Des militantes et militants exclus lors de leur conférence de presse |
Nous reproduisons ici le communiqué des membres exclus d'Anticapitalistas (section espagnole de la Quatrième Internationale - secrétariat unifié) diffusé lors de la conférence de presse du 8 avril qui visait à rendre public leur situation. Nous leur exprimons toute notre solidarité.
Les collectifs d’Almeria, Grenade, Malaga et les militantes et militants de Cordoue, Jaen et Séville du parti Izquierda Anticapitalista (IA), transformé récemment en mouvement politique sous le nom d’Anticapitalistas, nous dénonçons l’exclusion de la moitié de l’organisation andalouse, sachant que certaines et certains construisaient ce courant politique depuis presque 15 ans. Le 21 février dernier, lors de la réunion de constitution de la nouvelle direction confédérale d’Anticapitalistas élue lors du dernier congrès, fut présentée et adoptée majoritairement une résolution qui excluait de facto la moitié d’Anticapitalistas Andalousie.
Une exclusion non statutaire et autoritaire
Notre exclusion n’a pas respecté les règles prévues par nos statuts. La résolution adoptée à la coordination confédérale du 21 février dernier n’a même pas été envoyée en amont pour que l’ensemble des militants en prennent connaissance afin qu’elle soit débattue par les instances de base. Les communiqués qui condamnent ce qui s’est passé, élaborés et signés par différents collectifs régionaux et des camarades qui sont toujours membres d’Anticapitalistas n’ont également pas été envoyés aux militants.
Toutes les garanties démocratiques nous ont été réfusées : on ne nous a pas informé, un mois à l’avance, comme le prévoient nos statuts, de la proposition d’exclusion et cela afin que nous ne puissions pas nous défendre (art 4.13. « N’importe quel membre ou instance susceptible d’être sanctionné doit en être informé(e) au moins un mois avant que les accusations ne se formulent à son encontre, afin de garantir sa défense et qu’il puisse répondre à ceux qui l’accusent. Ils pourront se faire accompagner d’une ou deux personnes de leur choix »)
On nous a constamment refusé la possibilité de nous adresser à l’ensemble des militants en rendant effective notre exclusion dès la première minute, en nous excluant de toutes les listes de diffusion d’Anticapitalistas, jusqu’au point d’être exclus physiquement de la réunion de la coordination confédérale dont trois d’entre nous faisions partie.
Pourquoi nous a-t-on exclu ?
Nous avons été exclus pour avoir refusé l’accord de couloir entre Teresa Rodriguez et Pablo Iglesias, accord qui a abouti à une liste conjointe pour les élections au conseil citoyen Andalou de Podemos. Accord qui fut minoritaire au sein du secteur critique de Podemos Andalousie. On nous a exclu pour avoir défendu un Podemos qui refuse de payer la dette, défend la réforme agraire ou simplement propose d’exproprier les banques qui sont responsables de la crise. On nous a exclu parce que nos positions étaient majoritaires au sein de l’exécutif andalou d’Anticapitalistas (Secrétariat Politique Andalou).
Aujourd’hui on voit les conséquences de cet accord : un manque de clarté de la part de Podemos concernant le refus de l’investiture de Susana Diaz. Les supposées lignes rouges ne font que générer des illusions alors qu’elles n’empêcheront pas au PSOE-A de poursuivre sa politique austéritaire. Ce n’est pas ce que les Andalous et Andalouses ont exprimé en votant pour Podemos le 22 mars dernier.
La conséquence de cela a été notre participation à Andalucia desde abajo[1] (Andamos), courant qui s’est organisé en regroupant tous les militants de Podemos Andalousie opposés au Pacte avec Claro que Podemos[2] et Pablo Iglesias, et ainsi rendre visible des idées politiques et organisationnelles alternatives pour l’ensemble de Podemos Andalousie. Ce secteur qui est issu des nombreuses candidatures alternatives à celles de Claro que Podemos lors des élections internes aux conseils locaux[3] - comme c’est le cas pour Séville et Malaga - a demandé à de multiples reprises à Teresa Rodriguez de prendre la tête d’une liste alternative élaborée par en bas. La réponse de Teresa Rodriguez fut d’opter pour l’accord avec Pablo Iglesias, en passant un accord pour qu’elle soit secrétaire générale au sein d’un conseil citoyen[4] où elle se retrouve en minorité. C’est le point de départ de la constitution de Andalucia desde abajo pour ainsi rendre visible un discours différent de celui de la direction nationale de Podemos.
Avec l'avancée du calendrier électoral Andalou, Andalucia desde abajo a décidé de participer aux primaires internes de Podemos avec la constitution d’une liste de candidats et candidates pour le gouvernement andalou, obtenant 15 % de votes. Nous continuons à défendre la constitution des listes de Podemos à la base, à partir du débat des cercles, des primaires ouvertes, sans listes « plancha »[5] comme nous continuons à revendiquer les axes politiques du paiement de la dette, une banque publique sous contrôle social, la réforme agraire, l’interdiction des licenciements pour les entreprises qui font des profits, le droit à l’autodétermination des peuples... C’est pourquoi, par cohérence et par opposition la plus absolue avec les listes élaborées dans les salons, sans débat politique et uniquement pour se répartir les responsabilités, nous continuons à défendre ces axes politiques et organisationnels au sein de Podemos.
D’autres raisons pour notre exclusion
Mais cette exclusion, qui a été justifiée dans la chaleur d’un débat qui aurait dû se résoudre au sein de Podemos, n’est pas juste dû à cela. Depuis des années, avec d’autres camarades de différentes régions, nous défendons des positions politiques alternatives à celles de l’actuelle direction d’Anticapitalistas : nous mettons l’accent sur la nécessité de rompre avec le capitalisme en s’implantant prioritairement dans les entreprises et la jeunesse, en renforçant les luttes et leur unification, qui doivent constituer à la fois des moments de politisation et de changement des conditions de vie, de la lutte la plus élémentaire contre les expulsions jusqu’à la construction d’une société libérée de toute forme d’exploitation et d’oppression. C’est pour cela que lors du dernier congrès nous avions constitué au niveau national avec d'autres camarades d'Anticapitalistas une tendance pour le congrès.
Cette tendance a présenté un document politique alternatif qui a recueilli le soutien de 20 % des militants, dans des conditions de débat fortement antidémocratiques (obstacles au moment des déplacements pour défendre notre plateforme alternative dans les assemblées générales électives régionales...). La transformation d’ Izquierda Anticapitalista en un mouvement politique (Anticapitalistas) suppose, de notre point de vue, un tournant dans lequel l’activité politique est simplement dirigée vers des batailles électorales et institutionnelles. Nous partageons la nécessité de construire Podemos mais pas avec le seul objectif de se présenter aux élections. Nous défendons le besoin d’un Podemos qui mette au centre l’organisation et la lutte à la base pour véritablement imposer des politiques dirigées pour et par les travailleurs et travailleuses.
Nous croyons qu’il n’est pas possible d’imposer un programme pour ceux et celles d’en bas, sans la mobilisation soutenue, sans une grève générale qui permette à celles et ceux qui produisent de diriger et contrôler cette société et ses richesses. Il n’est pas possible de résoudre cette situation d'urgence sociale sans poser le refus de payer la dette, ce qui ne s’obtient pas à coup de décret, mais par la conviction du besoin de s'organiser dans la rue avec un mouvement de l’ensemble de ceux qui produisent les richesses.
Renforcer la démocratie dans nos organisations
Nous voulons que notre point de vue au sujet du besoin de pluralité au sein des organisations auxquelles nous participons soit clair, que ce soit Anticapitalistas ou Podemos. Nous construisons Podemos et nous le faisons en défendant la démocratie interne, donc dans le cas d'Anticapitalistas cela n'allait pas être différent. Nous participons à Andalucia desde abajo car nous pensons qu'il faut renouer avec le Podemos qui s'est nourrit des mobilisations de la dernière période (15M, grèves générales, « Stop desahucios »[6], « mareas »[7]...), aussi bien au niveau politique, avec des revendications initiales comme la nationalisation et socialisation des banques et des secteurs énergétiques, la répartition du travail, le non paiement de la dette, le droit des peuples à décider de leurs avenir qui figuraient dans le manifeste « Mover ficha » qui a servi pour le lancement de Podemos et de les approfondir pour en finir avec les conséquences de la crise d'un système qui sert une minorité au détriment de la majorité, comme au niveau organisationnel, en renouant avec les cercles et la construction à partir de la base comme seul mécanisme pour arriver à une véritable transformation de la société.
Perspectives
Nous n'avons pas annoncé notre exclusion avant et cela pour deux raisons : en premier lieu, parce que nous ne voulions pas parasiter les élections au parlement andalou du 22 mars et fragiliser Podemos ; en second lieu, parce que nous attendions la réponse de la commission de garanties et contrôle d'Anticapitalistas, laquelle s'est réunie le 7 avril dernier et que nous avons saisi voilà plus d'un mois où nous demandions la réintégration des camarades exclus.
L'exclusion ne signifie pas que nous arrêtions de faire de la politique, bien au contraire. Nous allons continuer à construire les mouvements et les luttes qu’elles soient dans les quartiers, les lieux de travail ou d'étude, nous continuerons à participer et renforcer Podemos, ainsi qu'Andalucia desde abajo. Dans un futur proche, si nous n'étions pas réintégrés dans Anticapitalistas, nous nous doterions d'un outil politique et organisationnel propre qui regroupe tous et toutes les exclus, mais pas seulement, et qui soit compatible avec Podemos et ses documents éthiques et organisationnels adoptés à la dernière Assemblée citoyenne du mois d'octobre.
Quelques considérations finales
Nous disons clairement que notre exclusion est la conséquence de la défense de positions politiques au sein de Podemos différentes de celles de l'actuelle direction d'Anticapitalistas et de Teresa Rodriguez elle-même. Nous sommes surpris que cette exclusion intervienne précisément au moment où IA n'est plus un parti au sein de Podemos. Nous sommes interpelés par le fait que l'on règle des divergences politiques internes, qui sont le fait de débats, par des exclusions. Cela nous semble contradictoire avec l'idée que nous avons souvent défendue les camarades d'Anticapitalistas, idée qui consiste à défendre le maximum de pluralité et de démocratie au sein de Podemos.
Malaga, le 8/04/15
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[1] Andalucia desde abajo qui veut dire : « Andalousie par en bas »
[2] Claro que Podemos est le nom sous lequel se présente le secteur de Pablo Iglesias au sein de Podemos.
[3] On parle de « consejos municipales ». Il s'agit des directions locales de Podemos dans les différentes villes, les exécutifs.
[4] Le Conseil Citoyen, c'est l'exécutif de Podemos. Dans le cas présent en Andalousie.
[5] Liste « Plancha » : il s'agit de liste collective fermées où l'on est obligé de voter pour l'ensmeble des membres qui la compose.
[6] « Stop desahucios », il s'agit des collectifs qui luttent contre l'expulsion des logements.
[7] « Mareas », il s'agit des regroupement des secteurs en lutte, surtout dans la fonction publique, contre les politiques d'austérité. La marée verte (éducation), blanche (santé)...