Lundi 15 février, en évoquant pour la première fois « des contreparties » au titre du Pacte de responsabilité, le Premier ministre a fait mine de menacer le patronat qui ne respecterait pas ses engagements en matière de création d’emplois en échange des milliards versés par l’État depuis janvier 2014...
Que le dispositif phare de Hollande en matière de résorption du chômage soit complètement inefficace sauf pour remplir les poches des riches actionnaires et des banques, il n’y a que Valls pour le découvrir faussement deux ans plus tard ! Ou bien voulait-il jeter quelques os à ronger à la gauche du PS ?
Surprise feinte du gouvernement…
« Du côté des entreprises, du côté du patronat, je constate que nous ne sommes pas aux objectifs que l’on s’était donnés à travers cet effort de 40 milliards [d’euros] voté par le Parlement qui a été en grande partie engagé », a déclaré Manuel Valls. Évidemment non ! Le taux de chômage a dépassé officiellement les 10,6 % de la population active à la fin de 2015 et a encore augmenté ces trois derniers mois, notamment chez les femmes et les jeunes. Il faut être sourd et aveugle à la misère sociale et au désespoir de millions de familles des classes populaires pour sembler s’en émouvoir au détour d’une réunion de travail « avec les partenaires sociaux ». Alors que sous l’effet conjugué du pacte de responsabilité et de la baisse des prix du pétrole, les entreprises françaises devraient retrouver en 2016 un taux de marge équivalent à celui de 2008, avant la crise, le gouvernement sait pourtant pertinemment à quoi ont servi les milliards versés...
… et colère feinte du patronat
« Si on conditionne, on va remettre par terre tout ce qui a été fait depuis deux ans » , a estimé Geoffroy Roux de Bézieux, vice-président délégué du Medef. « Ça serait une erreur majeure, ça serait remettre en question la confiance qui commence à renaître dans les [...] entreprises », a-t-il observé. Les patrons pleurent toujours la bouche pleine. A titre d’exemple, en 2014, La Poste a reçu 352 millions d’euros de crédit impôt compétitivité emploi (CICE), dispositif intégré au Pacte de responsabilité. Une somme faramineuse alors que la société anonyme à capitaux publics ne cesse de pratiquer des coupes claires dans ses effectifs : 6 864 emplois ont été détruits cette même année. Ce cas est loin d’être isolé. La manne financière bénéficie aussi à des entreprises en parfaite santé comme les banques. La BNP a ainsi pu prétendre à 39 millions d’euros de CICE, argent qui sert essentiellement à financer l’offre numérique pour la clientèle, non pas à embaucher.
Mais tout va continuer de plus belle
De fait, le patronat aurait bien tort de s’inquiéter car Valls a confirmé lors de cette même réunion du 15 février que la suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), devenue effective pour les très petites entreprises (TPE) en 2015 et les petites et moyennes entreprises (PME) en 2016, devrait être étendue aux grandes entreprises en 2017. De même, une nouvelle baisse du taux de l’impôt sur les sociétés (IS) devrait être inscrite dans la prochaine loi de finances, pour un allègement global de 5,5 milliards d’euros dont les grandes entreprises seraient les principales bénéficiaires. Et cerise sur le gâteau, le crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) sera basculé en baisse de charges pérennes « au plus tard en 2018 »...
Vous avez entendu « contreparties » ? Vous deviez rêver !
Marie-Hélène Duverger
dans l'hebdo L'Anticapitaliste n° 325 (25/02/2016)