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/ Quelques éléments sur la situation suite à la mort de Rémi Fraisse
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Malgré la faiblesse des réactions et des mobilisations dans la rue suite à la mort du jeune manifestant, Rémi Fraisse, tué par la police dans le combat contre le barrage de Sivens, cet épisode impacte la situation politique nationale. La question de la violence polarise l'actualité, et le gouvernement joue la spirale de la répression pour se sortir de sa mauvaise posture en assurant le maintien de l'ordre face aux « casseurs ». La mobilisation des lycéens de région parisienne a pourtant perturbé ce scénario, en montrant une contestation de la répression qui alliait l'affrontement avec le gouvernement et un caractère suffisamment massif pour être visible à une échelle plus large que les milieux militants. A l'heure où nous écrivons cet article, nous ne savons pas si ce début de mobilisation se poursuivra mais la séquence permet déjà d'éclairer plusieurs éléments de la situation et de la place du NPA.
Un révélateur de la crise du gouvernement
La mort de Rémi Fraisse survient dans un contexte de crise politique, où le gouvernement est totalement discrédité aux yeux de la grande majorité de la population. Les sondages l'expriment à leur manière, et le dégoût des classes populaires à l'égard de ce gouvernement « de gauche » se ressent à tout les niveaux.
Ce n'est donc pas un hasard si le gouvernement tente par tous les moyens d'en finir avec la séquence Rémi Fraisse le plus vite possible. C'est parce que cela vient nourrir la crise politique et pourrait participer de son affaiblissement. Dans un premier temps, le pouvoir a donc tenté d'étouffer l'affaire en masquant pendant 48 heures les circonstances de la mort de Rémi Fraisse, tué par une grenade offensive. Puis des mesures rapides ont été prises comme la suspension des grenades offensives et des travaux du barrage de Sivens jusqu'en décembre, dans l'optique de désamorcer une colère qui pouvait rapidement prendre un caractère politique.
Et la spirale répressive à laquelle on assiste depuis plusieurs jours s'inscrit dans ce cadre-là. Le gouvernement craint très fortement un mouvement de révolte de la jeunesse, dont le décès d'un jeune manifestant aurait pu servir de déclencheur. D'où les interdictions de manifester, les interdictions de réunions (interdiction d'une assemblée générale à l'université de Rennes 2), l'arsenal répressif et la violence d’État (nez arraché au flashball, gazage et interpellations à tout va, etc.).
Un révélateur de la crise du mouvement ouvrier
Si le gouvernement peut au final s'en sortir à bon compte, la responsabilité en incombe assez largement aux organisations du mouvement ouvrier. La première initiative unitaire organisée à partir d'un cadre national et avec un caractère politique et militant a eu lieu 2 semaines après la mort de Rémi Fraisse. Car le choix des principales organisations politiques a été de se rallier pendant toute la première semaine aux différents hommages apolitiques organisés à la mémoire du jeune tué. A Paris, contrairement à ce qui a pu se passer pour la Palestine, ce n'est pas l'interdiction de manifester de la préfecture qui a pesé dans la balance (la préfecture avait laissé ouverte la possibilité d'un rassemblement), c'est bien le choix politique de faire figurer tous les représentants de la gauche au sit-in du Champ-de-Mars, sans drapeau ni prise de parole.
Dans ce cadre, la contestation a pu être rapidement polarisée par une aile plus « radicale » issue des mouvements libertaires et autonomes.
Cette situation ne peut qu’accroître le discrédit des organisations qui peut exister assez largement dans la jeunesse. Le mouvement ouvrier n'a pas su faire preuve de son utilité pour donner un caractère de contestation militante et politique à la colère qui pouvait exister suite à la mort de Rémi Fraisse, d'autant que cela pouvait englober assez rapidement le rejet plus global du gouvernement et de toute sa politique.
Une politique de parti... pour intervenir dans la situation
Le NPA n'a pas été épargné par cette incapacité globale du mouvement ouvrier. Pendant toute la première séquence, nous avons subi la situation, pris en étau entre le refus des organisations réformistes d'agir et le mouvement autonome dont les méthodes constituaient un obstacle à la possibilité d'une contestation massive et politique contre le gouvernement. Avec, au final, une indécision qui a conduit à Paris à ce qu'aucune consigne claire ne puisse être donnée et à ce que le parti ne se mette pas en mouvement rapidement. Nous avons fait l'erreur de ne pas prendre l'initiative jusqu'au bout en maintenant une mobilisation militante sur nos propres bases. Et si les camarades du courant A&R, avec les camarades du CCR, n'avaient pas organisé la participation au rassemblement de Stalingrad qui, malgré toutes ses limites, a été la seule initiative à avoir un caractère politique, nous aurions simplement rallié l'hommage apolitique organisé par Europe écologie et soutenu par tout le reste de la gauche.
La politique de notre organisation doit permettre de s'adresser à l'ensemble de notre classe sociale. A une échelle large, les manifestations lycéennes et la colère de la jeunesse sont sans doute rejetées par des secteurs du monde du travail, et la propagande du gouvernement a pu fonctionner. Cela veut dire que sur cette question, il n'est pas possible de s’exprimer de la même manière dans les entreprises, les quartiers ou les quelques secteurs de la jeunesse qui se mobilisent actuellement. Cela ne veut pas dire que nous nous adaptons à cette situation, mais qu'il faut aller à contre-courant dans nos milieux sur la question de la violence et des responsabilités du gouvernement. Mais la politique du NPA doit aussi permettre de construire la mobilisation des lycéens et des étudiants qui sont descendus dans la rue à quelques milliers.
Ce mouvement est forcément pris dans un certain nombre de difficultés objectives qu'il n’est pas possible de faire disparaître en un tour de main. La pression de la répression mais aussi de « l'opinion publique » est forte. Il s'agit de se mobiliser sur une question plus directement politique et moins unifiante ou identifiante pour de larges franges de la jeunesse. Mais il est clair aussi que les organisations du mouvement ouvrier n'ont pas aidé à donner un caractère politique et massif à cette lutte. Le NPA doit donc aussi s'en démarquer et jouer un rôle, être utile aux jeunes qui se mobilisent. Cela veut dire chercher, à partir de l'existant, à étendre et à unifier le mouvement. La question de la responsabilité du gouvernement, de construire l'affrontement avec sa politique doit être au cœur. C'est ce qui a pu être exprimé autour du mot d’ordre « Cazeneuve démission » que nous avons proposé dans les manifs. Batailler autour d'un axe démocratique simple, le droit élémentaire de manifester son désaccord dans la rue, contre les interdictions des manifestations et la répression, est aussi un aspect unifiant de la situation. Cela doit se combiner avec la prise en charge d'une campagne unitaire pour la relaxe de l'ensemble des jeunes poursuivis suite aux manifestations de ces dernières semaines, à commencer par notre camarade du secteur jeune à Toulouse qui passe en procès le 4 décembre et risque des peines très lourdes.