Sarkozy - UMP : le Bonaparte aux petits pieds

Raté ! L’événement politique du week-end dernier n’aura pas été la victoire de Sarkozy dans le vote pour la présidence de l’UMP, mais son score unanimement jugé faible, 64,5 %, alors qu’il avait recueilli vingt points de plus en 2004, lors de sa première prise de contrôle de l’appareil du parti.

L’éditorial de Libération résume l’opinion générale : « le phénix de la droite décomplexée devait survoler la compétition ; il a pataugé dans une campagne marécageuse pour terminer avec un score en demi-teinte qui l’empêche de "tuer le match". Il devait prendre le rôle de l’opposant impérieux qui installe dès son arrivée l’idée d’une alternance réglée d’avance ; il doit encore batailler deux années contre des rivaux encouragés par sa déconvenue. » L’aura du chef est écornée, la magie bonapartiste ne fonctionne plus.

Deux jours plus tôt, le Parisien publiait un sondage dans lequel 68 % des interviewéEs, 57 % des sympathisantEs de droite et 50 % de ceux de l’UMP estiment qu’il y a pour ce parti « un risque d’implosion ». Selon la même enquête, 43 % des sympathisantEs de l’UMP se prononcent pour « une alliance avec le centre », donc pour ce qui constitue désormais la « ligne Juppé », 38 % pour « l’indépendance » et 18 % pour « un rapprochement avec le FN ».

La guerre est ouverte

Autant dire que Sarkozy aura la tâche tout sauf facile. Comme le signale le Figaro, « l’ère de la primaire pour la présidentielle est désormais ouverte ». Et la droite reste plus éparpillée que jamais, entre lignes politiques en conflit et ambitions personnelles en vue de cette nomination censée assurer la victoire en 2017. Sur les rangs, l’ex hyper-président et démagogue en chef qui, avec la masse des affaires en cours et des juges qui l’attendent au tournant, évoque de plus en plus un Silvio Berlusconi ; l’ancien second, le palot Fillon, qui pour se donner de l’allure tente d’enfiler le tailleur de Margaret Thatcher ; et l’actuel favori des sondages, Juppé « le meilleur d’entre nous » dixit Chirac, qui prétend incarner l’alternance tranquille et responsable, à la Merkel ou à la Cameron ; sans compter les autres aspirants, dont Bruno Lemaire, tout émoustillé par ses 29 % obtenus ce samedi 29 novembre. Entre eux tous, la guerre est désormais ouverte.

Les plus satisfaits sont les responsables du gouvernement et du PS. Protégés du discrédit populaire par les institutions de la Ve République, dont le caractère antidémocratique n’a peut-être jamais été aussi évident, ils jubilent de retrouver un adversaire qu’ils estiment à leur mesure. Marine Le Pen n’est pas non plus contrariée, elle qui considère que Sarkozy ne pourra définitivement plus refaire au FN le coup du « vol d’électeurs » de la présidentielle de 2007. Plus généralement, l’éclatement du champ de la représentation politique bourgeoise – de gauche, frondeurs compris, de droite ou d’extrême droite – n’a depuis des décennies jamais été si manifeste.

Reste la question aussi lancinante qu’essentielle : à quand l’irruption de ceux d’en bas qui mettra un grand coup de pied dans cette fourmilière ?

Jean-Philippe Divès
Hebdo L'Anticapitaliste n° 267 (04/12/14)

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