1. Le gouvernement SYRIZA-ANEL a approuvé, planifié et voté le troisième memorandum en ignorant de manière provocatrice le mouvement pour le OXI et le résultat sans équivoque du référendum. SYRIZA a entrepris la mission de mettre en application une série de mesures austéritaires et de privatisations pour le bénéfice de la classe bourgeoise grecque et des classes bourgeoises d'Europe dont la pression n'a laissé aucune place à ce qui ressemblerait à « d'honnêtes compromis ». Et ce gouvernement a décidé d'imposer ces mesures quel qu'en soit le prix, comme tous les gouvernements avec la même mission : avec l'oppression, la violence policière et avec des procès contre les militants anti-memorandum.
Cette situation ne vient pas de nulle part. C'est l'issue normale et prévisible d'une gestion politique bien enracinée de l’État bourgeois et d'une politique de collaboration de classe, deux éléments qui pris ensemble ont fait que dans le bras de fer le gouvernement s'est retrouvé du côté du plus fort, celui des capitalistes. Des secteurs de la classe ouvrière sont en train de rompre avec leurs illusions sur la politique de SYRIZA et les soi-disants aspects progressistes qui seraient les conséquences de leur politique gouvernementale. Le fonctionnement propre de SYRIZA est en train d'être désintégré par les départs quotidiens de membre de sa base et de sa direction.
2. La crise de SYRIZA fait partie d'une crise plus large du système politique, qui est directement liée à la crise internationale du capitalisme, qui a eu une manifestation extrêmement violente dans notre pays. Les partis bourgeois coalisés du précédent bloc austéritaire ne semblent pas être en capacité de profiter de la crise de SYRIZA. Nouvelle Démocratie reporte sa tentative de reconstruction sous la direction transitionnelle de Meiramakis qui n'est rien de plus qu'un conciliateur temporaire de fractions opposées. Le PASOK de l'ère post-Vénizelos a perdu toute chance de revenir à sa gloire passée, malgré la tentative de la direction de F. Gennimmata de convaincre d'anciens dirigeants de l'ère Papandreou de revenir dans le parti. POTAMI, le plus jeune des partis bourgeois et celui en meilleure position, se prépare à participer au gouvernement, mais sans le potentiel de diriger un gouvernement. Personne ne se souvient de DIMAR, et l'ANEL subira probablement le même sort.
Dans ce contexte, la classe bourgeoise n'a aucune autre possibilité actuellement qu'un SYRIZA ayant subi un recentrage de classe, dans le cadre d'un gouvernement de collaboration avec des partis plus fiables.
3. Le mouvement du OXI, quelles qu'aient été les intentions de SYRIZA, a clairement montré une polarisation de classe de la société. Malgré une position initialement passive due aux illusions parlementaires, qui ont servi de diversion pour le mouvement pour un certain temps, le mouvement des travailleurs et des opprimés est revenu au devant de la scène. Il a provoqué une nouvelle cassure dans le système et laissé un héritage important pour les luttes futures contre les mesures des memoranda. Dans le cadre des possibilités que le mouvement offre, la question stratégique est d'une grande importance. La logique de l'opposition aux memoranda et à l'austérité tout en faisant l'économie d'un affrontement avec les institutions de l’État bourgeois, l'Union européenne (UE) et le capitalisme lui-même, a montré ses limites. Ce n'est pas le charlatanisme politique de Tsipras qui a mené au nouveau memorandum, mais l'idée qu'on pouvait s'en prendre à l'austérité sans s'en prendre au système. Un capitalisme en crise signifie l'austérité et des attaques contre les travailleurs, et ce sera la politique de tout gouvernement qui essaie de gérer le système, peu importe des déclarations initiales « anti-memoranda ». Aujourd'hui cela signifie qu'un front du « OXI » et même celui de « OXI jusqu'au bout », quelle que soit sa nécessité au niveau de la coordination des grèves et des luttes quotidiennes, serait complétement inadéquat au niveau politique
4. La chose la plus importante pour la gauche anticapitaliste est de dire qu'il y a une nécessité pour un nouveau cycle de mouvements sociaux, qui prolongerait les luttes des travailleurs et des jeunes des dernières années. L'unité d'action et la convergence de tous ceux qui veulent se battre est d'une importance capitale. Nous avons besoins de comités locaux, d'auto-organisation et d'une coordination centrale qui est responsable devant la base. Dans ces structures sont les bienvenus tous les courants politiques qui accepteraient de s'investir dans la lutte : le KKE (en dépit de leur refus buté), Unité Populaire, les organisations de la gauche non parlementaire, les anarcho-syndicalistes et les collectifs anarchistes. ANTARSYA avec l'héritage important laissé par son rôle central dans la campagne pour le OXI peut et doit diriger ce mouvement. Au même moment, ANTARSYA peut et doit affirmer son indépendance politique et organisationnelle, son caractère anticapitaliste et son programme. On frappe ensemble dans le mouvement, et on marche séparément politiquement – il n'y a pas de sectarisme dans le fait de vouloir incarner un pôle distinct dans le mouvement.
5. La solidarité avec les migrants et les réfugiés doit être un objectif important et central pour le mouvement. Ce sont nos frères de classe qui risquent leurs vies pour éviter la guerre et l'asphyxie économique. Les revendications d’asile pour les réfugiés, la régularisation et l'accession aux droits entiers pour tous les immigrés, l'ouverture des frontières et un logement et de la nourriture décentes sont des devoirs élémentaires de solidarité de classe. Le mouvement doit élever un mur d'unité de classe avec les travailleurs étrangers contre le racisme de l’État, de l'UE et des fascistes. Aucun espace ne devrait être laissé à Aube Dorée qui tente de faire un retour en répandant son poison raciste.
6. Le nouveau cycle de mobilisations, cependant, court le risque d'aboutir à une impasse. C'est le cul-de-sac de l'orientation patriotique interclassiste, pour le rassemblement pour « le bien du pays », comme si le pays ne contenait pas des classes antagonistes. Le cul-de-sac d'une nouvelle stratégie parlementaire qui, soyons clairs, constitue une opportunité pour certains de rester ou de rentrer au parlement. Ces voies sans issues sont exprimées il semble par le nouveau front « Unité Populaire » de P. Lafazanis.
C'est sans aucun doute une évolution positive pour UP de quitter SYRIZA, sur sa gauche, avec l'intention de résister au nouveau memorandum. Il semble que ce nouveau front aura une base militante et des liens avec les syndicats (et avec leurs bureaucraties en même temps). Mais le caractère politique de l'UP ne doit pas être jugé en fonction de leurs bonnes intentions de la même manière que le caractère politique de SYRIZA ne pouvait l'être non plus. Le front anti-memoranda, patriotique, démocratique, progressiste de Lafazanis est programmatiquement bien en deça des besoins réels des travailleurs, des chômeurs et des opprimés. Ce front s'oppose au memorandum et à l'euro, mais il ne rejette pas tout les éléments qui ont conduit SYRIZA à jurer fidélité à l'euro et aux memoranda : l'illusion gouvernementale, la gestion et la réforme de l’État, la logique de l'unité nationale, le programme électoral de SYRIZA lui-même. De plus, ce front ne semble pas être démocratique car il a l'air de copier les structures de direction et l'organisation éclatée de SYRIZA. En conséquence, en dépit des intentions déclarées, la fonction objective de l'UP est de contenir la radicalité des gens quittant SYRIZA.
7. Cette radicalisation potentielle, après l'effondrement des illusions en SYRIZA, rend possible des bonds futurs dans la conscience de classe, qui devront puiser dans l'expérience du mouvement. ANTARSYA, malgré l'orientation politique et les problèmes de fonctionnement de la dernière période, s'est débrouillée pour attirer des militants reconnus, gagner une notoriété et une audience dans le mouvement et devenir le centre et le point de référence de la gauche anticapitaliste. C'est le devoir de la gauche anticapitaliste aujourd'hui de ne pas laisser des pans de la classe ouvrière qui se radicalisent s'arrêter au milieu du chemin, comme cela pourrait être le cas avec le réformisme de l'UP. Au même moment, la gauche anticapitaliste doit inspirer et rassembler ces nouvelles couches de militants qui sont contre les négociations avec les vieux dirigeants réformistes usés par le temps.
8. Au même moment, la pression de la logique politique représentée par UP est forte à l'intérieur d'ANTARSYA également. Ce n'est pas un hasard. En fait, c'est la conséquence logique de la même stratégie qui a imposé l'alliance avec MARS et le plan B d'Alavanos (il est également notable que les premières forces à rejoindre immédiatement UP étaient les défenseurs de cette stratégie, décevant tous ceux qui dans ANTARSYA pensaient empêcher une telle fin). C'est la stratégie des fronts populaires, qu'OKDE Spartakos a depuis longtemps caractérisé et combattu. MARS n'était qu'une étape vers Lafazanis, et tous ceux qui n'ont pas réfléchi à cette hypothèse dans la période précédent devraient y regarder à deux fois. La notion du « chemin commun » était basée sur l'idée que les fronts anticapitalistes étaient périmés, qu'il y avait besoin de fronts plus larges – et qu'aujourd'hui cela pourrait être le front politique du OXI. Cette orientation n'est plus compatible avec un plan pour un pôle anticapitaliste indépendant.
9. Il est clair que la collaboration politique et électorale avec UP n'est pas possible. De toute façon il n'y a pas de langage commun en ce qui concerne le programme et c'est devenu clair lors des discussions entre ANTARSYA et UP. Cela n'est pas seulement du au refus de UP de sortir de l'UE, là où certains camarades concentraient leur critique, malgré l'importance de la lutte contre l'UE aujourd'hui. Le principal problème c'est l'orientation d'UP, qui est tout simplement un retour au SYRIZA des origines et à leur tactique gouvernementale/électorale, en rajoutant la revendication d'une monnaie nationale indépendante. La perspective d'UP est la reconstruction productive sur une base nationale, dans le cadre du capitalisme, chose avec laquelle ses principales figures sont d'accord. L'idée qu'un programme anti-austérité et anti-euro ne peut être accepté par aucune fraction de la bourgeoisie, et que donc UP se radicalisera forcément vers une orientation anticapitaliste, cette idée n'est pas plus valide que celle en janvier de dire que l'intransigeance des créanciers pousserait le gouvernement SYRIZA à la rupture et qu'il fallait soutenir SYRIZA – on a vu ce qu'il en est depuis.
Au delà de l'incompatibilité programmatique aisément prévisible, la caractère politique d'UP en soi rendrait une alliance avec eux néfaste, car cela affaiblirait sérieusement l'image anti-système et le caractère d'ANTARSYA. Les dirigeants de l'UP ont une longue histoire au service du réformisme et des bureaucraties syndicales, et notamment ils ont eu des responsabilités importantes dans l'Etat. Quatre dirigeants d'UP ont été ministres de SYRIZA pendant six mois, et à ce titre ont été impliqués dans la privatisation de la compagnie pétrolière nationale EL.PE., dans les mines d'or polluantes aux Skouries, dans les investissements de Cosco pour la privatisation du port du Pirée, l'alliance militaire avec Israel, ainsi que dans le gouvernement de collaboration avec le parti d'extrême droite ANEL et le vote pour le président P. Pavlopoulos, ancien ministre de l'intérieur de ND et responsable de la répression de 2008, tout cela suffit amplement. Pour ces raisons, nous, l'OKDE-Spartakos, avons été en déssacord avec la proposition d'une collaboration politique et électorale avec UP dès le début, même avec des prerequis politiques, et nous avons proposé de manière alternative un appel pour l'action commune dans la rue contre les nouvelles mesures.
Dans tous les cas, la collaboration avec UP n'a pas de sens également du point de vue tactique. UP, contrairement au SYRIZA de janvier, n'est pas réellement en capacité d'accéder au pouvoir, du coup personne ne leur attribue le rôle de changer le rapport de force de classe en général (même si l'on ne partage pas ce critère). De plus, la gauche anticapitaliste n'a aucune chance de gagner du poids politique en se battant pour l’hégémonie à l'intérieur d'un tel front, vu que tout est déjà décidé, les dirigeants, le nom, la direction, etc.
10. Dans les prochaines élections, la principale cible pour nous c'est l'irruption de la gauche anticapitaliste, combative et indépendante de toute forme de réformisme, utile dans les luttes à venir. Le cycle d'attentisme électoral et d'illusions parlementaires doit se refermer. Une ANTARSYA indépendante (ou espérons le élargie à des organisations révolutionnaires qui n'en sont pas encore membres), avec comme mot d'ordre le retour à la rue et la nécessité pour les travailleurs et les opprimés de se dresser sur leurs deux jambes, pour un affrontement généralisé avec le système. Cela va sans dire que si ANTARSYA opte pour une campagne électorale indépendante, les organisations et les militants qui décident de participer à UP ne peuvent plus appartenir à ANTARSYA en même temps. Il n'y a pas de place dans ANTARSYA pour ceux qui jouent sur les deux tableaux, c'est un espace pour les militants qui comprennent que le combat pour nos droits aujourd'hui signifie la guerre avec le capitalisme même.
Sans aucune illusion sur des bonds électoraux, une campagne électorale sur la base d'un programme de transition réellement anticapitaliste, avec pour but le pouvoir des travailleurs, peut mener ANTARSYA vers la gauche et permettre de dépasser les tergiversations de la période précédente. Sachant que pour la majorité de la direction cette orientation serait choisie sur la base de critères empiriques et instables, manière de faire qui est lourde de crises futures, comme on l'a vu par le passé, nous nous battons pour la formation d'un courant anticapitaliste/révolutionnaire à l'intérieur d'ANTARSYA, en accord avec la ligne générale du document collectif « pour une ANTARSYA anticapitaliste et révolutionnaire » qui a été présentée.
Déclaration d'OKDE-Spartakos (29/08/15),
traduite par Stan Miller