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/ Une année de mobilisations dans l'Éducation nationale
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Nommée en août 2014, Najat Vallaud-Belkacem s’est vu assigner une mission : transformer radicalement le cadre de l’école actuelle pour appliquer jusqu’au bout l’austérité.
Un an d’austérité et d’attaques contre les droits des personnels
Le premier acte de cette politique a été la réforme du statut des enseignants du second degré, par laquelle le pouvoir des chefs d’établissement sera renforcé, et le cadre national du statut remis en cause par la mise en place d’« indemnités pour missions particulières ».
Acte II : la réforme de l’éducation prioritaire. Jusque-là, les « zones d’éducation prioritaire » avaient permis aux établissements de quartiers populaires de bénéficier de moyens supplémentaires. Même si chaque année, ces moyens avaient été remis en cause, les effectifs restaient moins chargés. La nouvelle carte de l’éducation prioritaire a exclu un nombre important d’établissements de ces zones, entraînant une chute des moyens et une augmentation des effectifs par classe. Par ailleurs, cette réforme ne dit plus rien sur les moyens, mais axe tout sur d’« autres manières d’enseigner », sous la coupe des inspecteurs et des chefs d’établissement. Une prétendue « pondération » (1h30 de cours en moins) est mise en place pour les établissements classés « REP+ », mais c’est un prétexte à des « concertations » pour imposer des réunions supplémentaires aux collègues afin de mettre en place les réformes.
Acte III : la réforme du collège, qui fait voler en éclat le collège tel que nous le connaissions. Au total, plusieurs centaines d’heures de cours sont supprimées sur les enseignements disciplinaires. Les options, comme les classes européennes, le latin ou le grec, disparaissent. Elles sont remplacées par des « Enseignements Pratiques Interdisciplinaires » (EPI) qui seront définis établissement par établissement, sans aucun cadre national. Chaque collège pourra définir les enseignements hebdomadaires comme il le veut, créant une situation chaotique pour les élèves et multipliant les sources d’inégalités. L’Education n’est plus du tout nationale : le gouvernement poursuit son œuvre de territorialisation commencée dans le premier degré avec la réforme des rythmes scolaires.
A côté de toutes ces réformes, concentrées sur le second degré et particulièrement le collège, les établissements du premier degré ont vu eux-aussi leur situation se dégrader, avec des dotations de moyens de plus en plus limitées, des effectifs par classe de plus en plus chargés. Les annonces du gouvernement sur les « créations de postes » ne suffisent pas à cacher la pénurie d’enseignants, notamment dans le premier degré, où les remplacements ne peuvent quasiment plus être assurés.
Face à la politique du gouvernement,la résistance des personnels
Cette politique s’est évidemment heurtée à la résistance des personnels enseignants. Dès le 20 novembre, ceux de Seine-Saint-Denis ont majoritairement suivi l’appel à la grève de la FSU pour exiger dans ce département un plan d’urgence pour l’éducation.
Mais c’est surtout la réforme de l’éducation prioritaire qui a concentré la colère des personnels. Plusieurs établissements de Seine-Saint-Denis, sortant du dispositif REP ou entrant dans le nouveau dispositif REP+, se sont mis en grève reconductible. En Seine-et-Marne également, neuf établissements, sortant de REP, sont entrés en lutte, suivis par ceux des Hauts-de-Seine, du Val-d’Oise et du Val-de-Marne. Le 9 décembre, le SNES a appelé à la grève : la journée a été largement suivie dans les établissements concernés. Le 16 décembre, une assemblée générale (AG) des établissements en lutte a réuni plus de 80 collègues. La colère s'est ressentie profondément. A Toulouse également, mais aussi dans d’autres académies de façon plus éparse, les collègues se sont mobilisés. Au collège Bellefontaine de Toulouse, 75 % des enseignants ont entamé une grève reconductible. Malheureusement, les vacances de décembre et l’absence de perspective de la part des syndicats n’ont pas permis au mouvement de franchir réellement le cap des vacances, même si quelques établissements sont restés mobilisés.
La résistance des enseignants s’est encore exprimée en février et mars. Avant les vacances d’hiver, c’est le lycée Le Corbusier d’Aubervilliers qui est entré en grève reconductible pendant une semaine pour le rétablissement de moyens horaires supprimés. Cette grève majoritaire a permis d’obtenir satisfaction sur un certain nombre de revendications, redonnant courage aux collègues. Ainsi, au retour des vacances, ce fut au tour des collèges de la même ville d’entrer en lutte. Le 5 et le 12 mars, les enseignants se sont mis en grève pour réclamer davantage de moyens. Le 17 mars, les collègues mobilisés autour d'Aubervilliers, Saint-Ouen et Saint-Denis ont organisé une action et perturbé un meeting de la ministre à Saint-Ouen dans le cadre des élections départementales. Ces initiatives ont consolidé les liens militants entre villes et entre établissements, ce qui a permis d'organiser une manifestation en direction du ministère le 24 mars. Ce jour-là, 28 établissements sont sortis dans la rue pour exiger une DHG à la hauteur des besoins en 2015. 300 enseignants, rejoints par des jeunes du lycée Marcel-Cachin de Saint-Ouen, sont venus soutenir la délégation qui devait être reçue. A la suite de cette journée, certains collèges d’Aubervilliers sont entrés en grève reconductible à partir du 31 mars. Malheureusement, cette grève est restée isolée et ne s’est pas étendue au reste du département.
Cependant, ces diverses mobilisations ont nourri durant l’année une atmosphère de contestation au sein de l’Education. Lors de la journée interprofessionnelle du 9 avril, les enseignants mobilisés de Seine-Saint-Denis et des Hauts-de-Seine ont réussi à constituer un cortège des établissements, et 30 % des enseignants ont fait grève au niveau national. La publication des projets de réforme du collège a en effet renforcé l’inquiétude. Une intersyndicale, historique puisqu’elle a rassemblé du SNALC (classé à droite) à SUD en passant par le SNES, FO et la CGT, a demandé le retrait du projet de réforme et appelé à la grève... le 19 mai. Malgré cette date tardive, la journée a été un succès : 50 % des enseignants de collège ont répondu à l’appel de l’intersyndicale. Le lendemain matin, la ministre Vallaud-Belkacem a commis une véritable provocation en publiant les décrets au Journal officiel. Malheureusement, l’intersyndicale a tardé à réagir. Au bout de trois jours, un communiqué a été publié, où il n’était question que d’une « journée de mobilisation » le 4 juin, sans appel à la grève. Et il aura fallu dix jours pour que l’intersyndicale appelle à la grève le 11 juin, la veille de la fin des cours en lycée. Tout cela n’a pas favorisé la mobilisation. La grève du 11 juin, bien que puissante, a été en retrait par rapport à celle du 19 mai : 30 % de grévistes. Dès lors, l’intersyndicale n’a plus donné de véritable consigne de mobilisation, se contentant d’une campagne de pétitions et de repousser toute initiative à la rentrée.
Les directions syndicales ont refusé de rompre avec le gouvernement
Si l’année a été riche en mouvements, ceux-ci n’ont pu aboutir faute d’une véritable stratégie des directions syndicales pour gagner. En décembre, au moment même où les collègues entraient en grève reconductible contre la nouvelle carte des REP, la direction nationale du SNES applaudissait des deux mains à la création des « REP+ », au prétexte qu’une prétendue pondération était accordée aux enseignants. Rien n’a été fait pour relayer la lutte des collègues. Au niveau des sections académiques, aucun travail n’a été mené pour coordonner les établissements en lutte. Le 16 décembre, alors qu’une AG massive se réunissait, les syndicats, notamment le SNES, ont brillé par leur absence.
Cette attitude est le fruit de trois ans de suivisme des directions syndicales à l’égard du gouvernement. En 2014, le SNES a co-rédigé la réforme des statuts, pour ensuite feindre de s’étonner que cette réforme aggravait les conditions de travail !
Face à la poussée de colère dans l’éducation, le SNES a malgré tout été obligé de s’opposer nettement à la réforme des collèges, en demandant son retrait immédiat. Mais là encore, aucun véritable plan de bataille n’a été mis en oeuvre. Le tardif appel à la grève le 19 mai, puis les tergiversations de l’intersyndicale après la publication des décrets, n’ont pas contribué à donner aux collègues la confiance en la possibilité de gagner. La veille de la grève du 11 juin, l’intersyndicale a encore accepté d’être reçue par la ministre, qui affirmait pourtant qu’elle ne retirerait pas ses décrets et ne discuterait que de leur mise en application. Dans ces conditions, la grève du 11 juin ne pouvait qu’être en retrait par rapport à la précédente.
Pour gagner : développer l’auto-organisation, construire les équipes militantes
Durant cette année, de nombreuses possibilités de construire un mouvement d’ensemble dans l’éducation ont été gâchées par la politique des directions syndicales. La seule alternative est de développer l’auto-organisation des collègues en lutte pour faire pression sur les directions et les contraindre à engager le bras-de-fer contre le gouvernement.
Une nouvelle génération militante a vu le jour à travers ces mobilisations. Un certain nombre de collègues ont pris conscience qu’il n’était plus possible de gagner établissement par établissement, en allant quémander chaque année des moyens supplémentaires. La réforme du collège a montré à l’ensemble de la profession que la politique du gouvernement est une politique générale d’austérité et de casse des droits sociaux. Les collègues mobilisés de Seine-Saint-Denis, des Hauts-de-Seine et de Toulouse ont repris les traditions d’Assemblées Générales d’établissements, de villes, même si cela reste limité.
Les militants du NPA se trouvent donc confrontés à deux tâches primordiales : d’une part, reconstruire et coordonner les équipes militantes, en restructurant les AG de ville, en défendant la nécessité d’une coordination des établissements mobilisés et en cherchant à convaincre les collègues de la nécessité de la grève reconductible. D’autre part, cette tâche ne peut être menée à bien que si nous lançons une véritable campagne de construction du parti : à cette fin, il est plus que jamais nécessaire de renforcer le secteur éducation du parti, pour produire, comme cela a été fait, des bulletins, et ce de façon plus régulière.
Aurélien Gavois