Home / Actualité /
Entreprises /
Lutte de classe /
Mayotte /
Mobilisations /
Oppressions
/ Mayotte : en sous-France
Lors de la suspension de la grève générale de 15 jours – du 30 mars au 15 avril – pour l’égalité réelle, l’assemblée générale des grévistes s’était opposée à l’accord signé entre les syndicats et le gouvernement. Les grévistes estimaient qu’il n’y avait dans l’accord que quelques avancées pour les fonctionnaires mais rien, sinon des promesses, pour la population pauvre...
Et cela d’autant que ces mêmes promesses avait déjà été faites, avant la grève, en novembre 2015, notamment par exemple que le code du travail de droit commun s’applique à Mayotte le 1er janvier 2018... Aussi l’assemblée générale des grévistes n’avait-elle consenti à une « suspension » de la grève qu’en menaçant de la reprendre de manière encore plus résolue si le gouvernement ne prenait pas rapidement des mesures complémentaires fortes pour l’ensemble de la population.
En réponse, le 26 avril, le Premier ministre a annoncé une série de mesures pour un coût de 50 millions d’euros. Manuel Valls a donc décidé un « rattrapage » de la dotation globale de fonctionnement des communes. Il a également prévu que les recettes d’octroi de mer (taxe sur les produits importés dans les DOM-TOM) perçues aujourd’hui par l’État seront reversées désormais aux communes. Enfin, le Conseil départemental de Mayotte va bénéficier d’une compensation des dépenses liées à l’aide sociale à l’enfance ainsi que d’une annulation de créances à l’État au titre de l’impôt sur le revenu.
Les chiffres de l’injustice sociale
On peut douter que ces mesures satisfassent les grévistes et la population la plus pauvre. En effet, Younous Omarjee, député européen de la Réunion apparenté communiste qui accompagnait une délégation mahoraise d’élus le 20 avril, estime qu’il faudrait non pas 50 millions mais 2 milliards d’euros pour rattraper le retard de l’île.
Rappelons que si le taux de chômage officiel à Mayotte est de 23 %, l’ancien président du conseil régional de l’île l’estime pour sa part à 60 %. 84 % des Mahorais vivent sous le seuil métropolitain de bas revenus. Le RSA est de 262 euros contre près du double en métropole, le Smic brut horaire étant de 7,30 euros contre 9,67 euros. La durée légale du travail est de 39 heures contre 35 heures. 70 % des Mahorais n’ont pas pu payer leurs impôts, et les huissiers passent, avec un risque de dépossession. 35 % des moins de 16 ans ne sont pas scolarisés. L’île ne compte que 83 médecins pour 100 000 habitants contre par exemple 167 dans l’Eure, le plus important désert médical en métropole...
Il en va de même pour la mesure concernant l’octroi de mer : « ce n’est qu’une mise aux normes sur les autres DOM », explique Younous Omarjee, qui rappelle que les mairies n’en bénéficieront totalement... « que dans trois ans. » Or l’octroi de mer est payé par les Mahorais et la part de recettes de l’octroi de mer qui était déjà basculée auparavant au conseil départemental, évitait de sortir cette somme des poches de l’État. Un véritable hold-up décidé à l’époque par Sarkozy…
La lutte pour « l’égalité réelle » continue
Le 26 avril, le gouvernement recevait aussi le Medef Mayotte... et a satisfait immédiatement à ses revendications : les forces de l’ordre seront renforcées en personnel et moyens, et le ministre de l’Intérieur présentera un plan contre l’insécurité et l’immigration clandestine. Par contre, il n’est pas prévu, comme le demandaient les représentants des grévistes, de renforcement de la coopération économique avec les Comores pour limiter la pression migratoire.
Le Medef Mayotte demandait également un redémarrage fort de la commande publique en faveur du BTP et enfin la transformation de Mayotte en zone franche avec exonération des impôts et des charges patronales à l’Urssaf de 2016 à 2025.
Pour cela, le secrétariat d’État à l’Égalité réelle (sic), créé en février dernier, a prévu dès ce mois de juin un plan Mayotte 2025 dont le contenu sera certainement un copié-collé des volontés du Medef.
Les révoltes et grèves des Mahorais pauvres en faveur de « l’égalité réelle » telle que eux la conçoivent, ne sont pas prêtes de cesser. Ainsi déjà, les sages-femmes du Centre hospitalier de Mayotte sont en grève et on parle de faire de même sur tout l’établissement, une autre grève est organisée au collège de Doujani, une marche « noire » contre la répression policière est prévue à Sada...
Jacques Chastaing
dans L'Anticapitaliste n° 335 (05/05/2016)