Cinq ans après son congrès de fondation, le NPA traverse une crise globale : d’orientation, de méthode d’intervention, de construction et, au-delà, d’identité. Nous avons décidé de nous constituer en courant parce que nous sommes convaincus que résoudre cette crise impliquera des changements globaux – comme le dit notre déclaration, « changer le NPA, son orientation et sa direction » – qui nécessiteront une bataille de conviction organisée dans la durée.
Il est vrai que la situation est aujourd’hui moins favorable aux idées anticapitalistes et révolutionnaires qu’elle ne pouvait l’être lors de la fondation du NPA – quand nous "surfions" sur les bons résultats électoraux de la LCR, que les effets de la crise n’en étaient qu’à leurs balbutiements et que la révolte des travailleurs de Guadeloupe semblait augurer une vague de luttes et d’auto-organisation en France et ailleurs. Une organisation révolutionnaire digne de ce nom n’est cependant pas une simple caisse de résonance du mouvement social, dont l’influence et les effectifs évolueraient au gré des hauts et des bas des luttes et de la radicalisation. Pour elle, un test important est de savoir résister et se construire dans des circonstances qui, sans être apocalyptiques (ni guerre, ni fascisme, ni dictature militaire…), sont devenues plus difficiles.
Mais une série de fragilités et de faiblesses, que l’enthousiasme et le quasi unanimisme des débuts avaient en partie éclipsées, n’ont pas tardé à ébranler notre parti. Leur expression la plus manifeste a été la rupture et le départ vers le Front de gauche de plusieurs secteurs militants, dont des camarades qui étaient au centre de la direction du NPA. Pourtant, le Front de gauche n’a pas pour objectif d’élargir les brèches d’un système en crise, mais de les colmater. Son orientation générale, comme l’intervention de ses membres au sein des directions syndicales, ne se situent pas sur une ligne de combat mais d’accompagnement des contre-réformes comme récemment avec celles des retraites ou des rythmes scolaires.
Ces ruptures, au-delà des évolutions personnelles ou collectives de leurs acteurs, mettaient en évidence le fait que des questions stratégiques centrales, en premier lieu celles qui ont trait au rapport à l’État et au réformisme, n’étaient pas réglées au sein du NPA.
A partir de 1995, on avait connu une période marquée, à la fois, par un renouveau des luttes et par des avancées militantes et électorales de l’extrême gauche (LO, puis LCR). Dans le même temps, le PCF ne parvenait pas à se relever de la fin de l’URSS et, embourbé dans la "gauche plurielle" du gouvernement Jospin, se retrouvait satellisé par un PS ayant abandonné toute velléité de réforme progressiste. Les conditions étaient ainsi réunies pour tenter de lancer un nouveau parti de lutte et d’indépendance de classe, capable de regrouper par en bas des forces allant bien au-delà de celles organisées à l’extrême gauche.
Mais en 2008, au moment même où la LCR engageait finalement le processus du nouveau parti, ces conditions avaient déjà commencé à changer. Sur le plan politique, cela s’est traduit par l’apparition du Front de gauche, qui a redonné vie à une option réformiste, institutionnelle, en occupant le terrain de l’antilibéralisme jusqu’alors orphelin d’une véritable expression politique. Resté à cheval entre la révolution et le réformisme radical, le NPA n’a pas su réagir aux premiers succès de ce concurrent inattendu, qui l’ont alors heurté de plein fouet.
Après les départs vers le Front de gauche, les leçons n’ont pourtant été tirées qu’à moitié. Le choix de la nouvelle majorité de direction, qui avait eu le mérite de refuser la liquidation dans une coalition néoréformiste, a été de maintenir une orientation recherchant en permanence des formes d’unité politique (pas seulement de front unique dans les luttes à partir des revendications des travailleurs) avec le Front de gauche ou certains de ses secteurs. Plus encore, on nous dit qu’une telle "opposition de gauche" au gouvernement Hollande, conçue à partir de l’exemple idéalisé de Syriza, serait censée déboucher sur un "gouvernement anti-austérité" en rupture avec le capitalisme.
Cette recherche d’accords politiques avec les réformistes se matérialise en ce moment dans la préparation des élections municipales. Dans une série de villes significatives, des accords locaux brouillent notre profil et ne font que cautionner la stratégie et la politique du Front de gauche. Au lieu d’agir sur les contradictions des réformistes vis-à-vis du gouvernement Hollande, ce sont ainsi les réformistes qui profitent encore une fois de nos carences.
L’autre grande faiblesse, non surmontée jusqu’à présent, est l’absence d’une politique d’implantation et de construction. La déperdition d’énergie dans des démarches permanentes d’interpellation ou de discussion avec d’autres forces, surtout réformistes, explique en partie cette absence – en même temps qu’elle prétend la combler. Mais le NPA paye aussi aujourd’hui le prix d’un certain éclectisme, qui avait permis d’attirer des militants aux préoccupations et centres d’intérêt extrêmement divers, parfois même un peu éloignés des luttes des travailleurs. Car ce qui pouvait être admis, de façon transitoire, dans un "parti-processus" surgissant avec près de 10 000 membres, devient un facteur de dispersion dans une organisation dont la surface s’est réduite en deçà de celle de la LCR des dernières années. Avec des forces réduites, intervenir efficacement et dans le même temps sur tous les terrains de lutte ou de radicalisation devient directement impossible. A vouloir tout faire, on ne fait rien jusqu’au bout et de façon conséquente.
Indépendance politique réelle vis-à-vis des réformistes, priorité aux tâches d’intervention dans la lutte de classe ainsi que de construction de notre organisation, en particulier sur les lieux de travail et dans la jeunesse : tels sont donc les deux axes principaux de la démarche qu’engage le courant Anticapitalisme & Révolution. Nous aurons l’occasion, dans ces pages, de les illustrer et décliner.
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