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/ GREVE DE LA METALLURGIE A CADIX : LES TRAVAILLEURS RELEVENT LA TÊTE CONTRE LES ATTAQUES PATRONALES !
Source : EFE/Román Ríos
Le 16 novembre, les travailleurs de la métallurgie de Cadix, dans l’Etat espagnol, sont entrés en grève illimitée contre les attaques patronales et pour de meilleures conditions de travail. C’est près de 20 000 travailleurs qui ont quitté leur poste pour bloquer la production, tenir les piquets de grève et manifester dans les rues.
Les 9 et 10 novembre, une grève a été appelée par les syndicats Comisiones Obreras et UGT concernant la renégociation de la convention collective qui était alors bloquée par la direction. Les revendications portées par les syndicats étaient une revalorisation de 2 à 3% des salaires mais aussi l’indexation des salaires sur l’inflation, qui touche aussi durement l’Etat espagnol que la France. Au lieu de cela, la direction a imposé le gel des salaires, la suppression des primes, une augmentation de la journée de travail et la modification de la prime sur les risques toxiques. Contre ces attaques, ce sont près de 95% des travailleurs de la baie de Cadix qui se sont mis en grève ponctuelle les 9 et 10 novembre dans plus de 700 entreprises de la baie : Navantia, Airbus, Dragados Offshore, Alestis et Acerinox mais aussi des travailleurs des entreprises sous-traitantes.
Rapidement, la répression policière s’est abattue sur les travailleurs en grève, envoyée par le gouvernement PSOE-UP, prétendument le gouvernement le plus progressiste de l’histoire de l’Etat espagnol. Ce sont des centaines de policiers des brigades anti-émeutes qui ont réprimé les manifestations des grévistes et de leurs soutiens, à grands coups de gaz lacrymogène et de balles en caoutchouc. Des véhicules blindés ont également été envoyés pour dissuader les travailleurs en lutte. Les médias bourgeois n’ont pas non plus hésité à se placer directement dans le camp des patrons en mentant ouvertement sur la grève. Ils n’ont eu de cesse de criminaliser les grévistes, à parler de prise d’otage ou pire : ils ont prétendu que les blocages empêchaient le passage des ambulances vers l’hôpital alors que de nombreuses vidéos montrent que les barrages sont ouverts pour laisser passer les ambulances. Encore et toujours, la bourgeoisie peut compter sur ses chiens de garde pour casser les grèves et toujours orienter l’opinion publique dans le sens de ses intérêts !
Malgré la désinformation et la répression, la grève est soutenue par une partie importante de la population. Les revendications telles que les augmentations de salaires ou l’indexation des salaires sur l’inflation font écho au quotidien de la majeure partie des travailleur-ses de l’Etat Espagnol. Les manifestations sont le plus souvent applaudies par les habitant-es de la baie, mais aussi par les soignant-es de l’hôpital Puerta del Mar de Cadix ! Des étudiant-es ont aussi participé à la grève en apportant leur soutien aux grévistes, en tenant les piquets de grève avec eux notamment et en participant au service d’ordre. Des manifestations ont été organisées dans plusieurs villes du pays en soutien à la grève comme à Grenade ou à Malaga qui ont réuni plusieurs centaines de personnes.
Les métallos ont été rejoints le 24 novembre par une délégation venue du Pays basque de l’usine Tubacex (usine sidérurgique spécialisée dans l’acier), dont les travailleur-ses ont mené une grève victorieuse de huit mois contre la suppression de 129 postes. La grève de la métallurgie fait également écho à la lutte que mènent depuis le mois d’avril les travailleur-ses de Airbus Puerto Real dont le site est menacé de fermeture et de délocalisation, ce qui entraînerait la perte de plus de 1000 emplois. Ici comme pour beaucoup de plans de licenciements en France et dans l’Etat espagnol, le patronat prend pour prétexte le fait que le site ne serait plus rentable à cause de la crise sanitaire. Dans l’Etat espagnol comme ailleurs, la crise du Covid-19 a bien arrangé les patrons, leur donnant un prétexte tout trouver pour licencier ou encore toujours plus dégrader les conditions de travail !
Si la grève a bel et bien été appelée par les syndicats, Comisiones Obreras (CCOO) et UGT, ces derniers n’ont eu de cesse de freiner la grève et de négocier dans le dos des travailleurs en lutte. En fait, depuis le début de la grève, les responsables syndicaux essayent de canaliser la colère des travailleurs, on se souvient de Francisco Grimaldi, le secrétaire général de CCOO, qui disait le 18 novembre : « les gens sont extrêmement en colère ; nous allons voir comment maitriser la situation ». C’est aussi le sens de ce qu’il s’est passé dans la nuit du mercredi 24 au jeudi 25 novembre : après n’avoir pas donné de nouvelle pendant plusieurs jours, les deux syndicats majoritaires ont négocié un pré-accord de fin de conflit avec le patronat pour arrêter la grève alors que le pré-accord semble seulement répondre aux revendications de base, et pas même totalement. En effet, ce dernier signé dans la nuit du 24 au 25 novembre prévoit une augmentation des salaires de 2% par an sur trois ans, et une indexation à 80% des salaires sur l’inflation si elle est supérieure à 2% par an. Cela est très largement insuffisant, d’abord parce que cette indexation sur l’inflation ne se fait qu’à la fin de l’année, ce qui ne donne aucune garantie sur le pouvoir d’achat pendant le reste de l’année. Mais surtout, cela est d’autant plus insuffisant si l’on se penche sur les revendications évoquées tout au long de la grève, par exemple la dénonciation de la sous-traitance et du recours aux contrats précaires et à l’intérim, sur les 30 000 travailleurs du secteur de la province, 22 000 sont embauchés dans les petites et moyennes entreprises de sous-traitance qui travaillent pour les grandes entreprises de la métallurgie et de l’aéronautique. En fait, ce qui ressortait le plus c’était la question de la précarité ; dans l’Etat Espagnol, l’inflation est de plus en plus importante, les travailleurs de plus en plus pauvres puisque les salaires ne suivent pas. C’est aussi le pays de l’Union Européenne avec le plus haut taux de chômage : plus de 15% de la population active, un chiffre qui dépasse les 37% chez les moins de 25 ans. C’est pourquoi cette grève a eu autant d’écho dans le pays, c’est pourquoi elle a été rejointe par de nombreux-ses travailleur-ses et jeunes : notre camp social ne peut plus supporter les salaires bas, les conditions de travail pourries et un patronat qui s’enrichit toujours plus sur son dos !
Durant les neuf jours de grève dans la baie de Cadix, les syndicats CCOO et UGT ont combattu les possibilités d’auto-organisation, les assemblées générales étaient très limitées et ne permettaient pas de discussions formelles, ni de prendre des décisions concrètes. En fait, les deux grands syndicats ont joué leur rôle de régulateur et de canalisateur du mouvement social : ils ont tout du long gardé le contrôle sur les grévistes en ne les laissant ni s’auto-organiser, ni se coordonner. En effet, comme précisé plus haut, c’était bel et bien 700 entreprises qui étaient impliquées dans cette grève, mais il n’y avait aucun effort de fait pour coordonner les nombreux piquets de grève et donc les différentes entreprises. Encore une fois, la stratégie du morcellement et de la division a été joué par les grandes centrales syndicales, alors même qu’il s’agissait de la renégociation de la convention collective de l’ensemble de ces entreprises.
Le 25 novembre, le pré-accord a été présenté à une assemblée des travailleurs par CCOO et UGT, et aurait été accepté par l'assemblée. Cependant, la CGT et la CTM dénoncent un manque de démocratie dans le vote, et même des irrégularités et des falsifications, et surtout l’absence d’un grand nombre de travailleurs, notamment des entreprises sous-traitantes. Les syndicats CCOO et UGT ont canalisé la colère des travailleurs dans un accord qui laisse un goût amer, un goût qui laisse à penser que cette grève aurait pu aller plus loin, mais que les bureaucraties syndicales l’ont une fois de plus combattue. Malgré les appels de la CGT et de la CTM à continuer la grève, l’accord trouvé et la fin du soutien des grandes centrales syndicales a mis fin au mouvement. En effet, en l’absence de comités de grève ou de structures organisées en parallèle des syndicats pour continuer la bataille, il n’a pas été possible de poursuivre la grève.
Malgré cette fin de lutte en demi-teinte, les travailleurs de la métallurgie de Cadix, par leur détermination et leur volonté d’en découdre, nous montrent la voie. La force des travailleurs, partout, toujours, c’est la grève et le blocage de la production ! Les luttes d’hier serviront celles de demain et ce ne sont pas les luttes qui manquent : dans l’Etat Espagnol comme en France, aux Etats-Unis ou en Argentine, les grèves et les bagarres se multiplient sur les questions des salaires, des conditions de travail ou des attaques des gouvernements au service des capitalistes contre les droits des travailleur-ses. Face à la stratégie d’éparpillement et de contrôle du mouvement ouvrier des bureaucraties syndicales, les travailleur-ses en lutte doivent s’auto-organiser et se regrouper pour frapper fort et ensemble et faire trembler ce système capitaliste qui ne nous offre que la misère et l’exploitation !
Anaïs Darmony