2°/ Tout cela confirme bien le caractère totalement impérialiste de la guerre. Ce dernier ne s’en est pas caché : il reprend le discours nationaliste grand-russe, selon lequel l’Ukraine appartiendrait historiquement à l’Empire russe. Dans son discours du 21 février, une des cibles principales de Poutine était la politique des bolcheviks au moment de la Révolution russe. « L’Ukraine moderne a été entièrement créée par la Russie, plus précisément par la Russie bolchévique et communiste. Ce processus a commencé presque immédiatement après la révolution de 1917, et Lénine et ses associés l’ont fait d’une manière très grossière envers la Russie elle-même — en séparant, en lui arrachant une partie de ses propres territoires historiques. » Il a reproché à Lénine d’avoir « livré » le Donbass à l’Ukraine. Par ces attaques contre la politique internationaliste des bolcheviks, Poutine montre clairement qui il est et qui il représente : un représentant de la nouvelle bourgeoisie russe, née sur les décombres de l’Union soviétique, et plongeant ses racines dans l’Empire féodal tsariste.
3°/ L’invasion à grande échelle lancée par la Russie contre l’Ukraine donne une nouvelle dimension au conflit que se livrent l’impérialisme russe et les impérialismes occidentaux sur le dos des peuples de la région. Mais il serait faux de croire que la guerre actuelle a commencé le 24 février. Depuis 2014, dans le Donbass, plus de 10 000 personnes ont été tuées dans les affrontements entre l’armée ukrainienne et les combattants de Donetsk, Lugansk et de Crimée.
4°/ La colère actuelle du Kremlin plonge ses racines dans le soulèvement de 2013-2014 contre le capitaliste pro-Russe Viktor Ianoukovitch. Élu avec un score très faible, il a opéré un rapprochement avec l’Etat russe, en rupture avec les politiques menées par ses prédécesseurs, tout en poursuivant une politique libérale, antisociale, basée sur la dilapidation des services publics. La révolte de 2013-2014 était notamment venue de la colère générée par ces politiques libérales et autoritaires. Mais ce sont les classes petites-bourgeoises qui ont pris la tête de ce soulèvement, avec une orientation anti-russe et pro-Union européenne. Cette ligne politique a favorisé la présence de groupes d’extrême-droite comme Svoboda ou Pravy Sektor, un parti ouvertement néonazi se revendiquant du collaborationniste Stepan Bandera. Depuis 2014, avec l’émergence de force paramilitaires néo-nazies dans le mouvement de Maïdan (financées à la fois par l’oligarchie ukrainienne et par les occidentaux), les massacres de civils russes, de militants de gauche, d’homosexuels… ont eu lieu en Ukraine (par exemple, l’incendie criminel de la Maison des Syndicats en mai 2014, où plus de 50 personnes ont été brûlées à mort et assassinées).
Le 22 février 2014, la Rada (parlement) ukrainienne destitue Viktor Ianoukovitch, qui s’enfuit en Russie, et nomme Oleksandr Tourtchynov, un ultraconservateur homophobe, président par intérim. Une des premières mesures du nouveau gouvernement est l’abrogation de la loi sur les langues régionales, retirant le russe des langues officielles (mais également le hongrois, le moldave et le roumain). Concrètement, cela implique que tous les documents officiels seront rédigés désormais uniquement en ukrainien, mais également que les noms de ville et les noms propres doivent suivre l’orthographe et la prononciation ukrainienne.
5°/ Face à ces mesures de discriminations contre les populations russophones de l’est du pays, le 23 février, des manifestations massives éclatent dans les villes de Donetsk, Kramatorsk, Louhansk, Marioupol et Sloviansk, dans le Donbass, et sur la presqu’île de Crimée. Les manifestants demandent le respect de leurs droits, c’est-à-dire l’abrogation de la loi sur les langues régionales, mais également une décentralisation du pouvoir de Kiev dans les régions, et davantage d’autonomie. Ces manifestations mettent une véritable pression au gouvernement et la loi sur les langues régionales ne sera finalement jamais appliquée.
Mais profitant de cette situation de division provoquée par les décisions réactions du gouvernement de Kiev, Poutine déploie les mercenaires de la milice Wagner et finance des combattants séparatistes en Crimée, à Donetsk et à Lougansk. Le 11 mars 2014, le parlement de Crimée déclare l’indépendance de la République de Crimée. Le 16 mars, une parodie de référendum effectuée sous occupation militaire russe, officialise le rattachement de la Crimée à la Fédération de Russie. Dans le mois suivant, les combattants séparatistes du Donbass, soutenus financièrement et militairement par la Russie, proclament l’indépendance de la République populaire du Donetsk et de Lougansk. Cette intervention militaire de la Russie est clairement un dévoiement des manifestations des russophones et n’a rien à voir avec le droit à l’autodétermination des populations du Donbass et de Lougansk : il est une manifestation des volontés agressives de l’impérialisme russe à l’égard de l’Ukraine.
5°/ Le 25 mai 2014, Petro Porochenko, un milliardaire ayant fait fortune dans l’industrie du chocolat, est élu président avec 54,7% des voix, 18 millions d’Ukrainiens seulement ayant participé au scrutin, qui n’a pu se tenir en Crimée et dans les régions de Donetsk et de Lougansk. Immédiatement, Porochenko a développé une politique ultra-nationaliste et révisionniste : reconnaissance du pays pour les combattants des milices de Bandera ayant participé à l’extermination des Juifs pendant la Seconde Guerre mondiale, reconnaissance de l’Eglise orthodoxe d’Ukraine, loi prévoyant que l’ensemble de la scolarité dans le pays se fasse en ukrainien… C’est sous son gouvernement que des milices d’extrême-droite ayant manifesté sur Maïdan puis ayant combattu dans le Donbass sont intégrées dans l’armée ukrainienne, sous la houlette du chef du parti Pravy Sektor, Dmytro Iaroch, nommé conseiller au ministère de la Défense en avril 2015 (un poste qu’il a depuis quitté). Avec un soutien total des Etats-Unis et des pays membres de l’OTAN, il a fait passer le budget du secteur de la défense et de la sécurité de 1% du PIB à 5%. En novembre 2018, il proclame la loi martiale à la suite d’un incident armé entre des navires ukrainiens et la Russie.
Dans le même temps, il poursuit une politique d’austérité économique : sous la pression du FMI, qui critique la lenteur des réformes, il procède à de nombreuses privatisations, attaque le système de retraites, pendant que les prix du gaz et des produits alimentaires explosent. L’impopularité de Porochenko grandit dans le pays. Lors des deux dernières années de son mandat, l’institut Gallup indique que l’Ukraine est dans le monde le pays accordant le plus faible taux de confiance à son gouvernement . A la suite d’une série de scandales financiers (sa fortune aurait augmenté de 400 millions de dollars entre 2012 et 2020), Porochenko est largement défait lors des élections de 2019, qui voient la victoire de Volodymyr Zelensky, un comédien jusque-là essentiellement connu pour ses rôles dans des séries télévisées.
6°/ Le président actuel, Zelensky, est un populiste, élu sur la base d’un programme confusionniste, mêlant défense de la démocratie directe et de la lutte contre la corruption, du moins en paroles, et mesures ultra-libérales, comme la libéralisation du marché foncier. Depuis 2001, un moratoire a bloqué la privatisation des terres publiques et empêché presque toutes les transactions portant sur des terres privées. Cette libéralisation du marché agricole, a provoqué des manifestations de petits agriculteurs. En effet, la création d’un marché des terres agricoles en Ukraine permettra aux oligarques et aux grandes entreprises agricoles de continuer d’accaparer la terre, tout en satisfaisant les intérêts des investisseurs étrangers et des banques.
Paradoxalement, une des bases sur lesquels Zelensky a été élu est le desserrement de l’étau avec la Russie. Il a obtenu ses meilleurs scores dans les régions russophones, considérées comme pro-russes. Lui-même russophone, il a critiqué les lois élargissant l’usage de l’ukrainien dans l’audiovisuel et introduisant des examens de maîtrise de la langue ukrainienne pour les fonctionnaires. Dans le même temps, Zelensky a déclaré vouloir l’intégration de l’Ukraine à l’Union européenne, et mettre en place un référendum sur l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN.
7°/ Depuis 2014, l’impérialisme américain et l’impérialisme russe se livrent une guerre interposée sur le dos de l’Ukraine. Avant même le franchissement de la frontière ukrainienne par l’armée russe, cette guerre avait déjà causé 14 000 morts dans la région du Donbass. Alors que les « protocoles de Minsk » signés par la Russie, l’Ukraine, les représentants des républiques autoproclamées du Donetsk et de Lougansk, sous la houlette de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), étaient censés assurer un cessez-le-feu, aucune des parties n’a respecté ces accords. Entre février et mars 2021, l’OSCE a observé une augmentation de 30% de la violation du cessez-le-feu. Alors que la Russie massait ses troupes aux frontières ukrainiennes et finançait les combattants séparatistes au Donbass, dans le même temps les Etats-Unis accéléraient les livraisons d’armes à l’armée ukrainienne. Entre 2018 et 2021, les Etats-Unis ont livré 77 lance-missiles Javelin ; ce chiffre a considérablement augmenté en 2022 puisque 300 lance-missiles ont été livrés rien que sur le mois de janvier. En 2021, les Etats-Unis ont fourni plus de 450 millions de dollars d’aide à l’armée ukrainienne.
Ces livraisons d’armes massives à l’armée ukrainienne sont la continuité de la logique d’expansion de l’OTAN poursuivie depuis les années 2000 par l’impérialisme américain. Contrairement aux engagements de l’Allemagne et des Etats-Unis en 1994, le 29 mars 2004, 7 pays (Bulgarie, Estonie, Lettonie, Lituanie, Roumanie, Slovaquie, Slovénie) adhèrent à l’OTAN. Ils seront rejoints en 2009 par l’Albanie et la Croatie, en 2017 par le Monténégro, et en 2020 par la Macédoine. Ces adhésions s’accompagnent évidemment de déploiements de troupes et d’exercices militaires de grande ampleur, suivant la logique impérialiste d’expansion des blocs, et ont conduit à l’établissement de bases militaires pratiquement sur toute la frontière russe, à l’exception de l’Ukraine et de la Biélorussie. L’OTAN et les impérialismes européens portent donc la plus lourde responsabilité dans l’escalade militaire.
La guerre du Donbass, pendant longtemps totalement tue dans les médias occidentaux, a fourni un formidable terrain d’entraînement aux militants d’extrême-droite de tous les pays : des deux côtés de la frontière, du côté pro-russe comme du côté pro-ukrainien, des milices racistes, antisémites, se réclamant explicitement du nazisme, participent aux combats.
8°/ Les puissances impérialistes se disputent les richesses de l’Ukraine. Ce pays se trouve en effet à la quatrième place mondiale en valeur totale des ressources naturelles : première réserve européenne de minerais d’uranium, une des principales réserves mondiales de manganèse, de fer, de mercure et de charbon. L’Ukraine est aussi le grenier à blé de la Russie et de l’Europe : premier exportateur de tournesol, deuxième producteur mondial d’orge, troisième producteur mondial de maïs… Et surtout, ce pays concentre le deuxième plus grand réseau de gazoducs d’Europe (142,5 milliards de mètres cubes de capacité de débit de gaz dans l’Union européenne). Ainsi, le blocage de la mise en service du gazoduc Nord Stream II, reliant la Russie à l’Allemagne, risque de rebattre les cartes parmi les pays exportateurs de gaz. Or, parmi les principaux exportateurs de GNL – outre le Qatar, la Russie, l’Algérie ou le Nigeria –, les Etats-Unis écoulent une partie de leur gaz de schiste . Ce qui motive la guerre en Ukraine n’est donc pas la défense de la démocratie dans un pays, comme nous le dit la propagande médiatique. C’est simplement une guerre pour défendre les intérêts économiques de la Russie ou des Etats-Unis. Ces derniers sont les principaux bénéficiaires de la rupture des échanges entre l’Europe et la Russie, car ce sont eux qui remplaceront la Russie pour l’exportation de gaz vers l’Europe. Actuellement, 40% du gaz naturel consommé en Europe provient de Russie.
9°/ La guerre en Ukraine est le dernier soubresaut, le plus brutal, de la crise mondiale du capitalisme, qui voit les impérialismes historiques fragilisés alors que d’autres puissances impérialistes tentent de s’imposer. Alors que l’administration Trump avait fait porter les efforts principaux de l’impérialisme américain sur le continent asiatique et la sphère pacifique, la défaite historique qu’il a subi en Iraq et en Afghanistan l’ont porté à redéplacer ses efforts sur le continent européen. C’est ce qui explique en grande partie la rhétorique particulièrement agressive et belliciste de Biden à l’égard de la Russie.
En Europe, la France est confrontée à une contestation historique de sa domination sur le continent africain. Le retrait des troupes françaises du Mali, même si elles ne sont pas immédiates et s’accompagnent d’un redéploiement dans les autres pays du Sahel, constitue pour Macron une défaite aussi importante que celle de l’Afghanistan pour Biden.
Face à ces impérialismes historiques en difficulté, l’impérialisme chinois a commencé à montrer les dents avec Taïwan. Les projets de développement des « nouvelles routes de la soie » montrent les velléités d’expansion de cet impérialisme sur l’ensemble du continent asiatique.
Dans ce cadre, la Russie, en tant que puissance impérialiste, tente de jouer sa partition. Au moment où les impérialismes occidentaux sont confrontés à des contradictions, elle joue un rôle certain de gendarme contre-révolutionnaire : intervention en Syrie, déploiement des milices Wagner sur le continent africain, financement de l’extrême-droite en Europe et aux Etats-Unis… Mais, face au géant chinois et aux impérialismes occidentaux, la Russie reste une puissance impérialiste de seconde zone. Hormis l’exportation de pétrole et l’économie d’armement, l’économie russe, essentiellement mafieuse et dominée par des capitalistes issus de la bureaucratie stalinienne, reste très faible. De plus, Vladimir Poutine est confronté, depuis 2 ans, à une forte contestation sociale et politique. En février 2021, suite à l’empoisonnement de l’opposant nationaliste libéral Alexei Navalny, des dizaines de milliers de russes ont manifesté . Mais c’est surtout dans ses pays frontaliers que le régime a été le plus contesté. Fin 2020, c’est le régime de Loukachenko qui a fait face à des grèves ouvrières et des manifestations. Pour réprimer cette contestation, Loukachenko a dû faire appel à Moscou. En janvier 2022, c’est au Kazakhstan que de très puissantes grèves à caractère insurrectionnel ont éclaté. Pour les réprimer, la Russie a pour la première fois fait intervenir les forces militaires de « l’Organisation du traité de sécurité collective », alliance militaire regroupant la Russie et les pays d’Asie centrale. A l’époque, tous les dirigeants bourgeois occidentaux, qui se font aujourd’hui les plus grands défenseurs de la démocratie et des droits des peuples, n’avaient absolument rien dit.
10°/ La dynamique des puissances régionales dans ce cadre n’est pas à négliger non plus. Ainsi, la Turquie d’Erdogan, qui ces dernières années avait opéré un rapprochement avec la Russie, notamment avec leur coopération dans le conflit syrien, a dénoncé ce qu’elle qualifie de passivité de l’OTAN face à l’invasion russe, et a fait fermer le détroit du Bosphore aux navires russes. A l’opposé, l’Iran, qui elle aussi combat aux côtés de la Russie et de la Turquie dans le conflit syrien, s’est rangée derrière Moscou. Dans le cadre de sa rivalité avec la Turquie, la Grèce est aussi en train d’essayer de prendre l’avantage et d’apparaître comme le partenaire le plus dévoué de l'impérialisme US dans la région, en mettant à disposition des aéroports clefs pour de possibles raids de l’OTAN et en envoyant des armes à l’armée ukrainienne.
Dans ce petit jeu des impérialismes mondiaux et des puissances régionales, les camps prétendument opposés peuvent ainsi se retrouver de façon éphémère du même côté lorsqu’il s’agit de préserver leurs intérêts financiers et économiques. Ainsi, le conseil de sécurité de l’ONU a adopté le 28 février, avec le soutien de la Russie, une résolution étendant à l’ensemble des rebelles houthis l’embargo sur les armes au Yémen. Cette résolution est un blanc-seing pour la coalition menée par le Yemen et l’Arabie Saoudite, à qui des pays comme l’Etat espagnol ou la France livrent des armes.
Ce vote est une nouvelle démonstration que les puissances impérialistes occidentales ou russes, aux côtés des puissances régionales, forment un arc fondamentalement contre-révolutionnaire.
10°/ Tous ces événements montrent l’actualité de la théorie de la révolution permanente. A l’époque impérialiste, les tâches démocratiques bourgeoises sont indissociables de la révolution socialiste. « Pour les pays à développement bourgeois retardataire et, en particulier pour les pays coloniaux et semi-coloniaux, la théorie de la révolution permanente signifie que la solution véritable et complète de leurs tâches démocratiques et de libération nationale ne peut être que la dictature du prolétariat, qui prend la tête de la nation opprimée, avant tout de ses masses paysannes. » Plus que jamais, ce qu’écrivait Trotsky en avril 1939 est valide : « Il faut un mot d'ordre clair et précis, qui corresponde à la situation nouvelle. A mon avis, il n'existe à l'heure actuelle qu'un seul mot d'ordre de ce type : pour une Ukraine soviétique, ouvrière et paysanne unie, libre et indépendante ! Ce programme est tout d'abord en opposition inconciliable avec les intérêts des trois puissances impérialistes, Pologne, Roumanie et Hongrie. Il n'y a que les indécrottables imbéciles pacifistes pour croire que l'émancipation et l'unification du l'Ukraine puissent être réalisées par des moyens diplomatiques pacifiques, des référendums, des décisions de la Société des Nations, etc. Ils ne valent naturellement pas mieux les uns que les autres, tous ces « nationalistes » qui proposent de résoudre la question ukrainienne en utilisant un impérialisme contre l'autre. Hitler a donné une leçon hors de prix à ces aventuriers en livrant (pour combien de temps?) l'Ukraine subcarpathique aux Hongrois, qui se sont empressés de massacrer un grand nombre de ces Ukrainiens pleins de confiance. Pour autant que l'issue dépende de la force militaire des Etats impérialistes, la victoire de l'un ou l'autre bloc ne peut signifier qu'un nouveau démembrement et un asservissement plus brutal encore du peuple ukrainien. Le programme de l'indépendance ukrainienne à l'époque de l'impérialisme est directement et indissolublement lié au programme de la révolution prolétarienne. Il serait criminel d'entretenir en la matière quelque illusion que ce soit. (…) Après toutes ces expériences, il n'y a plus que des cadavres politiques pour continuer à placer leurs espoirs dans l'une des fractions de la bourgeoisie ukrainienne en tant que dirigeant de la lutte nationale pour l'émancipation. Seul le prolétariat ukrainien est à même, non seulement de résoudre cette tâche - qui est révolutionnaire par son essence-même - mais aussi de prendre une initiative pour la résoudre. Le prolétariat et le prolétariat seul peut rallier autour de lui les masses paysannes et l'intelligentsia nationale authentiquement révolutionnaire. (…) La guerre qui vient va créer une atmosphère favorable à toutes sortes d'aventuriers, faiseurs de miracles et chercheurs de toison d'or. Ces messieurs, qui aiment particulièrement se chauffer les mains aux questions nationales, ne doivent pas être admis à portée de canon dans le mouvement ouvrier. Pas le moindre compromis avec l'impérialisme, qu’il soit fasciste ou démocratique ! Pas la moindre concession aux nationalistes ukrainiens, qu'ils soient réactionaires-cléricaux ou pacifistes-libéraux ! Pas de « Fronts Populaires » ! Indépendance totale du parti prolétarien en tant qu’avant-garde des travailleurs ! »
11°/ C’est à partir de ces critères de classe que les marxistes-révolutionnaires doivent apprécier la situation et les tâches qui en découlent.
Il est indéniable qu’aujourd’hui, une résistance populaire se développe en Ukraine contre l’invasion russe. Même dans la ville majoritairement russophone de Berdiansk, les manifestants crient aux soldats russes de « rentrer à la maison ». En tant que marxistes-révolutionnaires, nous devons exprimer notre solidarité la plus totale envers cette résistance populaire.
Cependant, cela ne doit pas nous faire occulter le caractère de classe du gouvernement Zelensky, ni le fait qu’à travers cette guerre, ce sont deux blocs impérialistes qui s’opposent. La politique ultra-agressive de Poutine a précipité encore davantage le gouvernement ukrainien dans les bras des impérialismes occidentaux. Aujourd’hui, surarmés par tous les pays d’Europe et les Etats-Unis, l’armée ukrainienne est encore davantage condamnée à ne devenir qu’un supplétif de l’OTAN.
C’est pourquoi il est impossible pour des marxistes-révolutionnaires de réclamer la livraison d’armes par les Etats occidentaux à l’Etat ukrainien, parce que la livraison d’armes à l’Ukraine ne contribuera ni à pacifier la région ni à renforcer les positions de classe en Ukraine. Au contraire, cela signifie aggraver la spirale de la guerre dans la région, ce que les civils ukrainiens paieront de leurs vies, et les classes populaires d’Europe avec des politiques d’inflation et d’austérité, cela juste pour aider à renforcer les intérêts impérialistes des Etats-Unis et de l’OTAN. On nous rétorque que, sans les armes de l’Occident, l’armée ukrainienne est condamnée, alors qu’une défaite de Poutine serait un point d’appui pour les luttes révolutionnaires. Cet argument est plus que contestable. Depuis 2011, les Etats occidentaux ont déversé quantité d’armes en Libye puis en Syrie : cela a-t-il aidé en quoi que ce soit le développement des luttes révolutionnaires là-bas ? Bien au contraire, l’ingérence des impérialismes n’a bénéficié qu’aux franges les plus réactionnaires. La Libye est désormais en proie à un chaos effroyable – qui est un des champs d’affrontement des impérialismes russe et occidentaux, et en Syrie le régime de Bashar El-Assad est toujours en place.
Pour ce qui est des sanctions économiques, nous devons clairement nous y opposer car elles vont retomber d’abord et avant tout sur les classes populaires de Russie. Bien loin de détacher la population du régime de Poutine, alors que des milliers de Russes descendent dans la rue contre la guerre, ces sanctions seront un argument supplémentaire pour le régime pour tenter de ressouder la population derrière lui.
12°/ La première tâche des marxistes-révolutionnaires dans la période qui voit la multiplication des affrontements militaires et le risque grandissant d’un conflit généralisé, est la construction d’un mouvement international contre la guerre et pour le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. Pour cela, la multiplication de manifestations contre la guerre en Russie, défiant le régime poutinien, est un point d’appui considérable. Car c’est bien du cœur de la Russie que viendront les forces capables d’arrêter l’offensive meurtrière de Poutine. Partout nous devons prendre des initiatives qui permettent d’exprimer le refus de la guerre impérialiste en nous appuyant sur l’expérience internationale du mouvement contre la guerre en Irak.
Les mots d’ordre que les communistes révolutionnaires doivent défendre dans un tel mouvement anti-guerre sont les suivants :
- Solidarité avec les manifestations contre la guerre en Russie ! Contre leur répression, exigeons la libération de tous les manifestants et manifestantes emprisonnés !
- Contre les ingérences impérialistes en Ukraine ! Retrait des troupes de l’OTAN de l’est de l’Europe et du monde ! Non à l’escalade militaire et économique !
- Non à l’union nationale derrière notre propre impérialisme ou bourgeoisie !
- Pas un sou, pas un soldat, pas une arme pour la guerre en Ukraine. Contre toutes intervention de nos propres impérialismes !
- Ouverture des frontières et accueil de tous les réfugiés, quel que soit leur pays d’origine ! Non au tri raciste entre « bons » et « mauvais » migrants !
Ces mots d’ordre doivent se combiner avec une dénonciation intransigeante du campisme pro-Poutine comme du campisme pro-occidental. En Russie la première tâche des révolutionnaires est de lutter contre l’invasion russe de l’Ukraine. Dans les pays impérialistes occidentaux, l’effort pour bloquer toute intervention de l’OTAN ou de l’UE doit s’accompagner de la dénonciation de l’invasion russe de l’Ukraine et aussi des crimes commis par ces impérialismes dans toute une série de pays – que ce soit par les impérialismes européens ou l’impérialisme américain. Dans tous les pays impérialistes, les révolutionnaires ont le devoir de rappeler inlassablement que « l’ennemi principal est dans notre propre pays » : ils doivent donc dénoncer les menées de leur propre impérialisme, à commencer par l’amassement sans cesse croissant de troupes aux frontières russes, et la livraison de tonnes d’armes en Ukraine.
13°/ Sur la question du soutien à la résistance ukrainienne, il est essentiel de partir de la caractérisation de classe de chacune des parties en présence. L’Etat ukrainien est un Etat capitaliste, le gouvernement Zelinsky et l’armée ukrainienne sont de fait inféodés à l’OTAN. Dans une situation où le mouvement ouvrier est terriblement affaibli, divisé entre pro-occidentaux et pro-russes, demander de livrer des armes à l’Etat ukrainien n’est absolument pas une position permettant de renforcer les forces progressistes.
Le rôle des marxistes-révolutionnaires est de bloquer toute possible intervention impérialiste de leur “propre” pays, qu’elle soit directe ou indirecte (y compris les livraisons d’armes décidées par de nombreux gouvernements comme l’Etat espagnol, l’Allemagne, le Danemark, etc) et de chercher à tisser des liens de solidarité avec les forces progressistes et ouvrières d’Ukraine et de Russie. Ainsi, le positionnement de l’organisation Sotsialnyi rukh réclamant de « nationaliser les entreprises stratégiques, ainsi que saisir les biens des milliardaires pour garantir l’accès du public aux médicaments, aux transports, au logement, à la nourriture », est un premier pas pour esquisser des revendications anticapitalistes contestant la direction de la résistance au gouvernement Zelensky.
Nous sommes en désaccord avec le communiqué du bureau de la IV qui défend la livraison d'armes à l'Ukraine et les sanctions contre la Russie. Pour nous, il s'agit d'une concession sous la pression à l'union nationale dans les pays occidentaux.
14°/ Les guerres qui se multiplient vont être le prétexte à de nouveaux plans antisociaux, anti-ouvriers et sécuritaires. Ainsi, en France, Emmanuel Macron a d’ores et déjà annoncé la hausse du budget militaire, tout en déclarant que « nombre de secteurs économiques souffrent et vont souffrir, soit parce qu'ils dépendent des importations de matières premières, soit parce qu'ils exportent vers ces pays ». Le coût des produits de première nécessité va encore exploser. Ces plans d’austérité et de casse sociale ne manqueront pas de provoquer des résistances. Dans tous ces mouvements qui vont éclater, la tâche des marxistes-révolutionnaires doit être de garder une totale indépendance vis-à-vis de leur bourgeoisie en refusant l’union nationale et de faire le lien entre la question sociale et celle de la guerre, afin de développer une position internationaliste de lutte contre la guerre et ainsi pouvoir remettre au centre la nécessité de la révolution pour un monde débarrassé des impérialistes et de leurs guerres.
Lundi 14 mars 2022
Déclaration de la Tendance pour une Internationale Révolutionnaire (TIR), tendance publique de la IV (ex-SU)
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English:
1°/ El 24 de febrero de 2022, el ejército ruso, bajo las órdenes de Vladimir Putin, cruzó las fronteras de Ucrania y lanzó una invasión particularmente brutal de este país, con más de 100.000 hombres desplegados. Se realizaron bombardeos especialmente intensos sobre las principales ciudades del país, Kiev y Kharkiev. Los objetivos civiles están siendo atacados deliberadamente, como demuestran los misiles disparados contra la Plaza de la Libertad y la Universidad de Kharkiev. En el momento de escribir estas líneas, un convoy de vehículos blindados de 60 kilómetros de longitud se dirige hacia Kiev, portando armas termobáricas, armas diseñadas para causar el máximo de víctimas civiles. Según las informaciones que nos llegan, las tropas chechenas del presidente Kadyrov, conocidas por su brutalidad y sus exacciones contra la población civil, se han incorporado a las filas del ejército ruso.
2°/ Todo esto confirma el carácter totalmente imperialista de la guerra. Éste no lo ha ocultado: retoma el discurso nacionalista de la Gran Rusia, según el cual Ucrania pertenece históricamente al Imperio ruso. En su discurso del 21 de febrero, uno de los principales objetivos de Putin fue la política de los bolcheviques en la época de la Revolución Rusa. “La Ucrania moderna fue creada enteramente por Rusia, concretamente por la Rusia bolchevique y comunista. Este proceso comenzó casi inmediatamente después de la revolución de 1917, y Lenin y sus asociados lo hicieron de forma muy grosera para la propia Rusia: separando, arrancando parte de sus propios territorios históricos.” Culpó a Lenin de “entregar” el Donbass a Ucrania. Con estos ataques a la política internacionalista de los bolcheviques, Putin muestra claramente quién es y a quién representa: un representante de la nueva burguesía rusa, nacida sobre las ruinas de la Unión Soviética, y con sus raíces en el imperio feudal zarista.
3°/ La invasión a gran escala lanzada por Rusia contra Ucrania da una nueva dimensión al conflicto entre el imperialismo ruso y el imperialismo occidental a costa de los pueblos de la región. Pero sería un error creer que la guerra actual comenzó el 24 de febrero. Desde 2014, en el Donbass, más de 10.000 personas han muerto en enfrentamientos entre el ejército ucraniano y combatientes de Donetsk, Lugansk y Crimea.
4°/ El actual enfado del Kremlin tiene sus raíces en el levantamiento de 2013-2014 contra el capitalista prorruso Víktor Yanukóvich. Elegido con una mayoría muy débil, realizó un acercamiento al Estado ruso, rompiendo con las políticas de sus predecesores, al tiempo que aplicaba una política liberal y antisocial basada en el despilfarro de los servicios públicos. La revuelta de 2013-2014 vino en particular de la ira generada por estas políticas liberales y autoritarias. Pero fueron las clases pequeño-burguesas las que tomaron la delantera en este levantamiento, con una orientación anti-rusa y pro-UE. Esta línea política ha favorecido la presencia de grupos de extrema derecha como Svoboda o Pravy Sektor, un partido abiertamente neonazi que reivindica al colaboracionista Stepan Bandera.
Desde 2014, con la aparición de fuerzas paramilitares neonazis en el movimiento de Maïdan (financiadas tanto por la oligarquía ucraniana como por Occidente), se han producido en Ucrania masacres de civiles rusos, activistas de izquierda, homosexuales… (por ejemplo, el incendio provocado de la Casa de los Sindicatos en mayo de 2014, donde murieron quemadas y asesinadas más de 50 personas). El 22 de febrero de 2014, la Rada (Parlamento) ucraniana destituyó a Víktor Yanukóvich, que huyó a Rusia, y nombró presidente interino a Oleksandr Turchynov, un ultraconservador homófobo. Una de las primeras medidas del nuevo gobierno es la derogación de la ley de lenguas regionales, eliminando el ruso de las lenguas oficiales (pero también el húngaro, el moldavo y el rumano). En concreto, esto significa que todos los documentos oficiales se escribirán a partir de ahora sólo en ucraniano, pero también que los nombres de las ciudades y los nombres propios deben seguir la ortografía y la pronunciación ucranianas.
5°/ Ante estas medidas de discriminación contra las poblaciones rusoparlantes del este del país, el 23 de febrero estallaron manifestaciones masivas en las ciudades de Donetsk, Kramatorsk, Luhansk, Mariupol y Sloviansk, en el Donbass, y en la península de Crimea. Los manifestantes exigen que se respeten sus derechos, es decir, la derogación de la ley sobre las lenguas regionales, pero también una descentralización del poder de Kiev a las regiones y más autonomía. Estas manifestaciones ejercieron una verdadera presión sobre el gobierno y la ley sobre las lenguas regionales nunca llegó a aplicarse.
Pero aprovechando esta situación de división provocada por las decisiones reaccionarias del gobierno de Kiev, Putin despliega a los mercenarios de la milicia Wagner y financia a los combatientes separatistas en Crimea, Donetsk y Lugansk. El 11 de marzo de 2014, el Parlamento de Crimea declara la independencia de la República de Crimea. El 16 de marzo, un simulacro de referéndum celebrado bajo la ocupación militar rusa formalizó la adhesión de Crimea a la Federación Rusa. Al mes siguiente, los combatientes separatistas de Donbass, apoyados financiera y militarmente por Rusia, proclamaron la independencia de la República Popular de Donetsk y Lugansk. Esta intervención militar de Rusia es claramente una distracción de las manifestaciones rusófilas y no tiene nada que ver con el derecho a la autodeterminación de las poblaciones de Donbass y Lugansk: es una manifestación de la voluntad agresiva del imperialismo ruso hacia Ucrania.
5°/ El 25 de mayo de 2014, Petro Poroshenko, un multimillonario que hizo su fortuna en la industria del chocolate, fue elegido presidente con el 54,7% de los votos, con sólo 18 millones de ucranianos que participaron en los comicios, que no pudieron celebrarse en Crimea y en las regiones de Donetsk y Lugansk. Inmediatamente, Poroshenko desarrolló una política ultranacionalista y revisionista: reconocimiento del país a los combatientes de las milicias de Bandera que participaron en el exterminio de los judíos durante la Segunda Guerra Mundial, reconocimiento de la Iglesia Ortodoxa de Ucrania, una ley que establece que toda la enseñanza en el país sea en ucraniano… Fue bajo su gobierno cuando las milicias de extrema derecha que se habían manifestado en Maïdan y luego combatieron en el Donbass se integraron en el ejército ucraniano, bajo la dirección del líder del partido Pravy Sektor, Dmytro Iaroch, que fue nombrado asesor del Ministerio de Defensa en abril de 2015 (cargo que ya ha dejado). Con el pleno apoyo de EEUU y los países miembros de la OTAN, aumentó el presupuesto del sector de la defensa y la seguridad del 1% del PIB al 5%. En noviembre de 2018, declaró la ley marcial tras un incidente armado entre barcos ucranianos y Rusia.
Al mismo tiempo, aplicó una política de austeridad económica: bajo la presión del FMI, que criticó la lentitud de las reformas, llevó a cabo numerosas privatizaciones y atacó el sistema de pensiones, mientras los precios del gas y de los alimentos se disparaban. La impopularidad de Poroshenko crece en el país. En los dos últimos años de su mandato, el Instituto Gallup informa de que Ucrania tiene el nivel de confianza en su gobierno más bajo del mundo. Tras una serie de escándalos financieros (se dice que su fortuna aumentó en 400 millones de dólares entre 2012 y 2020), Poroshenko fue ampliamente derrotado en las elecciones de 2019, en las que ganó Volodymyr Zelensky, un comediante que hasta entonces era conocido principalmente por sus papeles en series de televisión.
6°/ El actual presidente, Zelensky, es un populista, elegido sobre la base de un programa confuso, que mezcla la defensa de la democracia directa y la lucha contra la corrupción, al menos de palabra, con medidas ultraliberales, como la liberalización del mercado de la tierra. Desde 2001, una moratoria ha bloqueado la privatización de terrenos públicos y ha impedido casi todas las transacciones de terrenos privados. Esta liberalización del mercado agrícola ha provocado las protestas de los pequeños agricultores. De hecho, la creación de un mercado de tierras agrícolas en Ucrania permitirá a los oligarcas y a las grandes empresas agrícolas seguir acaparando tierras, al tiempo que se satisfacen los intereses de los inversores y los bancos extranjeros.
Paradójicamente, una de las bases sobre las que se eligió a Zelensky es la flexibilización de la relación con Rusia. Obtuvo los mejores resultados en las regiones de habla rusa, que se consideran pro-rusas. Él mismo, que habla ruso, criticó las leyes que amplían el uso del ucraniano en la radiodifusión y la introducción de exámenes de lengua ucraniana para los funcionarios. Al mismo tiempo, Zelensky ha declarado que quiere que Ucrania se incorpore a la Unión Europea y que se celebre un referéndum sobre el ingreso de Ucrania en la OTAN.
7°/ Desde 2014, el imperialismo estadounidense y el imperialismo ruso han estado librando una guerra a costa de Ucrania. Incluso antes de que el ejército ruso cruzara la frontera ucraniana, esta guerra ya había causado 14.000 muertos en la región de Donbass. Aunque los “Protocolos de Minsk” firmados por Rusia, Ucrania y los representantes de las repúblicas autoproclamadas de Donetsk y Lugansk, bajo los auspicios de la Organización para la Seguridad y la Cooperación en Europa (OSCE), debían garantizar un alto el fuego, ninguna de las partes ha cumplido estos acuerdos. Entre febrero y marzo de 2021, la OSCE observó un aumento del 30% en las violaciones del alto el fuego. Mientras Rusia masificaba sus tropas en las fronteras ucranianas y financiaba a los combatientes separatistas en el Donbass, al mismo tiempo EEUU aceleraba la entrega de armas al ejército ucraniano. Entre 2018 y 2021, EEUU entregó 77 lanzadores de misiles Javelin; esta cifra aumentó considerablemente en 2022, con 300 lanzadores de misiles entregados solo en enero. En 2021, EEUU proporcionó más de 450 millones de dólares en ayuda al ejército ucraniano.
Estas entregas masivas de armas al ejército ucraniano son una continuación de la lógica de expansión de la OTAN que persigue el imperialismo estadounidense desde la década de 2000. En contra de los compromisos adquiridos por Alemania y Estados Unidos en 1994, el 29 de marzo de 2004, 7 países (Bulgaria, Estonia, Letonia, Lituania, Rumanía, Eslovaquia y Eslovenia) ingresaron en la OTAN. A ellos se unirán en 2009 Albania y Croacia, en 2017 Montenegro y en 2020 Macedonia. Por supuesto, estas adhesiones van acompañadas de despliegues de tropas y ejercicios militares a gran escala, siguiendo la lógica imperialista de la expansión del bloque, y han llevado al establecimiento de bases militares prácticamente a lo largo de toda la frontera rusa, con la excepción de Ucrania y Bielorrusia. Por lo tanto, la OTAN y los imperialismos europeos son los principales responsables de la escalada militar.
La guerra en el Donbass, totalmente silenciada en los medios de comunicación occidentales durante mucho tiempo, ha proporcionado un formidable campo de entrenamiento para los militantes de extrema derecha de todos los países: a ambos lados de la frontera, en el bando prorruso y en el proucraniano, participan en los combates milicias racistas y antisemitas, que se reivindican explícitamente como nazis.
8°/ Las potencias imperialistas se disputan las riquezas de Ucrania. De hecho, este país ocupa el cuarto lugar en el mundo por el valor total de los recursos naturales: primera reserva europea de minerales de uranio, una de las principales reservas mundiales de manganeso, hierro, mercurio y carbón. Ucrania es también el granero de Rusia y Europa: es el primer exportador mundial de girasol, el segundo productor de cebada, el tercero de maíz, etc. Sobre todo, este país cuenta con la segunda red de gasoductos más grande de Europa (142.500 millones de metros cúbicos de capacidad de flujo de gas en la Unión Europea). Así, el bloqueo de la puesta en marcha del gasoducto Nord Stream II, que une Rusia con Alemania, corre el riesgo de barajar las cartas entre los países exportadores de gas. Entre los principales exportadores de GNL -además de Qatar, Rusia, Argelia y Nigeria-, EEUU vende parte de su gas de esquisto. Por lo tanto, lo que motiva la guerra en Ucrania no es la defensa de la democracia en un país, como nos dice la propaganda mediática. Es simplemente una guerra para defender los intereses económicos de Rusia o de Estados Unidos. Estos últimos son los principales beneficiarios de la interrupción del comercio entre Europa y Rusia, ya que sustituirán a Rusia en la exportación de gas a Europa. Actualmente, el 40% del gas natural que se consume en Europa procede de Rusia.
9°/ La guerra en Ucrania es la última y más brutal sacudida de la crisis global del capitalismo, que ve debilitados los imperialismos históricos mientras otras potencias imperialistas tratan de imponerse. Si bien la administración Trump había centrado los principales esfuerzos del imperialismo estadounidense en el continente asiático y en la esfera del Pacífico, su derrota histórica en Irak y Afganistán le han llevado a trasladar sus esfuerzos al continente europeo. Esto explica gran parte de la retórica particularmente agresiva y belicosa de Biden hacia Rusia.
En Europa, Francia se enfrenta a un desafío histórico a su dominio en el continente africano. La retirada de las tropas francesas de Malí, aunque no sea inmediata y vaya acompañada de un redespliegue en otros países del Sahel, es una derrota tan grande para Macron como lo fue Afganistán para Biden.
Frente a estos imperialismos históricos en dificultades, el imperialismo chino ha empezado a enseñar los dientes con Taiwán. Los proyectos de desarrollo de las “Nuevas Rutas de la Seda” muestran el deseo de este imperialismo de expandirse por el continente asiático.
En este contexto, Rusia, como potencia imperialista, intenta desempeñar su papel. En un momento en que los imperialismos occidentales se enfrentan a contradicciones, desempeña un cierto papel de gendarme contrarrevolucionario: intervención en Siria, despliegue de milicias wagnerianas en el continente africano, financiación de la extrema derecha en Europa y Estados Unidos… Pero, frente al gigante chino y los imperialismos occidentales, Rusia sigue siendo una potencia imperialista de segunda categoría. Aparte de las exportaciones de petróleo y la economía armamentística, la economía rusa, esencialmente mafiosa y dominada por los capitalistas de la burocracia estalinista, sigue siendo muy débil. Además, Vladimir Putin lleva dos años enfrentándose a fuertes protestas sociales y políticas. En febrero de 2021, tras el envenenamiento del opositor nacionalista liberal Alexei Navalny, decenas de miles de rusos se manifestaron. Pero es sobre todo en sus países fronterizos donde el régimen ha sido más cuestionado. A finales de 2020, fue el régimen de Lukashenko el que se enfrentó a las huelgas y manifestaciones de los trabajadores. Para reprimir esta protesta, Lukashenko tuvo que recurrir a Moscú. En enero de 2022, estallaron en Kazajistán huelgas muy fuertes de carácter insurreccional. Para reprimirlos, Rusia recurrió por primera vez a las fuerzas militares de la “Organización del Tratado de Seguridad Colectiva”, una alianza militar de Rusia y los países de Asia Central. En aquel momento, todos los dirigentes burgueses occidentales, que hoy se proclaman los mayores defensores de la democracia y de los derechos de los pueblos, no dijeron absolutamente nada.
10°/ Tampoco hay que olvidar la dinámica de las potencias regionales en este contexto. Así, la Turquía de Erdogan, que en los últimos años había realizado un acercamiento a Rusia, especialmente con su cooperación en el conflicto sirio, denunció lo que calificó de pasividad de la OTAN ante la invasión rusa, y cerró el estrecho del Bósforo a los barcos rusos. En cambio, Irán, que también lucha junto a Rusia y Turquía en el conflicto sirio, se ha puesto del lado de Moscú. En el marco de su rivalidad con Turquía, Grecia también trata de ganar ventaja y aparecer como el socio más devoto del imperialismo estadounidense en la región, poniendo a disposición aeropuertos clave para posibles incursiones de la OTAN y enviando armas al ejército ucraniano.
En este juego del imperialismo global y las potencias regionales, los bandos supuestamente opuestos pueden encontrarse efímeramente en el mismo bando cuando se trata de preservar sus intereses financieros y económicos. Por ejemplo, el Consejo de Seguridad de la ONU adoptó el 28 de febrero, con el apoyo de Rusia, una resolución que amplía el embargo de armas a Yemen a todos los rebeldes Houthi. Esta resolución es un cheque en blanco para la coalición liderada por Yemen y Arabia Saudí, a la que países como España y Francia están entregando armas.
Esta votación es una nueva demostración de que las potencias imperialistas occidentales y rusas, junto con las potencias regionales, forman un arco fundamentalmente contrarrevolucionario.
10°/ Todos estos acontecimientos demuestran la actualidad de la teoría de la revolución permanente. En la era imperialista, las tareas democrático-burguesas son inseparables de la revolución socialista. “Para los países con desarrollo burgués atrasado y, en particular, para los países coloniales y semicoloniales, la teoría de la revolución permanente significa que la solución verdadera y completa de sus tareas de liberación democrática y nacional sólo puede ser la dictadura del proletariado, que se pone a la cabeza de la nación oprimida, sobre todo de sus masas campesinas.”
Más que nunca, es válido lo que Trotsky escribió en abril de 1939: “Se necesita una consigna clara y precisa, que corresponda a la nueva situación. En mi opinión, por el momento sólo existe una consigna: ¡por una Ucrania soviética, obrera y campesina, unida, libre e independiente! Este programa es, en primer lugar, irreconciliable con los intereses de las tres potencias imperialistas, Polonia, Rumanía y Hungría. Sólo los tontos pacifistas indecentes creen que la emancipación y la unificación de Ucrania pueden lograrse por medios diplomáticos pacíficos, referendos, decisiones de la Sociedad de Naciones, etc. Naturalmente, no son mejores que los tontos pacifistas. Por supuesto, no son mejores unos que otros, todos esos “nacionalistas” que proponen resolver la cuestión ucraniana utilizando un imperialismo contra el otro. Hitler dio una lección impagable a estos aventureros al entregar (¿por cuánto tiempo?) la Ucrania subcarpática a los húngaros, que rápidamente masacraron a muchos de estos ucranianos confiados”.
“En la medida en que el resultado depende de la fuerza militar de los Estados imperialistas, la victoria de cualquiera de los dos bloques sólo puede significar un mayor desmembramiento y un sometimiento aún más brutal del pueblo ucraniano. El programa de la independencia de Ucrania en la época del imperialismo está directa e indisolublemente ligado al programa de la revolución proletaria. Sería criminal hacerse ilusiones en este asunto. (…) Después de todas estas experiencias, sólo quedan cadáveres políticos para seguir poniendo sus esperanzas en una de las fracciones de la burguesía ucraniana como líder de la lucha nacional por la emancipación. Sólo el proletariado ucraniano es capaz no sólo de resolver esta tarea -que es revolucionaria en su propia esencia- sino también de tomar la iniciativa para resolverla. El proletariado y sólo el proletariado puede reunir en torno a sí a las masas campesinas y a la intelectualidad nacional auténticamente revolucionaria. (…)”
“La guerra que se avecina creará una atmósfera favorable para todo tipo de aventureros, obradores de milagros y buscadores del vellocino de oro. A estos señores, que son especialmente aficionados a calentarse las manos en cuestiones nacionales, no se les debe permitir estar al alcance de las armas del movimiento obrero. ¡Ni el más mínimo compromiso con el imperialismo, sea fascista o democrático! ¡Ni la más mínima concesión a los nacionalistas ucranianos, ya sean reaccionarios-clericales o pacifistas-liberales! No hay “frentes populares” ¡Independencia total del partido proletario como vanguardia de los trabajadores!”
11°/ Es en base a estos criterios de clase que los marxistas-revolucionarios deben apreciar la situación y las tareas que se derivan de ella. Es innegable que hoy se está desarrollando una resistencia popular en Ucrania contra la invasión rusa. Incluso en la ciudad de Berdiansk, predominantemente rusófona, los manifestantes gritan a los soldados rusos que “se vayan a casa”. Como marxistas-revolucionarios, debemos expresar nuestra más plena solidaridad con esta resistencia popular.
Sin embargo, esto no debe hacernos olvidar el carácter de clase del gobierno de Zelensky, ni el hecho de que a través de esta guerra se oponen dos bloques imperialistas. La política ultra agresiva de Putin ha empujado al gobierno ucraniano aún más a los brazos del imperialismo occidental. Hoy, sobrearmado por todos los países europeos y por Estados Unidos, el ejército ucraniano está aún más condenado a convertirse en un mero auxiliar de la OTAN.
Por eso es imposible que los marxistas-revolucionarios exijan la entrega de armas por parte de los Estados occidentales al Estado ucraniano, porque la entrega de armas a Ucrania no contribuirá a pacificar la región ni a fortalecer las posiciones de clase en Ucrania. Por el contrario, significa agravar la espiral de guerra en la región, por la que los civiles ucranianos pagarán con sus vidas, y las clases trabajadoras de Europa con políticas de inflación y austeridad, sólo para ayudar a fortalecer los intereses imperialistas de los EE.UU. y la OTAN. Se nos dice que sin las armas occidentales, el ejército ucraniano está condenado, mientras que una derrota de Putin sería un punto de apoyo para las luchas revolucionarias. Este argumento es más que cuestionable. Desde 2011, los Estados occidentales han vertido muchas armas en Libia y Siria: ¿ha ayudado esto de alguna manera al desarrollo de las luchas revolucionarias allí? Por el contrario, la injerencia imperialista sólo ha beneficiado a las franjas más reaccionarias. Libia es ahora un caos espantoso, uno de los campos de batalla del imperialismo ruso y occidental, y en Siria el régimen de Bashar El-Assad sigue en pie.
En cuanto a las sanciones económicas, debemos oponernos claramente a ellas porque recaerán en primer lugar sobre las clases trabajadoras de Rusia. Lejos de apartar a la población del régimen de Putin, mientras miles de rusos salen a la calle contra la guerra, estas sanciones serán un argumento más para que el régimen intente reunir a la población detrás de él.
12°/ La primera tarea de los marxistas-revolucionarios en el período que ve multiplicarse los enfrentamientos militares y el riesgo creciente de un conflicto generalizado, es la construcción de un movimiento internacional contra la guerra y por el derecho de los pueblos a la autodeterminación. Para ello, la multiplicación de las manifestaciones contra la guerra en Rusia, desafiando al régimen de Putin, es un punto de apoyo considerable. Porque es del corazón de Rusia de donde saldrán las fuerzas capaces de detener la ofensiva asesina de Putin.
En todas partes debemos tomar iniciativas para expresar el rechazo a la guerra imperialista, aprovechando la experiencia internacional del movimiento contra la guerra de Irak.
Las consignas que los comunistas revolucionarios deben defender en ese movimiento antibélico son las siguientes:
-No a la guerra imperialista en Ucrania: ¡retirada inmediata de las tropas rusas!
-¡Solidaridad con las manifestaciones contra la guerra en Rusia! Contra su represión, ¡exijamos la liberación de todos los manifestantes encarcelados!
-¡Contra la injerencia imperialista en Ucrania ¡Retirada de las tropas de la OTAN de Europa del Este y del mundo! ¡No a la escalada militar y económica!
-¡No a la unidad nacional detrás de nuestro propio imperialismo o burguesía!
-¡Ni un céntimo, ni un soldado, ni un arma para la guerra en Ucrania. ¡Contra todas las intervenciones de nuestros propios imperialismos!
-¡Apertura de las fronteras y acogida a todos los refugiados, sea cual sea su país de origen. ¡No a la clasificación racista entre migrantes “buenos” y “malos”!
Estas consignas deben combinarse con una denuncia intransigente del campismo tanto pro-Putin como pro-occidental. En Rusia, la primera tarea de los revolucionarios es luchar contra la invasión rusa de Ucrania. En los países imperialistas occidentales, el esfuerzo por bloquear cualquier intervención de la OTAN o de la UE debe ir acompañado de la denuncia de la invasión rusa de Ucrania y también de los crímenes cometidos por estos imperialismos en toda una serie de países, ya sea por el imperialismo europeo o por el estadounidense. Los revolucionarios de todos los países imperialistas tienen el deber de recordar a la gente que “el principal enemigo está en nuestro propio país”: por lo tanto, deben denunciar las acciones de su propio imperialismo, comenzando por la acumulación cada vez mayor de tropas en las fronteras rusas, y la entrega de toneladas de armas a Ucrania.
13°/ En cuanto a la cuestión del apoyo a la resistencia ucraniana, es esencial partir de la caracterización de clase de cada una de las partes implicadas. El estado ucraniano es un estado capitalista, el gobierno de Zelinsky y el ejército ucraniano están de hecho al servicio de la OTAN. En una situación en la que el movimiento obrero está terriblemente debilitado, dividido entre pro-occidentales y pro-rusos, pedir la entrega de armas al Estado ucraniano no es en absoluto una posición para fortalecer las fuerzas progresistas.
El papel de los marxistas-revolucionarios es bloquear cualquier posible intervención imperialista desde su “propio” país, ya sea directa o indirecta (incluyendo las entregas de armas decididas por muchos gobiernos como el Estado español, Alemania, Dinamarca, etc.) y tratar de construir la solidaridad con las fuerzas progresistas y de la clase obrera en Ucrania y Rusia. Así, la posición de la organización Sotsialnyi rukh, que reclama la “nacionalización de las empresas estratégicas, así como la incautación de los bienes de los multimillonarios para garantizar el acceso público a los medicamentos, el transporte, la vivienda y los alimentos”, es un primer paso para esbozar las demandas anticapitalistas que desafían la dirección de la resistencia al gobierno de Zelensky.
No estamos de acuerdo con la declaración del Buró de la IVª Internacional que defiende la entrega de armas a Ucrania y las sanciones contra Rusia. Para nosotros, se trata de una concesión bajo presión a la unidad nacional en Occidente.
14°/ El creciente número de guerras será el pretexto para nuevos planes antisociales, antiobreros y de seguridad. Así, en Francia, Emmanuel Macron ya ha anunciado un aumento del presupuesto militar, al tiempo que ha declarado que “muchos sectores económicos están sufriendo y van a sufrir, ya sea porque dependen de las importaciones de materias primas o porque exportan a estos países”. El coste de las necesidades básicas aumentará aún más. Estos planes de austeridad y ruptura social están destinados a provocar resistencia. En todos estos movimientos que van a estallar, la tarea de los marxistas-revolucionarios debe ser mantener una independencia total de su burguesía rechazando la unión nacional y hacer el vínculo entre la cuestión social y la cuestión de la guerra, para desarrollar una posición internacionalista de lucha contra la guerra y así poder volver a poner en el centro la necesidad de la revolución para un mundo libre de los imperialistas y de sus guerras.
Declaración de la Tendencia por una Internacional Revolucionaria (TIR), tendencia pública de la IV (ex-SU)