Le mardi 28 mai, des milliers de femmes ont brandi le foulard vert en Argentine pour exiger la légalisation de l’IVG. Une proposition de loi, soutenue par 70 députés, était lue en commission de la Chambre des députés. Il s'agit de la 8ème proposition de loi depuis 2007, mais c’est la deuxième fois que celle-ci est sérieusement discutée par les parlements bourgeois. En 2018, le premier projet de loi avait été rejeté par le Sénat, 38 voix contre 31, après avoir été adopté à la Chambre des députes, à 129 voix pour et 125 contre.
La « Marcha verde » est l’expression d’un véritable mouvement de base issu des couches les plus exploitées des femmes argentines, victimes directes de la brutalité du système capitaliste et patriarcal. Chaque année, entre 460 000 et 600 000 femmes avortent clandestinement en Argentine. D’après les chiffres officiels, plus de 100 femmes meurent chaque année à cause de complications liées à des avortements clandestins. Certains groupes de médecins pro-avortement dénoncent d'ailleurs une sous-estimation du nombre de ces décès, dont le chiffre est deux fois supérieur à celui de pays voisins comme l’Uruguay ou le Chili. Ainsi, les complications liées à des avortements clandestins sont la principale cause de la mortalité maternelle (26,7% des cas) en Argentine.
Ainsi, les femmes argentines, et particulièrement la jeunesse et les travailleuses, ont donné plusieurs « Pañuelazos » (les « coups de foulard »). Le 8 mars 2018, c’est entre 200 000 et 350 000 personnes qui ont fait grève pour le droit des femmes et particulièrement pour le droit à l'IVG. Le 13 juin et le 8 août, plusieurs milliers de femmes ont occupé, pendant plus de 24 heures en plein hiver, la place du congrès, lors des séances de débat de la Chambre des députés et du Sénat. La vieille du 13 juin, plusieurs dizaines de lycées et d’universités étaient occupés par les étudiantes et étudiants pour exiger la validation de la loi. Une véritable démonstration de force, qui leur a permis de conquérir la majorité de « l’opinion publique » : 58,5% des argentins pensent qu’une femme a le droit d’interrompre sa grossesse selon ses besoins et convictions personnelles.
Pourtant, les secteurs les plus réactionnaires du gouvernement Cambiemos, présidé par Macri (l’équivalent d’En Marche), et du péronisme (le centre-gauche nationaliste), soutenus par l’Église catholique et le Pape François en personne, ont réussi à empêcher le vote au Sénat en 2018. La « Marcha verde » se retrouve à nouveau opposée à ces secteurs, accompagnés maintenant par la gauche réformiste qui, en vue des élections qui approchent, pense qu’il ne faut pas pour l’instant aborder les sujets qui « divisent l’Argentine », par peur de perdre des électeurs.
Le mouvement des femmes en Argentine est à l’avant-garde d’une vague de révoltes dans le monde contre l’oppression patriarcale exacerbée par ce système capitaliste. Aux États-Unis, elles ont été les premières à se soulever contre Trump et aujourd’hui, elles cherchent à stopper les projets qui visent à pénaliser l’avortement, dans la continuation de ce qui a été voté en Alabama. En Pologne, les femmes ont paralysé le pays par la grève pour empêcher l’abrogation de la loi sur l’IVG. En Irlande, elles ont gagné le référendum pour dépénaliser l’IVG en ouvrant ainsi la voie vers une légalisation. En France, le nombre de féminicides recensés depuis le début de l'année 2019 s'élève à 59, ce qui montre que la lutte contre les violences sexistes et sexuelles est toujours d'une actualité brûlante.
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