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/ Grève et révoltes en Guadeloupe : soutien aux jeunes et aux travailleurs-ses en lutte, à bas la répression coloniale !
Ces derniers jours, la grève et la mobilisation en Guadeloupe contre le pass sanitaire la suspension de salarié-es et pour des améliorations sociales s’est intensifiée, des révoltes ont éclaté. De nombreux-ses jeunes guadeloupéen-nes, des travailleurs-ses grévistes de la santé, de l’éducation nationale, des EHPAD ou encore des pompiers sont descendu-es dans les rues et sur les routes, mettant en place des blocages et des barrages dans une explosion de colère : la suspension sans salaire de nombre d’entre elles et eux a mis le feu aux poudres, dans un territoire où la pauvreté atteint des sommets.
La répression violente et la mise en place d’un couvre-feu pour répondre aux mouvements de contestation s’inscrivent dans la longue histoire coloniale de l’Etat français : En Guadeloupe notamment en Mai 67 où la répression a fait probablement une centaine de morts (aucun chiffre officiel), mais aussi dans l’ensemble des colonies, en Afrique du nord ou à Paris contre des algériens, les exemples sont légion. La répression n’est là que pour maintenir l’ordre colonial, l’emprise sur ces territoires, leurs populations et leurs richesses, et la réponse de l’Etat face aux révoltes en Guadeloupe montre encore une fois qu’il n’a pas rompu avec cette époque.
L’UGTG, syndicat majoritaire, et la LKP groupement de syndicats, associations, organisations politiques ayant soutenu la grève générale de 2009 ont déjà condamné la répression et le refus de négociations. Car en réalité, ces révoltes expriment la colère face aux conditions de vie de misère de la majorité de la population en Guadeloupe, avec un abandon total des services publics et la mainmise de quelques grands propriétaires descendants de colons, qui poussent la jeunesse guadeloupéenne à émigrer massivement ne voyant aucun avenir sur l’île.
Un système de santé délabré
Si une partie de la population se montre réticente au vaccin, c’est aussi car en matière de santé le gouvernement ne semble jamais trop préoccupé aux Antilles : rien que pendant l’épisode du Covid l’oxygène a manqué cruellement et faute de moyens les patients de plus de 50 ans n’ont pas été admis en réanimation. L’état du CHU de Pointe-à-Pitre, où par exemple les dommages d’un incendie de 2017 n’ont toujours pas été réparés, laissant les bâtiments en proie aux moisissures, aux inondations en cas de fortes pluies ou encore aux cafards, démontre à lui seul la politique de l’Etat pour ces territoires en matière de services publics : l’abandon total. En 2020, même le Conseil Economique Social et Environnemental, qui n’est, à priori, pas une organisation révolutionnaire, notait « la persistance d’écarts importants dans l’accès aux services publics » vis-à-vis de l’hexagone... En matière de santé aux Antilles, les riches vont dans le privé ou en métropole, là où les pauvres n’ont d’autres choix que de recevoir des soins souvent insuffisants faute de matériel, de personnel soignant et de spécialistes. Et cela n’est qu’un exemple à l’image de l’ensemble des services publics.
Misère sociale et empoisonnement de l’eau
A la quasi-absence de services publics, s’ajoutent des bas salaires et un coût de la vie très élevé : par rapport à la métropole, à titre d’exemple, il est supérieur de + 12,5% en Guadeloupe, + 12,3% en Martinique, + 11,6% en Guyane… Et ces chiffres sont tirés vers le haut par le prix des produits alimentaires qui peuvent être de 27 à 38% plus élevés que dans l’hexagone. Récemment, l’augmentation du prix de l’essence et de l’alimentation (+68% pour le pain) plonge dans une situation de pauvreté importante une large part des travailleur-ses guadeloupéen-nes, alors que le chômage dépasse les 19%.
En plus de la pauvreté, s’ajoute un accès irrégulier à l’eau courante et potable : coupures d’eau, présence de métaux lourds due à des canalisations vétustes, traces de matière fécale et contamination au chlordécone sont monnaie courante au robinet. D’ailleurs, le problème de la contamination dépasse même la question de l’eau, puisque c’est l’ensemble des sols, rivières, mers qui sont pollués au chlordécone, un insecticide utilisé jusque dans les années 1990 dans les bananeraies. Interdit en 1989 par l’Etat français qui continuait – en bon serviteur des patrons-colons – d’autoriser son usage dans les Outre-Mer jusqu’en 1993, le chlordécone a des conséquences dramatiques sur la santé des populations antillaises. Après son utilisation, de nombreux ouvriers-es agricoles sont mort-es de cancers ou maladies neurologiques ou du foie, et de manière générale les taux de cancers ont explosé dans les Antilles. Il cause aussi des perturbations endocriniennes provoquant des fausses couches, des naissances prématurées, des retards de développement chez les enfants… et on estime que 95% des guadeloupéen-nes présentent des traces de chlordécone dans le sang !
Les békés : les colons d’hier, les grands patrons d’aujourd’hui
Si la situation sociale en Guadeloupe et dans l’ensemble des « DOM » est telle aujourd’hui, c’est bien parce que l’Etat français et les grands propriétaires n’ont pas totalement rompu avec l’époque coloniale. Depuis le 17e siècle, la Guadeloupe était partagée par quelques grandes familles envoyées par les gouvernants du Royaume de France qui faisaient travailler des africain-es dans les champs comme esclaves, emmené-es de force par bateau de l’autre côté de l’Atlantique. Lors du décret de 1848 interdisant l’esclavage, non seulement les ancien-nes esclaves ont été affranchi-es sans aucune compensation leur permettant de vivre, mais les anciens propriétaires ont été dédommagés par l’Etat ! Les ancien-nes esclaves, sans ressources, ont été contraint-es de retourner travailler pour leurs anciens maîtres, qui possédaient la totalité de l’île. A l’heure actuelle, le partage des terres et des richesses n’a pas beaucoup changé, la Guadeloupe comme la Martinique sont dominées par quelques grands propriétaires qui ne sont personne d’autre que les blancs descendants directs de ces colons : les békés. Ils constituent moins de 1% de la population et se répartissent en une poignée de familles 90% de la filière agroalimentaire, 50% des terres et contrôlent une large part de l’import-export. Les békés organisent avec la complicité de l’Etat l’exploitation des travailleurs-ses en Guadeloupe et leur maintien dans un statut pseudo-colonial qui ne dit pas son nom, le tout pour tirer des profits faramineux des cultures de canne à sucre, de bananes, de la production de rhum notamment.
Les jeunes et les travailleurs de Guadeloupe ont raison de se révolter !
Tous ces éléments ne peuvent qu’expliquer que la colère qui s’exprime en Guadeloupe sur la question du pass sanitaire la dépasse largement. La grève et les blocages, barrages, incendies, pillages de grandes surfaces ne sont que l’expression de la rage des jeunes et des travailleurs-ses face à leurs conditions de vie, au maintien dans un état de fait colonial alors que la minorité possédante est toujours plus riche.
Les jeunes et les travailleurs-ses de Guadeloupe n’acceptent pas cette situation. Régulièrement des mobilisations et des grèves ont lieu sur l’île, et la révolte actuelle ne peut que rappeler celle de 2009, une véritable grève générale « contre la vie chère » qui a mis à l’arrêt l’ensemble des secteurs de l’économie en Guadeloupe, Guyane puis Martinique pendant plus d’un mois, débouchant sur des améliorations sociales significatives : baisse des prix, augmentation des salaires. A l’heure actuelle en Guadeloupe, plusieurs secteurs sont marqués par des grèves contre le pass sanitaire, goutte d’eau qui a fait déborder le vase de la colère sociale, et un appel à la grève interprofessionnelle a aussi été lancé en Martinique.
C’est en effet par la grève que les travailleurs-ses pourront taper directement dans le portefeuille des responsables de cette situation ! Les jeunes et les travailleurs-ses de Guadeloupe ont raison de se révolter, nous ne pouvons que les soutenir et nous opposer fermement à l’envoi des forces répressives : la seule solution de sortie de crise possible doit être celle de la levée des sanctions pour les personnels, de l’abandon des poursuites pour les syndicalistes et manifestant-es interpellé-es, de l’augmentation des salaires, de moyens à la hauteur pour l’ensemble des services publics…
Les travailleurs-ses et les jeunes de Guadeloupe nous montrent la voie : n’y a qu’une solution pour faire face à la misère, aux bas salaires, au chômage… c’est la mobilisation !
Pour en finir avec cette société pourrissante, seule la lutte des travailleurs-ses guadeloupéen-nes pourra exproprier les békés et répartir les richesses et le travail, et main dans la main avec les travailleurs-ses des Antilles, de métropole et du monde entier permettra de briser à jamais les chaînes du racisme, du colonialisme et de l’exploitation !