation. Le patron de DNC et le responsable de l'agence Coliposte ont été condamnés à six mois de prison avec sursis pour avoir participé à l'organisation de ce système de fausse sous-traitance.

Mais pour un cas condamné, combien de situations similaires passent sous les radars ?

Le recours à la fausse sous-traitance, et plus généralement aux contrats précaires de toutes sortes, est monnaie courante au sein de La Poste. Sud-PTT et la CGT ont d'ailleurs déposé une nouvelle plainte en 2017 pour qu'une enquête ait lieu sur le prêt de main d’œuvre illicite dans toutes les agences Coliposte d'Ile-de-France où, selon les syndicats, la livraison de colis est effectuée à 80% par des sous-traitants. Une juge d'instruction est également nommée à Nanterre et travaille sur des faits similaires à ceux de 2013 mais sur un périmètre et une période plus large.

En dépit de la gravité de l'infraction retenue et condamnée, La Poste ne semble pas avoir pris très au sérieux cet avertissement. Le montant de l'amende reste dérisoire quand on le compare aux moyens du groupe La Poste, avec un résultat d'exploitation s'élevant à 892 millions d'euros en 2018. Dans un communiqué, la direction a assuré que les faits condamnés n'étaient en rien représentatifs des conditions de recours aux sous-traitants dans l'entreprise. Depuis cette enquête, elle a su s'adapter pour donner à la sous-traitance l'apparence de la légalité alors qu'au fond le problème reste entier.

C'est en multipliant les combats contre la précarisation des travailleurs qu'il sera possible de faire reculer La Poste. Comme l'ont montré les postiers du 92. La grève qu'ils ont menée sur plus de quinze mois a ainsi permis la CDIsation d'intérimaires. Contre la délinquance patronale, la force des travailleurs, c'est la grève !


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