- Une pétition régionale a été envoyée dans tous les bureaux de la région. Toutes les équipes syndicales l’ont fait signer. Au total, c'est près de 70 % de facteurs qui ont signé cette pétition.
- Lors de chaque audience avec la direction, l'intersyndicale a attaqué sur la pause méridienne, mais La Poste est restée sourde au mécontentement des facteurs/rices.
- Un préavis de grève illimité du 24 février a été déposé et une manifestation régionale à Caen, devant la direction, a été prévue.
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/ La Poste, grève en Basse-Normandie : « Il y avait un avant 24 février, il y a maintenant un après »
08:43
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> Récit de Christophe Musslé, facteur à Lisieux, militant de la CGT-FAPT, membre du NPA et du courant Anticapitalisme & Révolution, qui était au cœur de la bagarre.
Fin 2014, la direction services courrier-colis (DSCC) de Basse-Normandie a annoncé son nouveau plan « réorg 2015/2016 »... Au menu : suppression de tournées, modification des horaires de livraison du courrier dans les centres, durée hebdomadaire de travail (DHT) entre 39h22 et 42h00, baisse des 4RM (véhicules quatre roues motrices) de 20 % et mise en place de la pause méridienne sur tous les sites bas-normands pour les facteurs finissant après 13h45.
L'arnaque de la pause méridienne
« La pause méridienne », voilà un terme synonyme de repos qui cache un outil pour la direction de La Poste pour faire plus de gains de productivité sur le dos des facteurs.
La pause méridienne, comme le dit son nom, c'est une pause pour se restaurer le midi. Une pause non rémunérée, du temps personnel. La DSCC Basse-Normandie l'a calculée à 45 minutes. Ce qui revient à demander aux facteurs de prendre leur service à 7h35, de revenir dans leur bureau ou d'aller dans un point de restauration à 12h00, de manger et de repartir à 12h45 pour finir leur service à 15h30. Cette pause méridienne permet aussi à la boîte de récupérer notre pause actuelle de 20 minutes qui est payée, donc de faire un gain de productivité de 20 minutes par facteur.
La direction motive cette décision par l'arrivée plus tardive des camions (décision prise par la DSCC), le caractère obligatoire de cette pause pour les facteurs qui finissent après 13h45 et par l’émergence de nouveaux services et donc de tâches à effectuer l'après-midi (sans jamais les présenter). Et quand on regarde de plus près les directives de la boîte, tous est fait pour nous faire finir après 13h45 et donc nous imposer cette pause méridienne (camions retardés, DHT élevée, etc.).
La mise en place d'un plan de mobilisation
Face à cette annonce, les organisations syndicales bas-normandes CGT, SUD, CFTC ainsi que les sections FO de la Manche et de l’Orne ont décidé de se rencontrer et une intersyndicale a vu le jour. Cette unité syndicale au niveau régional est historique en Basse-Normandie. FO Calvados et la CFDT Basse-Normandie ont refusé de se battre, préférant accompagner la direction dans sa politique.
Un plan de bataille s’est amorcé en trois phases :
A l’approche du 24 février, les équipes syndicales les plus combatives étaient sur le terrain depuis fin novembre pour expliquer les méfaits de cette pause imposée, qui cache une dégradation des conditions de travail, des cadences infernales, une perte financière (fin de l’indemnité de collation de 2 euros par jour). Localement, nous étions présents sur les neuf bureaux de notre plaque, avec des visites de bureaux régulières et répétées, des prises de paroles avec pour objectif l'affrontement avec la direction, des tracts hebdomadaires...
Tous les voyants étaient au vert au niveau de la préparation, mais le doute était là ! Jamais au niveau régional, au niveau départemental, et encore moins au niveau local, une lutte de ce type, un « tous ensemble » n'avait vu le jour.
Dans nos interventions dans les bureaux, nous faisions passer l’idée qu'il ne faut pas attendre de devoir se battre seuls contre les réorganisations que la boîte veut imposer bureau par bureau, mais qu’il faut lutter ensemble avec le même objectif car c'est la seule façon d'entrevoir la victoire.
Le 24 février : vive la grève !
Le 24 février à 6 h, nous étions à Lisieux. Les collègues de plusieurs bureaux étaient partis directement à Caen, mais nous nous avons fait le choix de faire un premier rassemblement à partir de 7 h pour montrer au directeur d'établissement (DE) que nous étions là et bien là. A 7h15 nous étions une cinquantaine de facteurs/rices et les premiers taux de grève sont tombés : 100 % sur les bureaux de Cambremer, Orbec, Honfleur et Livarot, 90 % sur Pont l’Évêque, 80 % sur Lisieux, 50 % sur Deauville, Cabourg et Dives. 70 % des tournées étaient à découvert (non distribuées). Nous avons alors pris conscience que ce mouvement n'allait pas être comme les autres.
Nous avons organisé une assemblée générale (AG) pour faire un point sur la matinée. L'AG a mandaté une délégation pour rencontrer la direction locale. La rencontre n’a rien donné, le DE local nous expliquant qu'il n'avait aucun pouvoir sur les réorganisations.
Nous nous sommes donc toutes et tous rendus à Caen, où un rassemblement gigantesque a eu lieu. Plus de 600 collègues, la direction a annoncé 1236 grévistes sur 2000 facteurs/rices. L'instant était historique et chacun en a pris la mesure. Après avoir défilé en ville, une délégation a été reçue par la direction... Mais pas par le directeur régional ! D’après ses adjoints, celui-ci était « retenu à Paris pour une réunion à caractère obligatoire ». A l’issue de cette audience, deux choses étaient claires : les DE locaux avaient la main sur les réorganisations et, surtout, l'absence du directeur régional montrait son mépris absolu pour nous.
Une AG avec plus de 500 facteurs s'est organisée devant l'immeuble de la direction régionale et la reconduction a été votée à l'unanimité. Nous nous sommes ensuite regroupés par plaque afin de faire des AG locales pour s’organiser. Sur notre plaque tous les bureaux étaient d’accord sur la nécessité de hausser le ton ! Nous nous sommes donné un rendez-vous pour le lendemain, à 6 h devant la plateforme de distribution courrier (PDC) de Lisieux.
Victoire sur la plaque de Lisieux
Le lendemain, les postiers/ères des quatre bureaux déjà en grève la veille à 100 % étaient toujours là. Le bureau de Lisieux avait toujours 80 % de grévistes. Par contre, du côté de Deauville le taux de grève avait chuté. Et pour Pont-l’Évêque, c’était la douche froide, ce bureau historiquement tenu par FO, après avoir voté en AG la reconduction de la grève, avait subi l’influence de FO et avait entièrement repris le boulot. Nous étions près de 90 présents, une AG s’est organisée pour décider du déroulé de la journée (blocage des camions, prise de parole dans le centre avec les non-grévistes, choix de la délégation pour les négos...).
La poste a utilisé son « package » habituel : huissier, Renseignements généraux, menaces. Mais les facteurs/rices ne se sont pas laissés intimider, au contraire, cela a renforcé leur envie de se battre. Pour la première fois, nous avons organisé une AG dans le centre avec les grévistes et les non-grévistes. Encore les huissiers, les menaces… J’ai pris le mégaphone et j’ai fait le point sur la veille et sur la journée. J’ai cherché à exprimer notre volonté de ne rien lâcher : « Aujourd’hui la peur a changé de camp, il faut nous rejoindre ». Cela a payé car trois non-grévistes nous ont rejoints. Les autres sont sortis prendre leur pause et discuter avec nous. Nous avons senti que le vent tournait en notre faveur. Le DE est rentré dans le bureau par une porte arrière pour éviter les grévistes !
Il a reçu notre délégation à 8h30. Après négociation, un protocole d'accord répondant à la principale revendication du personnel, à savoir le retrait de la pause méridienne, a été accepté. Une nouvelle AG de grévistes et non-grévistes (ils n’étaient pas partis en tournée et avaient attendu à nos côtés) a validé le protocole de fin de conflit que nous venions de gagner. Avec ce protocole la direction s’est engagée à proposer des horaires maintenant la fin de service maximum à 13h45, c’est-à-dire à ne pas imposer la pause méridienne. Elle s’est également engagée par écrit à revenir sur l'organisation du travail prévue à Honfleur au mois de juin et à tenir compte du protocole pour celles qui sont prévues sur tous les autres centres courrier du secteur d'ici fin 2016 (Livarot, Orbec, Cambremer, Lisieux, Pont l'Evêque, Deauville, Dives-sur-Mer et Cabourg).
L'histoire s'écrit de luttes, et les facteurs du Pays d'Auge et bas-normand en ont écrit une belle page, car cette victoire est historique. Une phrase restera gravée dans l’esprit des grévistes de ma plaque : « Il y avait un avant 24 février, il y a maintenant un après ». C’est aussi une victoire pour les usagers, car notre grève a permis de garantir une distribution matinale du courrier, et non en fin de journée, comme La Poste le souhaitait.
La lutte, ça paye
Dans le reste de la région, la plupart des négociations ont eu lieu bureau par bureau et non pas par plaque, mais beaucoup de bureaux importants ont obtenu rapidement le retrait du projet de la direction (comme à Cherbourg, Flers, Alençon, Argentan, par exemple). Certains secteurs ont continué par contre à se mobiliser car la direction ne voulait pas lâcher, notamment dans l'agglomération de Caen. La grève s'est terminée le 2 mars : la majeure partie des établissements n'appliqueront pas la pause méridienne.