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/ Un accord Podemos/PSOE/IU ? Les alliances ne changeront pas nos vies
Pablo Iglesias vient d’annoncer qu’il est disposé à appuyer le PSOE et Pedro Sánchez pour former un gouvernement « de changement » avec IU et Alberto Garzón. Elles sont loin les déclaration du même Pablo Iglesias du dernier mois de juillet 2015 quand il affirmait : « je ne serai jamais vice-président de Pedro Sánchez » ou celles qu’il avait faites en mai 2014 dans le Huffington Post en disant : « les intérêts que défendent les gouvernements comme celui du PSOE ou du PP sont clairs, ils nous mènent au désastre » ou à Efe[1] en affirmant que « Le PSOE a montré avec ses politiques qu’il fait partie du problème, que ses différences d’avec le PP sont des différences de nuance ». Que s’est-il donc passé ?
Podemos : deux ans après sa fondation
Podemos est né il y a déjà deux ans. Durant ces deux années nous avons connu une évolution importante. D’une part, il est indéniable que Podemos est devenu un parti avec une audience de masse et un poids dans la politique de l’État espagnol. Cependant, il a aussi beaucoup évolué dans son discours. D’un mouvement qui venait des résistances et des mobilisations qui se sont déclenchées depuis le début de la crise capitaliste et qui était en lien avec elles, Podemos est devenu un parti avec une « responsabilité d’État » qui privilégie un jeu institutionnel, les élections, et manifestement, gouverner à tout prix. Cela explique que son discours se soit adouci sur les questions économiques et sociales ainsi que sur les questions démocratiques. En très peu de temps, nous sommes passés du non-paiement de la dette à sa restructuration, de la défense des services publics à la non remise en cause de l’éducation concertée[2], du non à l’OTAN à la candidature sur les listes de Podemos de l’ex Chef de l’État-major du ministère de la Défense de Zapatero pour devenir député, du droit à l’auto-détermination des peuples au référendum non contraignant en Catalogne et même du « PSOE, PP, c’est la même merde » du 15M à la proposition de former avec le PSOE un supposé gouvernement pour le « changement ».
Cette évolution ne doit pas nous surprendre. Elle suit une certaine logique. Celle de ne pas s’affronter, en définitive, à la propriété privée et aux intérêts des riches et des capitalistes et ainsi, de ne pas mener à bien une véritable répartition des richesses. Podemos et sa direction ne l’ont jamais prétendu. Et bien qu’au début, le processus interne paraissait plus ouvert pour discuter cette orientation depuis la base,il est clair que c’est devenu mission impossible. Il n’y a plus de bases ou de cercles et la politique de Podemos est définie exclusivement par les député-e-s et sa direction qui prétend seulement impulser une « seconde Transition », un « deuxième grand consensus » à travers un accord avec les partis du Régime, facilitant au final le fait que les changements soient minimes et que les ciments du régime de 78 : unité de l’Espagne, monarchie et capitalisme ne soient pas remis en question.
Podemos et le gouvernement du « changement »
Vendredi dernier, Pablo Iglesias lançait un appel à former un gouvernement dit du « changement » avec le PSOE et IU/UP dans lequel Pedro Sánchez serait président du gouvernement et lui-même vice-président avec une représentation proportionnelle aux résultats du 20 décembre. Cette proposition a provoqué le retrait provisoire de Rajoy dans sa tentative de former un gouvernement et celle-ci a mis la balle dans le camp du PSOE, très divisé sur cette question. Nous ne savons pas ce qu’il finira par se passer. La formation d’un possible gouvernement « de gauche » paraît plus réalisable qu’il y a quelques semaines bien qu’elle ne ferme pas la porte à de nouvelles élections. Mais au-delà de tout cela, que se passerait-il si cette proposition devenait réalité ? Un changement avec un gouvernement avec le PSOE est-il possible ?
Jusqu’à maintenant l’expérience grecque nous a montré qu’il est impossible de changer nos vies et de lutter contre l’austérité sans s’affronter au capitalisme et aux intérêts et privilèges de ceux qui détiennent les richesses. L’expérience grecque nous a même montré que si l’on assume pas cela, des politiques d’ajustement même plus dures que celles menées par les gouvernements antérieurs conservateurs ou socio-libéraux finissent par s’appliquer. Pourquoi cela serait-il différent dans l’État Espagnol et de la main du PSOE en plus ? La mémoire est si sélective que nous aurions déjà oublié le rôle du PSOE et du gouvernement Zapatero dans la première étape de la crise économique. Peut-être avons-nous oublié que pendant qu’ils continuaient à ne pas vouloir prononcer le mot crise, ils décidaient de baisser le salaire des fonctionnaires, faire passer la réforme du droit du travail, des retraites et sauver les banques avec de l’argent public. Peut-être certains pensent que le PSOE peut répondre aux aspirations de millions de personnes en termes de logement, d’emploi, de salaires, de retraites, de services publics, du droit de décider[3]. Bien sûr que non. La Commission européenne a déjà annoncé que l’État espagnol devrait faire des économies de 10 000 millions de euros avec un nouveau plan d’austérité. Pensons nous vraiment que tout ceci va « changer » avec un gouvernement de « changement » du PSOE, PODEMOS et IU ?
La proposition de Pablo Iglesias, appuyée également par Teresa Rodríguez qui s’en prend à Susana Díaz parce qu’elle est « le secteur le plus intransigeant du PSOE dans la négociation de l’investiture » génère un faux espoir sur la possibilité de changer nos vies à travers ce pacte de gouvernement. Ainsi, IU/UP se prépare à mener de nouveau à bien ses expériences passées en Andalousie comme en Catalogne avec le tripartisme L’autocritique a duré peu de temps. Quant à Podemos, ils vont bien plus loin que ce que signifierait appuyer l’investiture de municipalités ou gouvernements autonomes[4] du PSOE en échange de leur soutien pour des villes comme Barcelone, Madrid ou Cádiz. Cette fois, ils parlent directement de gouverner ensemble.
C’est de plus en plus urgent : remobiliser notre camp social et construire un front politique anticapitaliste et de classe que ne soit pas à la remorque du réformisme.
Pour changer nos vies, il n’y a pas de raccourcis. En ce moment, c’est quelque chose de difficile à défendre, puisque l’idée que nos vies peuvent se changer seulement à travers les institutions est très ancrée dans l’imaginaire collectif. Cependant, il faut insister sur le fait que c’est une impasse. La seule manière d’en finir avec le bipartisme et ses politiques, c’est à travers la mobilisation de la classe ouvrière et de la jeunesse. On n’en finira pas avec le bipartisme en allant d’élections en élections, encore moins en s’alliant avec lui. Cela peut seulement contribuer à ce qu’ils se renforcent.
Les institutions et les processus électoraux doivent aider et renforcer l’auto-organisation et la mobilisation de ceux et celles qui subissent les conséquences de la crise capitaliste, mais ils ne doivent jamais la remplacer. Il ne faut pas susciter des faux espoirs sur le fait qu’on peut lutter contre l’austérité sans s’affronter à la logique du capitalisme. C’est impossible. On ne peut pas en finir avec le chômage, la précarité, l’austérité, la dette, les expulsions sans en finir avec un système qui puise les privilèges et les richesses pour une poignée sur le chômage, la précarité, l’austérité et la dette des classes populaires. L’exemple grec le montre bien. Podemos, comme l’ont déjà explicitement dit Iglesias et Errejon en son temps, suit le même chemin avec une petite différence : ici ils sont prêts à le faire de la main du social libéralisme.
Pour changer nos vies il n’y a pas de raccourcis. Il faut relancer la mobilisation et exiger dans la rue que nos revendications deviennent réalité. Seule la pression de la classe ouvrière et de la jeunesse à travers la mobilisation dans les centres de travail, d’étude et dans les quartiers peut donner des réponses satisfaisantes à nos revendications, tant sur le terrain social que sur le terrain démocratique. Il faut commencer à l’assumer et ne pas se mettre toujours à la remorque du « nouveau » réformisme même si la pression est forte. Il faut proposer une sortie à la crise qui passe par la rupture avec le système capitaliste. La meilleure manière de faire des pas dans cette direction est de construire la mobilisation et les résistances. En ce sens nous pensons que la construction de l’initiative « Il n’y pas de temps à perdre », que tiendra sa deuxième réunion le 2 avril prochain à Madrid, peut y contribuer à travers la formation d’un front anticapitaliste unitaire et de classe.
IZAR
25/01/2016
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[1] Efe : agence de presse espagnole comme l’AFP
[2] Fait référence aux établissements privés reconnus par l’État
[3] Fait référence au droit de décider, au droit à l’autodétermination.
[4] gouvernements autonomes : il s’agit des exécutifs régionaux.