Home / Actualité /
Débat militant /
Élections /
France /
Orientation
/ Le patronat a son président, les travailleurs doivent exprimer leurs intérêts de classe et préparer leur mobilisation
Le duel Macron-Le Pen au deuxième tour de l'élection présidentielle le 7 mai dernier avait tout d'un scénario de cauchemar pour toutes celles et ceux qui détestent profondément ce monde capitaliste et toute sa mise en scène électorale pseudo-démocratique !
Les résultats de l'élection présidentielle ont tourné la page de plus de cinquante ans d'alternance politique « droite-gauche » : les candidats du Parti socialiste et du parti Les Républicains ont été éliminés dès le premier tour, provoquant dans ces deux partis une crise sans précédent. Le PS est en ruines, ses principaux dirigeants le déclarent mort (Valls) ou se préparent à l'achever en l'explosant encore un peu plus (Hamon, Aubry, Hidalgo). Du côté de la droite, le naufrage de Fillon laisse le champ libre à la recomposition : certains ont déjà fait leur choix pour Macron, d'autres le feront en fonction des résultats des élections législatives et d'autres continueront à lorgner vers l'extrême droite, l'essentiel étant de conserver la possibilité de manger à la gamelle du pouvoir.
Les scores historiques obtenus par Marine Le Pen et le Front National sont l'autre fait majeur de cette élection. En obtenant 10,6 millions de voix au deuxième tour, Le Pen a dépassé de près de 3 millions de voix son résultat déjà impressionnant du premier tour. Un tel score pour cette riche héritière raciste et xénophobe, qui prétend parler au nom de la classe ouvrière et défendre ses intérêts, montre à la fois l’état de profonde décomposition sociale et la perte de repères de classe au sein des couches populaires. L'extrême droite prospère sur les ruines laissées par la droite et la gauche : de casse systématique des services publics en vagues massives de licenciements, d’attaques permanentes contre nos droits élémentaires en propos et lois racistes et discriminatoires depuis plusieurs décennies, le Front National creuse son sillon pourtant mortifère pour la classe ouvrière. Le Pen n'a pas été élue le 7 mai mais l'évolution qui a permis au FN de prospérer n'est pas terminée, bien au contraire ! L'arrivée de Macron à l'Elysée n'est évidemment pas un barrage contre l'extrême droite, elle laisse au contraire le champ libre à son influence si la politique au service du grand capital que s'apprête à mettre en œuvre Macron n'est pas stoppée par la construction d'un grand mouvement d'ensemble de contestation sociale, s'affrontant radicalement au pouvoir et mettant en avant des mesures d'urgence vitales pour la classe ouvrière. La course de vitesse est plus que jamais engagée !
Ce n'est pas l'option que propose Mélenchon... Fort de ses 7 millions de voix au premier tour de la présidentielle, celui-ci postule au poste de leader de la gauche institutionnelle, en remplaçant du Parti socialiste (et en finissant d'écraser le Parti communiste au passage). Il se voit même futur chef d'un gouvernement de cohabitation, en martelant que son mouvement peut obtenir lors des élections législatives la majorité à l'Assemblée. Macron à l'Elysée, Mélenchon à Matignon, voilà comment du côté de l'état-major de « la France Insoumise » on envisage la suite des opérations. Rien de moins... même si l'absence d'accord national de répartition des circonscriptions avec le Parti communiste risque de rendre le pari très difficile. Que Mélenchon n'entende jouer que sur le terrain du rapport de forces électoral et ne compter que sur ses déclinaisons institutionnelles n'est pas une nouveauté. Membre du Parti socialiste pendant plus de 30 ans, ministre, sénateur, député européen, « l'insoumis » en chef n'a jamais choisi le terrain de la rue et des grèves, mais uniquement celui des appareils, des cabinets et des hémicycles. Par contre, ce qui est nouveau, c'est l'ampleur du succès électoral et militant rencontré par son mouvement qui exprime incontestablement la rupture assumée d'une frange significative des classes populaires avec le capitalisme et ses serviteurs les plus zélés. C'est sans doute un des effets différés de la colère sociale exprimée lors des mobilisation contre la loi Travail l'an dernier, mais que Mélenchon cherche à enfermer dans une logique institutionnelle, réformiste et chauvine.
Enfin, cette élection a été marquée par une abstention massive, et un nombre record de votes blancs ou nuls au deuxième tour. Avec les abstentionnistes, 16 millions d’électeurs ont refusé de choisir entre les deux candidats. C’est dire si le nouveau président a été mal élu ! Un Macron qui prétend incarner le renouveau mais dont le programme est la continuation, en plus violent, de la politique menée depuis des décennies pour favoriser les patrons et casser tout ce qui peut ressembler à un acquis des salariés.
Un nouveau gouvernement de combat et bien de droite
En effet, l'élection d'Emmanuel Macron représente le coup d'envoi d'une nouvelle offensive de la classe dirigeante : le capital financier dispose d'un relais direct au sommet de l'État pour s'en prendre à ce qu'il reste du Code du Travail et plus généralement aux conquêtes sociales des générations précédentes. Entre la fin des 35 heures, la suppression de 120 000 postes de fonctionnaires, la facilitation accentuée des licenciements, la disparition du système de retraite par répartition pour l'instauration de la « retraite par points », les fronts vont être multiples !
Un rapide coup d’œil sur la composition du gouvernement suffit à nous en convaincre : un premier ministre issu de Les Républicains, Édouard Philippe, qui a bien précisé qu'il était de droite... comme si on avait pu en douter ; un ministre de l’éducation nationale, Jean-Michel Blanquer ancien directeur général de l’enseignement scolaire sous Sarkozy, initiateur de la cagnotte anti-absentéisme des élèves, « une rémunération supérieure en échange d'un engagement de présence plus forte dans les écoles » ; une ministre du travail, Muriel Pénicaud, ancienne cheffe d’entreprise passée par Danone, Dassault ou encore les conseils d’administration d’Orange et de la SNCF. Entre elle pour la caution « société civile » et les « vieux de la vieille » qui ont enfin réussi à se caser, Le Maire, Bayrou, De Sarnez, pas de doute, c’est bien un gouvernement qui va poursuivre l’offensive anti-ouvrière du précédent quinquennat. Sans parler du climat réactionnaire et homophobe décomplexé distillé au fil des déclarations des ministres Darmanin et Castaner.
Pour Macron et son mouvement « En Marche », gagner la majorité absolue aux élections législatives est un enjeu majeur. A la fois pour aller très vite dans la mise en œuvre « du gouvernement par ordonnances » et pour avancer dans la recomposition politique qu'il a commencé à amorcer autour de lui, en fracassant les deux principaux appareils politiques de droite et de gauche gouvernementale et aller vers la constitution d'un parti du type démocrate à l'américaine. Mais rien n'est joué, le personnel politique bourgeois va s'affronter durement dans ces élections, jamais la dispersion politique n'aura été aussi grande finalement. A des années-lumières des préoccupations de la vaste majorité de la population, les politiciens de tous bords nous offrent le spectacle déplorable de la "lutte des places".
Dans ces élections législatives qui n'auront d'autre fonction que de donner une majorité à l'élu des patrons et des banques, la seule raison d'avoir présenté des candidates et candidats du NPA est de porter une politique pour défendre les intérêts du monde du travail, une politique de lutte des classes : pour défendre leurs intérêts, les travailleuses et les travailleurs ont besoin de regrouper leurs propres forces et d'unifier leurs luttes. Chômeurs, jeunes, salariés du privés, du public, pour garantir à toutes et tous les moyens de s'en sortir et tout simplement de vivre, nous devons arracher aux riches et aux puissants ce qu'ils nous volent depuis trop longtemps. Nous devons nous en prendre au pouvoir de décision d'une infime minorité de capitalistes sur l'économie et sur la société.
Notre courant s'est positionné clairement au sein du NPA depuis la séquence ouverte par la campagne présidentielle pour que notre organisation se donne les moyens d'être le plus présent possible dans cette campagne, dans la continuité de celle de Philippe Poutou à la présidentielle. Il faut constater que cette politique n'a pas été mise en œuvre malgré la majorité qui s'était dégagée pour le faire lors d'un vote du comité politique national du NPA fin avril. Dans les circonscriptions où le NPA ne sera pas présent, nous appelons à voter pour les candidates et les candidats de Lutte ouvrière, les seuls à porter avec le NPA une perspective de lutte des classes, anticapitaliste et révolutionnaire.
Ce qui urge c'est de regrouper l'ensemble des salariés qui luttent partout pour leurs emplois, les militants et militantes qui s'étaient mobilisé-e-s contre la loi Travail et sont déterminé-e-s à ne pas se laisser faire sous Macron. Ce regroupement a déjà commencé avec le Front social qui regroupe à ce jour plus de 70 organisations syndicales et associatives : le 22 avril, à la veille du premier tour, le 1er mai pendant l'entre-deux tours et le 8 mai, au lendemain du second tour, des milliers de personnes ont manifesté ensemble pour affirmer que c'est dans la rue que ça se passe ! Les prochaines manifestations auront lieu le 19 juin, au lendemain des législatives, à Paris et dans de nombreuses autres villes.
C'est bien la mobilisation des jeunes et du monde du travail qui pourra barrer la route à Macron et mettre un terme une fois pour toute à l'offensive capitaliste pour construire une société débarrassée de l'exploitation et des oppressions. Voilà le message qu'ont porté les candidats du NPA à ces élections législatives. Nous savons bien que les élections ne changent pas la vie de la majorité d’entre nous, d’ailleurs le résultat de la présidentielle montre bien que le principal bénéficiaire de ce soi-disant candidat hors système sera le capitalisme. Tout dépendra de nos mobilisations pour dégager ceux qui possèdent tout.
Marie-Hélène Duverger