Le Premier ministre indien a fait sa tournée en Europe et au Canada où il a tenté de représenter dignement l’image d’un pays émergent.
Selon les Échos, Narendra Modi a signé pas moins de 17 accords lors de sa visite en France, dans des domaines comme le nucléaire, le ferroviaire, le spatial, la culture, l’environnement et le tourisme. La plupart de ces accords, sans traduction économique immédiate, recouvrent d’énormes enjeux, comme par exemple les études pour la construction de réacteurs EPR sur le site de Jaitapur avec Areva qui va de pair avec l’achat d’uranium au Canada.
La presse française a principalement retenu l’achat de 36 avions Rafale à Dassault. Au sein même du BJP, le parti de la droite nationaliste hindouiste, des voix se sont élevées contre le projet d’achat de Rafale sans transfert de technologies. Ces avions devaient être assemblés en Inde. Même si cela semble aller à l’encontre du programme de « Fabriquer en Inde » promis par Modi, il s’agit sans doute d’un pragmatisme pour obtenir des avions à court terme.
Les pays asiatiques se sont lancés dans une course à l’armement et continuent de développer leurs capacités militaires. L’Inde n’est pas en reste. Ses relations sont tendues avec ses voisins : le Pakistan sur le problème du Cachemire et du terrorisme, la Chine avec l’accès à l’eau de l’Himalaya et la construction de barrages sur le Brahmapoutre. L’armée de l’air indienne aurait un « besoin opérationnel crucial ». Le budget de l’équipement représente 38 % des 37,4 milliards d’euros du budget annuel militaire pour 2015/16, soit 1,8 % du PIB de l’Inde. Au cours des 10 prochaines années, ses dépenses dans la défense et les infrastructures devraient atteindre 1 875 milliards d’euros.
La croissance indienne et ses ratés
Alors que la croissance dans le monde est estimée à 3,5 % pour cette année, celle de l’Inde serait créditée de 8 %. Le Fonds monétaire international a salué le projet de budget 2015/16 du gouvernement indien, y trouvant un « bon équilibre » entre croissance et finances publiques. Le gouvernement indien a promis d’alléger les contraintes bureaucratiques pour les industriels, une réforme du travail et une augmentation des plafonds de participation par les groupes étrangers dans la défense, l’assurance et la construction.
Le secteur informel et non salarié représente plus de 85 % du marché du travail en Inde. Le droit du travail et la protection sociale ne concernent qu’une faible minorité de la population active, composée de salariés/ées des grandes entreprises et d’agents publics. C’est donc le secteur organisé que la réforme du travail vise, afin de donner des gages aux industriels, notamment sur les facilités de licenciement.
Pour accélérer le développement des villes, des routes et des couloirs industriels et d’usine, le gouvernement veut réviser les lois d’acquisition foncière. Parmi les paysans pauvres, le mécontentement monte, en particulier à cause de la désespérance et des suicides parmi les petits cultivateurs qui ont augmenté dans différents États. Les paysans sont pressés par le prix des semences, la réduction des subventions et de l’investissement publics dans les zones rurales. La récolte des premiers mois a été gâchée par des pluies exceptionnelles. Même de riches fermiers et partisans de Modi demandent le retrait du projet de loi d’acquisition de la terre en discussion cette semaine.
L’envers du décor de « l’Inde qui brille »...
Christine Schneider
dans l'hebdo L'Anticapitaliste n° 286 (23/04/15)