Mobilisation au centre hospitalier du Mans

À l'image de la situation dans l'ensemble des services publics et des hôpitaux, le centre hospitalier (CH) du Mans subit les conséquences de la cure d’austérité. Il a connu ces dernières années un déficit qui a été résorbé par une politique de coupes budgétaires. Les comptes sont maintenant à l'équilibre, mais à quel prix ?

Les conditions de travail des personnels et la prise en soins des patients se sont dégradées. Les rappels de salariés pendant leurs repos ou les week-ends, la difficulté de trouver des collègues pour des remplacements contraignants, des soignants effectuant parfois des journées de 13 h, les burn-outs, les arrêts maladie, sont autant de conséquences sur la vie des salariés de l'hôpital.
Une situation qui va continuer à se dégrader

La politique du ministère de la Santé vise à poursuivre les économies budgétaires. « Ça va saigner dans les hôpitaux » selon le mensuel économique Challenges : 3 milliards d'euros devraient à nouveau être supprimés dans le financement des établissements de santé dont 860 millions sur la masse salariale, ce qui représente l'équivalent de 22 000 postes. On ne peut même pas imaginer comment les services vont pouvoir continuer à fonctionner après ces nouvelles réductions de postes...

Les cliniques devraient quant à elles profiter du sous-financement des hôpitaux publics ; lorsque l'attente aux urgences est trop longue dans les établissements publics, les patients se tournent logiquement vers ceux du privé. Une offre de soins à deux vitesses se met en place. Et c'est le patronat qui en tire bénéfice : le secteur privé récupère les patients « juteux » du public alors que ce dernier ne s'occupe que de ceux dont les pathologies ne sont pas rentables ou des patients les plus en difficulté socialement.

C'est le système de santé dans son ensemble qui est malade

Au-delà de la situation dans les hôpitaux, c'est toute l'offre de soins qui connaît un problème. L'offre de médecins dans certaines régions connaît de graves disparités ce qui conduit à engorger davantage les services d'urgence. La restructuration des hôpitaux qui a conduit à fermer de petites structures, notamment un grand nombre de maternités, provoque une concentration du flux de patients vers les hôpitaux de région ou les CHU, qui n'ont pas vu leurs moyens augmenter, bien au contraire. Cela conduit des CH comme celui du Mans à connaître de plus en plus de difficultés à recruter des médecins. Ils font appel à des « médecins mercenaires », des intérimaires qui sont payés à la journée et qui sont logiquement bien moins investis dans leur travail que des médecins titulaires.

Les soignants relèvent la tête

Si cette situation de fonctionnement à flux tendu peut être acceptée par les personnels dont la « conscience professionnelle » pèse fortement, lorsqu'on atteint des pics de soins comme en ce moment avec l'épidémie de grippe, l'acceptation et la résignation font place au sentiment de ne plus pouvoir faire correctement son travail et à la colère. Aujourd’hui, dans les services, on voit mal comment le système de santé pourrait faire face à l’apparition en France d’une épidémie comme Ebola.

Les salariés des urgences ont été les premiers à se mobiliser. Une première journée de grève a eu lieu le lundi 16 février, reconduite par une seconde le lundi 23 février. Le même jour, une assemblée générale appelée par l'intersyndicale CGT-FO-CFDT à destination du personnel a réuni une centaine de personnes. Trois actions ont été décidées - davantage par les représentants syndicaux que par les travailleurs eux-mêmes - à savoir une manifestation le jeudi 26 février, une « invitation » au conseil de surveillance de l'hôpital le vendredi 27 au matin et un nouveau rassemblement le vendredi après-midi.

La manifestation du jeudi a réuni 200 personnes mélangeant des personnels ayant travaillé le matin ou la nuit et participant à toutes les actions de l'après-midi, d’autres ayant débrayé une heure ainsi que des équipes syndicales de différents secteurs (La Poste, Renault…) venues en soutien via l'UD CGT.

L'envahissement du conseil de surveillance a réuni une centaine de personnes qui se sont adressées à la direction et au président du conseil de surveillance, le sénateur-maire PS de la ville, Jean-Claude Boulard. Le cynisme de ce dernier expliquant que « malgré les difficultés [il félicitait] les salariés de procurer toujours des soins de qualité » n'a fait qu'augmenter leur colère. Au-delà de formules générales promettant d'examiner dans les prochains jours ce qui pouvait être fait pour répondre au pic de tension, rien n'est ressorti concrètement du conseil de surveillance.

Le rassemblement du vendredi après-midi, qui n’avait pas été préparé par les syndicats, était lui plus décevant. Une soixantaine de participants, dont près de la moitié d'étudiants en soins infirmiers, y ont participé et ont diffusé des tracts aux usagers.

Un nouveau rassemblement s’est tenu le lundi 2 mars ainsi qu’une AG de l’institut de formation en soins infirmier (IFSI) rassemblant étudiants, formateurs et personnels.

Des exemples de la profondeur de la colère

Bien que les salariés du CH n'aient pas de tradition de lutte, la perspective de tisser des liens avec d'autres établissements en lutte, de construire un mouvement national, a été évoquée spontanément. Certains prenant la parole en expliquant qu'ils n'avaient fait grève que deux fois dans leur vie, lors du grand mouvement des infirmières de l’automne 1988 et... aujourd'hui. Des médecins commencent aussi à prendre la parole et à expliquer qu'ils voient régulièrement certaines infirmières en pleurs. Des décès de patients en raison du manque de personnel, des situations ubuesques aux urgences, sont maintenant le lot quotidien de chaque journée de travail. Ces situations qui restaient confidentielles auparavant sont maintenant révélées par les salariés et relayées par la presse locale.

Que faire ?

Cette première semaine de mars semble décisive pour la suite de la mobilisation. Il y a d'un côté des salariés très combatifs mais sans expérience de lutte, et de l'autre des responsables syndicaux avec un poids militant assez faible et qui ne semblent pas savoir comment (ou vouloir ?) organiser pratiquement le mouvement sur l'hôpital. Pour que la mobilisation s'inscrive dans la durée, il faut que les travailleurs puissent diriger eux-mêmes leur lutte grâce à des assemblées générales régulières permettant de discuter de la mobilisation, d’organiser des tournées d'information dans les différents services et le recensement des salariés en mouvement dans chaque unité. La question organisationnelle est d'autant plus importante que les soignants sont systématiquement assignés à leur poste lorsqu'ils sont grévistes. Ainsi, pour que l'information tourne d'équipe en équipe, de service en service, la mise en place de cadre d'auto-organisation est incontournable.

Au-delà de l'accord général contre le manque de lits, le manque de personnels et le manque de moyens, il est également nécessaire de se doter d'une plate-forme de revendications locales basée sur une évaluation précise des besoins, service par service. Cela permettrait de comptabiliser le nombre de créations de postes à exiger face à la direction.

C'est dans ce contexte que nous intervenons dans cette lutte, dans un CH qui est le principal employeur du département avec plus de 4000 salariés. Nous cherchons à tisser des liens avec les personnels pour pousser la mobilisation actuelle jusqu'à son maximum, pour exploiter toutes les possibilités, et pour accumuler des forces afin de mieux préparer les prochaines batailles. Car en effet, la situation provoquera inévitablement d'autres explosions de colère.

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