Les manifestations contre les mesures liberticides – dont la loi « Sécurité globale » et les amendements apportés à la Loi de programmation de la recherche (LPR) visant à criminaliser les mouvements étudiants – ont été un succès. L’heure est à l’amplification de ces manifestations afin que ces projets soient retirés. Derrière la loi « Sécurité globale » se cache un objectif politique de la bourgeoisie : celui de renforcer considérablement son appareil répressif, aussi bien quantitativement que juridiquement et technologiquement. Le grand patronat a bien compris la gravité de cette crise et les convulsions sociales qu’elle engendrera. À nous maintenant d’en prendre connaissance et de réagir à la hauteur de la situation.
Loi « Sécurité globale » : les premières mesures préconisées par le « Livre blanc »
Si l’interdiction de filmer la police est la mesure la plus controversée de cette loi – ce qui amène le gouvernement à devoir réécrire l’article –, celles qui l’accompagnent ne sont pas moins scandaleuses. Au cœur de cette loi, il y a le renforcement des dispositifs de surveillance de la police, avec l’autorisation de la surveillance par drone, la centralisation en direct des enregistrements des « caméras piéton » des agents, la surveillance des halls d’immeubles et l’octroi de nouvelles prérogatives aux policiers municipaux.
Cette loi n’est qu’un avant-goût de ce que la bourgeoisie prévoit. L’association La Quadrature du Net a épluché le « Livre blanc » du Ministère de l’Intérieur, document de cadrage qui définit les objectifs en termes de « maintien de l’ordre » pour l’État dans les années à venir : le gouvernement prend prétexte de l’organisation des Jeux olympiques en 2024 et de la Coupe du monde de rugby en 2023 pour allouer 3 milliards d’euros supplémentaires en 5 ans au budget de l’Intérieur ; parmi les objectifs, il y a ceux de renforcer le pouvoir de la police municipale, d’élargir le champ d’action des agents de sécurité privés et d’amplifier la communication visant à « contribuer à [la] légitimité » de l’institution policière.
Un dernier objectif, et non des moindres, est inscrit dans ce « Livre blanc » : celui de « porter le Ministère de l’Intérieur à la frontière technologique », c’est-à-dire de renforcer les dispositifs de surveillance et de fichage de masse. Des dispositifs hallucinants, qu’on croirait inspirés du film Minority Report ! Le gouvernement propose par exemple d’équiper les agents de police de casques ou de lunettes « augmentés » et de gilets « connectés », ou de financer la recherche sur la reconnaissance vocale ou l’odeur. Il préconise notamment l’analyse automatisée des réseaux sociaux et le contrôle des empreintes digitales à la place du contrôle « classique » avec pièce d’identité. L’utilisation des drones est un des éléments-clés de la loi « Sécurité globale » : il s’agira de déployer un dispositif massif d’engins volants pour surveiller le maximum d’espaces publics, notamment pendant les Jeux olympiques. Grâce à des caméras dotées de « superzooms » et à la reconnaissance faciale, les préfectures pourraient connaître les déplacements d’un nombre gigantesque de personnes.
Après la surveillance, punir les militants et faire des exemples !
Le gouvernement, tout en renforçant les dispositifs de surveillance et en compromettant la liberté d’informer, s’attaque aux militants qui animent les luttes. À Melle, le rectorat de l’académie de Poitiers a sanctionné les quatre enseignants mobilisés contre les épreuves communes de contrôle continu (E3C) : une baisse d’échelon, un blâme, une mutation d’office et une exclusion temporaire ! Trois enseignants de Bordeaux sont poursuivis pour des faits similaires et risquent de lourdes sanctions. En région parisienne, à Clichy, 18 salariés de Monoprix ont dû comparaître devant le tribunal le 26 novembre pour avoir organisé des rassemblements devant des magasins pour exiger le versement d’une prime Covid ! À la Poste, dans les Yvelines, Vincent Fournier (CGT FAPT) a reçu une mise à pied de 3 mois pour avoir mené une grève victorieuse pendant le mouvement des retraites. Ayoub, Selim, Barth et Victor, étudiants à Nanterre, comparaîtront devant le TGI de Nanterre le 15 février pour des mobilisations étudiantes. Ce ne sont que quelques exemples de l’acharnement qui s’abat sur des militants.
Riposter par la prise d’initiative et l’unité !
Roga et Victor avaient été condamnés respectivement à 6 mois de prison ferme et 4 mois avec sursis pour avoir prétendument usé de violences sur deux agents de police lors de l’évacuation d’une AG étudiante en 2018. Leur procès en appel a montré qu’il est possible de faire reculer la justice, même après 2 ans de poursuites judiciaires. La mobilisation a permis de faire retirer le risque de prison ferme pour Roga, désormais condamné à du sursis, et d’obtenir la relaxe pour Victor.
Aujourd’hui, si le grand patronat et les institutions à son service veulent réprimer des militants, c’est pour intimider le reste des jeunes et des salariés mobilisés. S’ils cherchent à renforcer les pouvoirs de la police avec les lois LPR et « Sécurité globale », c’est parce qu’ils sentent qu’ils en auront besoin lors d’une prochaine remontée des conflits sociaux. Pour faire face à l’offensive de la bourgeoisie, les combats dispersés sont des impasses : au contraire, il faut être en mesure de tisser le maximum de liens entre les cas de répression, comme s’emploie à le faire le Collectif interprofessionnel contre la répression au travail, qui a efficacement contribué à organiser des mobilisations lors des procès des « quatre de Melle » et de Victor et Roga. Mais il est également indispensable de faire converger l’ensemble des colères et des revendications sectorielles autour d’un même plan de bataille qui, dès la rentrée, aura pour perspective centrale celle de la grève générale, seul moyen pouvant permettre de stopper les mauvais coups de ce gouvernement au service des capitalistes !
Victor Mendez