Grève historique en Inde : des centaines de millions de travailleurs en lutte


                                                                 Travailleuses et travailleurs du textile en grève dans la ville de Coimbatore au Tamil Nadu 

Les 26 et 27 novembre ont eu lieu la plus grande grève du monde en Inde. A l’appel de 10 centrales syndicales et de regroupements de centaines d’organisations paysannes, près de 250 millions de paysans (les paysans représentent 50% de la population dans le pays) et d’ouvriers ont manifesté contre les nouvelles lois agraires et du code du travail.

Les lois de libéralisation du commerce de produit agricoles représentent un immense danger pour les travailleurs du pays : jusqu'à présent les agriculteurs vendaient leurs produits à des marchés régionaux régulés par les autorités locales. Avec la nouvelle loi, les entreprises privées peuvent passer des contrats avec des producteurs, et organiser le stockage des denrées alimentaires et la spéculation sur ces prix. La pauvreté de masse touche tout le pays, exacerbée par la crise sanitaire, le confinement décrété de force contre les grèves qui commençaient à s’étendre partout, et les licenciements qui y sont liés.

L’Inde est depuis la fin 2019 secouée par d’immenses mouvements sociaux. Le président d’extrême droite Narendra Modi a dû faire face à une contestation de sa loi ouvertement raciste qui n’accorde la nationalité qu’aux émigrés des pays voisins à condition de ne pas être musulman. Cette loi réactionnaire a d’abord provoqué un mouvement d’ampleur porté par les femmes musulmanes du pays, mais face aux crises sociales et sanitaires, le mouvement s’est étendu au monde du travail dans son ensemble.

D’immenses grèves ont éclaté dans des secteurs clés : le pétrole, le charbon, les impôts, les banques, l’industrie, l’éducation, atteignant déjà un record mondial le 8 janvier 2020 avec 200 millions de grévistes lors de la grève générale appelé par les syndicats, poussés par leur base. Le gouvernement a joué la carte du racisme et de la répression, souhaitant détourner la colère sociale, il se lança dans une campagne raciste antimusulmane résultant en de véritables pogroms faisant 78 morts. Mais la sauce réactionnaire n’a pas pris dans la classe ouvrière, les grèves ont continué de s’amplifier. Le secteur public s’est lancé dans la bataille contre les mesures de surveillance imposées aux employés qui tracent leurs moindres faits et geste en leur faisant porter des montres GPS. Dans les usines, à la mi-mars 2020, les travailleurs refusaient de rentrer dans les ateliers par peur du coronavirus. Le gouvernement affolé par la situation a imposé le 24 mars un confinement policier, alors qu’aucunes mesures ne furent prises auparavant contre le virus.

Le confinement forcé a condamné des centaines de millions de travailleurs journaliers à retourner dans leur campagne. Ce sont de 100 à 150 millions de travailleurs pauvres qui ont été jetés sur les routes, affamés et en recherche de travail. 

C’est dans ce contexte que le gouvernement s’attaque désormais à la paysannerie. La libéralisation du commerce agricole va écraser la petite propriété paysanne, spéculer sur les prix, renforcer les grands groupes alimentaires, et ce sont évidemment les travailleurs indiens qui en payeront le prix ! Cette nouvelle loi dans les conditions actuelles risque d’entrainer de nouvelles famines dans le pays déjà ravagé par la misère avec des millions de travailleurs pauvres : 800 millions d’habitants vivent avec moins de deux euros par jours, 163 millions n’ont pas accès à l’eau potable, 75 millions sont chômeurs. 

Blocage des cheminots de Kolkata : 


Face à cette nouvelle attaque, des centaines de millions de paysans du pays ont tenté de converger vers la capitale New Delhi, mais dans les Etats gouvernés par le parti conservateur au pouvoir (l’Inde est un état fédéral avec différents états), la police a empêché l’entrée des paysans dans le territoire de la capitale de Delhi. Les paysans mobilisés ont donc depuis lors bloqué les principales entrées de la ville avec leurs tracteurs et camions jusqu'à ce que leurs revendications soient satisfaites.


Barrage de police à l’entrée de Delhi :

 
Mais le gouvernement de Modi ne s’est pas arrêté la : à coté de ces lois agraires ont également eu des attaques ultra violentes contre les travailleurs: passage de la journée de  travail de 8 à 12h, liquidation de quasiment toutes les lois ouvrières et protections sociales, durcissement des conditions pour créer un syndicat, augmentation du seuil de représentativité syndicale montée à 75% des employés pour être considéré comme représentatif, facilitation des licenciements, réduction de l’assurance maladie…Les capitalistes indiens, terrifiés par les travailleurs en lutte, ont peur de tout perdre et attaquent de toutes leurs forces pour sauver leur ordre social et leur taux de profits ! Dans les états gouvernés par le parti au pouvoir, le code du travail est tout simplement suspendu pour 3 ans au nom de la relance économique et de l’attraction des capitaux étrangers !

Les principales organisations ouvrières n’ont pas eu d’autre choix que d’appeler à manifester contre cette déclaration de guerre ouverte à notre classe, revendiquant 10 kilos de nourriture pour les familles dans le besoin, des aides d’urgences pour les travailleurs, l’augmentation des salaires, une prime immédiate de 7 500 roupies, le retrait des lois anti ouvrières, une nouvelle politique d’éducation et de santé : le pays ne compte que 2 millions de travailleurs de la santé pour 1,3 milliards d’habitants. 63 milliardaires ont des revenus supérieurs à ceux du budget annuel de l’Etat, et se font soigner dans des hôpitaux privés luxueux, pendant que les travailleurs crèvent.

L’Inde est en pleine effervescence, 250 millions de travailleurs et travailleuses ont battu le pavé, des millions sont toujours sur les routes, sur les blocages, le gouvernement a avancé les négociations sur les lois agraires, mais aucun capitaliste Indien ne souhaitera faire un pas en arrière. Le PIB du pays a chuté de 23,9% depuis la crise, les capitalistes veulent sauver leurs taux de profits, les travailleurs veulent sauver leur vie. Nos deux classes ont des intérêts inconciliables, l’état indien protège sa bourgeoisie, et aujourd’hui plus que jamais, la bourgeoisie indienne est menacée.

Les ouvriers, employés, paysans, chômeurs, minorité religieuses, minorités sexuelles, les exploité.e.s et opprimé.e.s de cette terre peuvent et doivent s’unir. Une union de notre classe peut tout faire basculer. La révolution est contagieuse, un foyer révolutionnaire en Inde pourrait avoir des répercussions dans toute l’Asie et faire trembler le capitalisme mondial. Le capitalisme Indien a tremblé devant 3,2% de la population mondiale en mouvement… Quand la classe ouvrière défend ses intérêts et entraîne les classes populaires, la peur change de camp ! Voilà une leçon fondamentale pour celles et ceux qui, dans le monde entier contestent le capitalisme et ses gestionnaires. C’est pour que les bourgeois et leurs gouvernements tremblent à nouveau et pour en finir avec cette société barbare que nous militons pour la construction d’un parti ouvrier révolutionnaire qui manque à notre classe, un outil utile des luttes d’aujourd’hui au renversement du capitalisme.

Nous exprimons notre solidarité pleine et entière avec les travailleurs et les travailleuses en Inde ! 

« Prolétaires de tous les pays, unissons-nous ! »

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