Après le 9 avril, comment se pose la question des suites ?

Non, malgré l’ampleur des coups portés aux classes populaires par le gouvernement, il n’y a pas eu de raz de marée à l’occasion de la « journée de grève et de manifestation » du 9 avril. Oui, les arrêts de travail, là où il y a eu effectivement appel à la grève, volonté de la construire, sont le plus souvent restés minoritaires, fréquemment réduits aux seules équipes militantes. Mais avec plus de 300 000 manifestants recensés dans toute la France par les syndicats, cette première journée de mobilisation unitaire et interprofessionnelle depuis plus d’un an a été la plus grosse manifestation d’opposition ouvrière au gouvernement socialiste.

Et surtout, dans un climat social marqué par un regain des mouvements de grève, en particulier pour des augmentations de salaire, cette journée a été perçue comme un succès par ceux et celles qui se sont réellement investis dans sa préparation. Cela la distingue des journées d’action initiées par la CGT en 2014, alors peu prises en charge par des équipes militantes démoralisées, dans un contexte où primait l’idée que ça ne servait à rien.

La CGT et le 9 avril

Nous n’avons pas d’illusion sur les raisons profondes pour lesquelles la direction de la CGT a posé cette journée d’action, même s’il y avait pour elle un véritable enjeu à réussir une démonstration de force de sa centrale à cette occasion. C’est pour cette raison que l’échéance a été annoncée près d’un mois et demi à l’avance, mais c’est aussi ce qui explique qu’elle ait cherché à privilégier la manifestation nationale à Paris, au mépris du cadre intersyndical qu’elle avait contribué à constituer, plutôt qu’un enracinement de l’action par des manifestations « décentralisées ». Pour elle, il s’agissait avant tout d’asseoir la crédibilité de son nouveau secrétaire général, suite à la crise sans précédent ouverte à l’occasion de l’affaire Lepaon.

Mais il s’agissait tout autant de faire taire l’avalanche sans précédent des critiques publiques exprimées en son sein contre l’orientation confédérale, en proposant enfin une journée d’action d’envergure nationale, rendue nécessaire, y compris du point de vue de son appareil, par la multiplication des luttes partielles et locales. De fait, l’annonce d’une telle journée était aussi une réponse à l’aspiration profonde à en découdre avec ce gouvernement d’équipes syndicales de plus en plus nombreuses. Ce qui a été largement démontré par le regain d’activité militante qu’on n’avait pas vu depuis bien longtemps, au travers de distributions de tracts et de collages d’affiches.

Et maintenant ?

La réussite du 9 avril constituait donc une véritable invitation à lui donner le plus rapidement possible « une suite », seul moyen de rester sur l’élan donné par cette journée, pour chercher à l’amplifier, comme cela se fait dans toute mobilisation qui se donne réellement l’objectif de gagner.

Et c’est précisément ce qui s’est exprimé dans l’appel à tous ses syndicats et syndiqués lancé par le congrès de l’UD CGT de Seine-Maritime, dès le lendemain du 9 avril. Dans leur appel, les congressistes affirment que « faire reculer la politique antisociale du gouvernement et du patronat nécessite la construction d’un puissant rapport de force à la hauteur des attaques […]. Sans exclure d’autres formes d’actions, un mouvement de grève et de manifestations prolongé, dans l’unité, avec le blocage de l’économie du pays nous permettrait d’y arriver. Le succès du 9 avril est un premier pas qui ne peut pas rester sans lendemain […]. Une nouvelle journée de grève générale de 24 h autour de la mi-mai pourrait constituer une nouvelle étape d’une stratégie pour gagner sur nos revendications ».

On retrouve la même préoccupation dans l’adresse de l’UD CGT des Hauts-de-Seine aux syndicats et sections syndicales du département lorsqu’elle affirme : « La grève et les manifestations du 9 avril nous ouvrent de nouvelles perspectives […]. Regardons maintenant comment amplifier ce succès en utilisant chaque point d’appui créé par notre mobilisation ! […] Si pour bloquer ce gouvernement, il faut bloquer ce pays, alors le plus tôt sera le mieux […] en travaillant à la convergence interprofessionnelle des diverses luttes professionnelles […]. Construisons la grève générale, en cherchant à généraliser les grèves particulières ! […] Il est indispensable que l’unité d’action syndicale réalisée pour la grève du 9 avril se prolonge et soit force de proposition pour de nouveaux appels à la grève en mai et juin et qui permettront de bloquer la politique d’austérité du gouvernement […] ».

C’est à ces préoccupations que tourne le dos la façon dont se mènent les discussions nationales unitaires sur les suites à donner au 9 avril. Après n’avoir offert comme prolongement que la préparation du 1er mai, ce qui se profile, c’est l’annonce d’une nouvelle journée d’action en juin, alors que la loi Macron aura déjà été votée, que celle relative au « dialogue social » sera déjà en discussion au Parlement et la dynamique du 9 avril délibérément brisée.

Multiplier des prises de position d’instances syndicales, voire d’assemblées de travailleurs, dans la veine de ce qui a été fait en Seine-Maritime ou dans les Hauts-de-Seine, afin de prendre des initiatives pour contrer l’inertie des directions syndicales, aurait évidemment nécessité une forte implantation des révolutionnaires dans la classe ouvrière.

Reste aujourd’hui à prendre appui sur les luttes et mobilisations qui vont se multiplier, en raison de la politique gouvernementale, pour faire à nouveau progresser l’idée de la nécessaire convergence des travailleurs en lutte, seul moyen de créer les conditions d’une grève reconductible, d’une épreuve de force.

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