Depuis deux ans le secteur social et médico-social connaît des mobilisations importantes, se succèdent des luttes locales nombreuses et des journées nationales de grèves unissant salariés du public, du privés et étudiants. Bien que contraints de prendre des mesures pour chercher à calmer la colère des salariés, le gouvernement et le patronat ont poursuivi leur politique anti-sociale. Du côté des travailleurs et travailleuses, coordonner les résistances, regrouper les équipes en luttes et proposer des perspectives de mobilisations est plus que jamais fondamental.
Mayotte : le retour des colonies pénitentiaires
Darmanin, appliquant une promesse de campagne de Macron, a annoncé le projet de lieux de « rééducation et de redressement pour les mineurs délinquants » encadrés par des militaires à Mayotte. Probablement un test pour une future application élargie. Une vision colonialiste, passéiste et réactionnaire qui rappelle les bagnes d’enfants mis en place par Napoléon III pour se débarrasser des enfants abandonnés, orphelins ou prostitués, nombreux dans les villes pendant la révolution industrielle. Confier une telle mission à des militaires, plutôt qu’à des éducateurs et éducatrices, ne répondra évidement en rien à la misère sociale du peuple mahorais, dont au moins 6000 enfants sont déscolarisés. À Mayotte, quatre habitants sur dix vivent en dessous du seuil de pauvreté local (160 euros mensuels).
C’est une volonté de mettre au pas une jeunesse pauvre, dans un contexte de réforme du Code de justice pénale pour mineurs, de transformation de la protection de l’enfance en « prévention de la délinquance », de généralisation du Service national universel pour formater la jeunesse, en partenariat avec l’armée... Ce n'est pas la violence des ados qu'il faut supprimer mais bien ce qui la génère : ce système capitaliste, impérialiste et raciste !
La rue comme lieu des luttes
L'indécence de Macron est sans limite. Alors que sa politique permet aux actionnaires et aux patrons milliardaires d'augmenter leurs richesses, alors qu'en 2017 il proclamait un objectif « zéro SDF », ce sont plus de 7000 places d'hébergement d'urgence qui ont été supprimées et 10 000 qui devraient l'être sous peu... Pourtant les demandes explosent.
Rien qu'à Paris, ces trois derniers mois, le service intégré d'accueil et d'orientation (SIAO) comptabilise plus de 10 000 personnes en attente de réponse. Parmi elles, beaucoup de femmes enceintes, de jeunes adultes et de familles avec enfants. 1658 enfants vivent à la rue en France selon l’UNICEF et la Fédération des acteurs de la solidarité ! Un pur scandale et un drame.
Mais notre camp social organise lui-même la solidarité : des collectifs comme « Jamais sans toit » à Lyon ou la fédération de parents d'élèves FCPE occupent depuis des années des établissements scolaires pour servir de refuge aux enfants. Il est urgent de réquisitionner les logements vides pour assurer un toit à toutes et tous.
Rencontres nationales du travail social en lutte
En parallèle, les conditions de travail sont très dégradées pour ceux et celles qui accueillent les plus précaires. Cet été, dix employés d'un centre d'hébergement d'urgence de Bagnolet (93), géré par un sous-traitant de l'association de « soutien aux publics fragilisés » Coallia, ont mené une grève dure de quinze jours pour exiger les salaires qu'ils ne touchaient plus depuis cinq mois ! Leur lutte a permis de récupérer l'argent et, pour neuf travailleurs sans-papiers, d'obtenir des CERFA de demande de régularisation. Cette grève exemplaire montre bien la réalité des « entreprises du social » !
Face à la politique gouvernementale et à celles des employeurs, les travailleurs et travailleuses ont démontré leur capacité à se rassembler dans l'action avec des grèves historiques. La neuvième édition des Rencontres nationales du travail social en lutte, les 8 et 9 octobre à Aubervilliers sera l'occasion de poursuivre le regroupement des luttes et leur coordination à l'échelle nationale.
Les travailleuses et travailleurs du social et médico-social ont déjà su se saisir des dates initiées par ce cadre d'auto-organisation, qui force les organisations syndicales nationales à relayer ses initiatives. Ces rencontres doivent permettre de tirer un bilan des mobilisations, de l'application inégale du Ségur et du niveau de colère des personnels exclus de ces primes ou augmentations, de parler de la marchandisation, de la multiplication des attaques sur le système de solidarité... et surtout de la stratégie de lutte pour gagner.
Correspondants