Philippe va plus loin dans Sud Ouest le 27 janvier 2023 : « La formation d’un outil commun avec des camarades de LFI, voire d’EELV, est notre chantier. Il se passe des choses dans toute cette gauche, on pourrait même aller jusqu’aux forces militantes du PS, où certains sont très mécontents. » S’il y a bien une chose qu’on peut lui reconnaître, c’est une clarté sans faille lorsqu’il s’agit de justifier la scission qu’il a engendrée, à la différence de ses camarades qui continuent de noyer le poisson.
Dans une contribution datée du 16 avril 2022, un membre de la direction du NPA, militant à Toulouse, écrivait : « Nous maintenons le fil rouge de la construction de partis révolutionnaires à vocation de masse. C’était le sens du détour tactique que nous avons pris à la construction du NPA en dissolvant la LCR. Mais force est de constater aujourd’hui que le NPA a échoué. Il n’est plus tenable, dans la situation que nous connaissons, de continuer à prétendre face aux masses que nous représentons le chemin vers la construction de ce parti. Il faut de nouveau prendre des détours. »
Le 24 décembre 2022, dans une interview à Mediapart, l’ancien dirigeant de la LCR François Sabado justifiait la décision sous l’angle d’une erreur ou d’encore une fin de période : « on s’est trompés de perspective […] On a fait une erreur de contournement […] cette tendance a vouloir se substituer aux forces politiques de gauche n’a pas marché ». Ce constat amer résume à lui seul non pas l’échec du NPA, mais celui de l’orientation d’une partie de sa direction, basée sur l’abandon dans les faits de l’hypothèse de la grève générale comme modèle le plus probable de la révolution socialiste dans les pays impérialistes.
Un bilan à tirer
Les tendances et des fractions au sein du NPA ont été un bon prétexte pour masquer les responsabilités de la direction historique de la LCR et du Secré-tariat unifié de la Quatrième Internationale (QI). Le noyau de direction historique a perdu le NPA et a préféré le brader pour mener tranquillement sa politique de rapprochement avec la NUPES. À force d’esquiver toutes les discussions, il se trouve aujourd’hui à l’assumer en courant à toute vitesse derrière les réformistes, dans une situation où il n’a pas grand-chose à apporter en retour, au-delà de l’accès à la presse de ses porte-parole. Ce bilan de quatorze ans d’existence, c’est d’abord celui que le courant issu de la majorité de l’ex-LCR a refusé de tirer à maintes occasions, d’Alain Krivine à Olivier Besancenot.
Ce bilan est une mise en échec majeure du projet de « partis larges », d’une « nouvelle force pour les exploités et les opprimés », ou aujourd’hui d’une « gauche de combat ». Dès sa création en 2009, le flou a été entretenu sur ses délimitations stratégiques – illustré par le refus d’une courte majorité de faire apparaître le mot « révolutionnaire » dans le nom de notre organisation. Le NPA a connu une crise d’orientation quasi permanente, allant jusqu’à l’éclatement de la direction historique de la LCR avant l’élection présidentielle de 2012, avec la naissance de la Gauche anticapitaliste (GA, future Ensemble).
Mais avec le NPA, l’affaire a été plus coriace car elle a rencontré plus d’opposition, jusqu’à la remise en cause des appels à voter pour la FI et le PC aux législatives, avec les candidatures « Urgence Révolution » portées par des camarades de Bordeaux, des Hauts-de Seine et de Lorraine.
Pour ce qui concerne le courant Anticapitalisme et Révolution, nous avons tenté, à notre échelle, d’arrimer notre parti aux idées marxistes révolutionnaires. Nous revendiquons toujours les démarches de la position B en 2009, de la position 2 en 2011, de la positon Y en 2013, de la position 3 en 2015, de la plateforme A de la conférence nationale de 2016. Toutes ces tentatives pour proposer une orientation commune au sein du parti n’ont pas été vaines.
D’abord, elles nous ont bien convaincus du creuset qu’a représenté la possibilité que des courants d’extrême gauche, issus d’histoire et de traditions différentes, soient organisationnellement liés, menant leurs débats et confrontant leurs désaccords au sein de leur organisation et à la lumière de ce que chacune et chacune mettait en pratique. En quatorze ans, nous avons rapproché nos courant bien plus vite qu’en plusieurs décennies à se côtoyer à chaque étape de la lutte des classes.
Nous en avons tiré le bilan que nous formions une force dans le NPA, attachée à la construction d’un parti pour la révolution de demain et pour l’action révolutionnaire immédiate.
Nous imaginons que les camarades qui sont partis estiment que la période est trop marquée par un rapport de force favorable à la bourgeoisie. C’est là-dessus qu’ils et elles s’appuient pour défendre l’idée qu’une inversion de la situation ne pourra se faire sans « alternative politique ». Dans une résolution politique du Comité politique national (CPN) des 29 et 30 avril 2017, ces mêmes camarades écrivaient : « L’absence d’un parti représentant les intérêts des exploitéEs et des oppriméEs laisse les mains libres aux ennemis des classes populaires. [...] Mais nous voulons aussi, au-delà de ces luttes, tracer la voie du rassemblement dans une même force politique autour d’un programme anticapitaliste, de rupture révolutionnaire avec le capitalisme et avec ses institutions, qu’elles soient nationales ou européennes. Nous voulons débattre de ce projet avec toutes celles et tous ceux qui cherchent la voie de ce rassemblement nécessaire, certes des organisations ou groupes militants constitués, mais surtout en nous adressant, en rencontrant dans des réunions ouvertes des militantEs du mouvement social. La refondation d’un projet politico-social et idéologique alternatif à ce capitalisme destructeur de droits sociaux et de l’environnement ne sera crédible et attractive que si elle émerge de pratiques pluralistes et démocratiques, ancrées dans les réseaux militants, rejetant la subordination des mouvements sociaux aux partis politiques – donc en inventant une redéfinition radicale du «politique». » Aujourd’hui, en pleine mobilisation sociale, ces camarades enchaînent les meetings avec la NUPES. Ils et elles ont quitté le NPA pour avoir les mains libres et mener cette politique mais sans jamais l’assumer devant un congrès.
Ce n’est qu’un début, le combat continue !
Ils et elles n’ont pas réussi à s’arroger l’entière légitimité du NPA, car à force de renoncement à s’implanter au sein des entreprises et dans la jeunesse, en y défendant une orientation contre l’exploitation et les oppressions, à force de remiser la révolution aux calendes grecques et de refuser d’assumer un rapport clair avec les réformistes, ces camarades n’ont pas construit autour d’elles et eux. En revanche, tous les militants et militantes de l’organisation attachés à la construction d’un parti révolutionnaire, utile à la lutte des classes, implanté et non pas hors-sol et commentateur, bien au-delà des seuls courants organisés, ont trouvé dans les propositions des camarades initiateurs de la PF5 à la conférence nationale de juin 2021, de la tribune des législatives, de la PFC, des militantes et des militants crédibles et légitimes, avec qui poursuivre le chemin d’un NPA révolutionnaire et assumant la perspective du communisme.
Un parti révolutionnaire reste indispensable à la construction au jour le jour du rapport de force face à la bourgeoisie et pour notre émancipation. Ces vingt-cinq dernières années, partout où les travailleurs, les travailleuses et la jeunesse se sont mis en mouvement, il a manqué de révolutionnaires, de militantes et militants convaincus que leur action et leur détermination à agir pour inverser le rapport de force sont des éléments centraux, et qu’elles sont la meilleure préparation à l’irruption spontanée des masses.
En plein bouillonnement social et à la veille de nouvelles journées de grève contre la réforme des retraites de Borne, contre l’augmentation du coût de la vie et des bas salaires, pour le droit à vivre dignement et s’émanciper, nous faisons le constat que les courants révolutionnaires ne sont pas voués à s’entre-déchirer. Nous avons réussi, à ce stade, avec les camarades des autres courants et sensibilités restés à nos côtés, à distinguer les désaccords secondaires, qui n’entravent pas l’action commune, de ceux qui sont plus profonds. Ces discussions ont été et seront encore une condition essentielle pour réussir à regrouper sur la base d’un accord réel. Celui-ci se constitue progressivement, et par une confrontation constante entre la théorie et la pratique ; il ne se nourrira pas seulement d’un accord sur des idées fixées sur le papier, mais aussi d’une confiance militante, construite sur la base d’une expérience commune et de discussions de fond permanentes.