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Publié dans la revue A&R /
Stratégie
/ État espagnol : un pas de plus vers la construction d'un front anticapitaliste et de classe
Le 2 avril s’est tenue à Madrid la deuxième rencontre « No hay tiempo que perder » [« Il n’y a pas de temps à perdre »] pour une alternative politique anticapitaliste et de classe à la crise du régime de 1978. Elle a réuni 120 participants, après la tenue d’une série d’assemblées locales. Cette rencontre a adopté un document programmatique et une résolution organisationnelle fixant un calendrier pour avancer dans ce nouveau projet. Nous reproduisons ici un article de nos camarades d’Izquierda Anticapitalista Revolucionaria (IZAR).
A ce jour, « No hay tiempo que perder » (NHQTP) est principalement composé de courants politiques de la gauche anticapitaliste et révolutionnaire de tout l’Etat espagnol, et de petits groupes en rupture avec Podemos et Izquierda Unida-Unidad Popular (IU-UP). NHQTP est né d’une part de la nécessité d’unifier une intervention des anticapitaliste dans la lutte des classes, et d’autre part, de celle de proposer une alternative au réformisme aux secteurs de la population qui subissent la crise de plein fouet.
En tant que militants qui participent à NHQTP, nous sommes conscients que la majorité des personnes qui ont participé ou voté pour Podemos ces deux dernières années n’ont pas encore rompu avec cette organisation, bien que de nombreux secteurs aient été déçus. Cependant, la rapide évolution de Podemos vers la gestion du système, comme l’a fait par le passé IU, accélère dans de larges franges militantes la frustration et la démobilisation. Le dernier épisode de cette politique est la tentative de former un gouvernement avec le PSOE, en cédant sur le programme de façon scandaleuse, ce qui montre clairement que la direction de Podemos est davantage tentée de gouverner à tout prix que de rompre avec le régime de 1978.
Les expériences d’alliances dans les municipalités dites du « changement » commencent à montrer de fortes contradictions, et elles s’opposent déjà aux travailleurs et aux organisations qui portent des revendications telles que la remunicipalisation des services publics, ou encore l’amélioration des contrats pour leurs salariés comme on a pu le voir dans le cas du métro (TMB) à Barcelone. En outre, les organisations réformistes montrent clairement qu’elles ne sont pas des outils utiles pour renforcer et construire la mobilisation.
Leur priorité est sans aucun doute la politique dans les institutions, et leur intervention privilégiée se situe sur le terrain électoral : aucune initiative pour que les conflits existants aboutissent à des victoires, aucune orientation pour que ces luttes isolées puissent converger et s’étendre, aucune dénonciation de la responsabilité que portent les directions syndicales dans la blocage d’une possible mobilisation d’ensemble au niveau de l’Etat, y compris lors de luttes de travailleurs syndiqués dans leur propre organisations syndicales comme dans les cas de Coca-Cola ou Panrico.
L'importance de l'unité des révolutionnaires dans la lutte des classes
Dans ce contexte, et en fonction des forces existantes, il est important que les mouvements de la gauche anticapitaliste et révolutionnaire de l’ensemble du pays qui disposent d’une certaine réalité dans quelques régions, tentent d’unir leurs forces dans le but d’avoir un plus grand impact dans la lutte des classes.
Il ne suffit pas de critiquer les organisations réformistes : il est indispensable de commencer à dessiner une alternative politique qui nous permette de nous positionner dans des débats sur des questions telles que le non-paiement de la dette, la nationalisation des banques et des secteurs stratégiques, l’abrogation de toutes les réformes du travail, et bien d’autres questions qui ont traversé le cycle de mobilisation ouvert depuis le 15M [Ndt : mouvement des indignés] mais qui ont disparu de la scène politique, principalement après l’émergence de Podemos.
L’unité des révolutionnaires et anticapitalistes n’a jamais été une tâche facile. [...] De nombreuses initiatives unitaires, similaires à ce qui s’est forgé non seulement dans l’Etat espagnol mais dans le monde entier, ont rencontré de sérieuses difficultés à se cristalliser et à faire des pas en avant. Notre construction ne devrait pas chercher à approfondir nos différences, mais tout au contraire à trouver des terrains communs et à les développer. Ce sera à partir de cette pratique commune, de cette intervention conjointe autour des orientations que nous partageons, qu’il sera possible d’aborder les débats contradictoires d’une manière plus mature et beaucoup plus productive.
Nous devons garder à l’esprit que nous connaissons une situation politique complexe. Les expériences ouvertement réformistes et les divers processus qui émergent dans leur sillage, comme le Plan B de Varoufakis, génèrent de fortes illusions dans une partie importante de la classe ouvrière et de la jeunesse.
Une alternative politique pour intervenir dans la lutte de classe telle que NHQTP a comme tâche fondamentale de cristalliser un projet politique qui soit en capacité de répondre aux différents scénarios qui s’ouvriront à partir de maintenant. Il est clair que la croissance et la consolidation d’un processus de ce type n’a rien à voir avec celles des expériences réformistes. Nous avons vu dans la dernière période comment Podemos a fait un bond au niveau électoral : la contrepartie a été, comme expliqué précédemment, une tactique électoraliste conduisant ses dirigeants à modifier de façon permanente le programme, le discours, la structure organisationnelle, etc. Il s’est agi d’un renoncement constant à bon nombre des principes stratégiques sur lesquels avait été fondée l’organisation elle-même, la majorité d’entre eux étant déjà limités.
NHQTP n’a pas comme objectif prioritaire de devenir une « machine de guerre électorale », mais de chercher à être un instrument utile pour les luttes du monde du travail et de la jeunesse, dans la perspective de la construction d’un autre système économique. Cette tâche nécessite des processus qui mûriront au même rythme que le niveau de conscience de tous les travailleurs et de la jeunesse ; elle exige également la discussion et l’action commune des révolutionnaires et anticapitalistes, en prenant le temps d’aller de l’avant, en utilisant nos traditions et habitudes différentes comme des armes pour élever notre compréhension de la situation actuelle et améliorer notre intervention dans la lutte des classes.
IZAR,traduction de Elga Manclais