« J'utilise mon droit de retrait comme beaucoup de cheminots qui ne peuvent appliquer les gestes barrières »


> Entretien avec Bruno, cheminot à Tours. Il revient pour nous sur les conditions de travail des cheminots en cette période de pandémie et sur l'attitude de la direction de la SNCF

Anticapitalisme & Révolution - Tu fais partie des 6 salariés sur 10 qui doivent continuent à travailler ?

Bruno - Comme beaucoup de  travailleurs du service public qui ne sont pas en télétravail ou en absence pour garde d'enfants, je suis au contact des usagers. Mais le trafic ferroviaire a fortement diminué depuis 15 jours parce que les cheminotes et cheminots ont fait pression sur la direction de la SNCF pour qu'eux et les voyageurs ne soient pas des vecteurs du Covid-19 dans les trains et enceintes ferroviaires.

A&R - Peux-tu nous expliquer quelle est la situation pour les travailleurs de la SNCF et pourquoi tu as exercé ton droit de retrait ?

B. - J'utilise mon droit de retrait comme beaucoup de cheminots qui ne peuvent appliquer les gestes barrières pour se protéger face à cette pandémie mortelle. Le mètre de distance qui est nécessaire n'est tout simplement pas possible à tenir pour les agents en contact avec les usagers ! Pire, l'absence de dotation en masques FFP2, de lingettes pour les conducteurs, les agents des ateliers, de la maintenance, des installations, chargés de la circulation ne permet pas de tenir leur poste de travail, sauf à se mettre en danger. Dans un contexte pareil, ou aucune mesure sérieuse de protection n'est mise en place, bien des cheminots se sont retirés de leur postes de travail.

A&R - Rien n'est prévu par la direction de la SNCF ?

B. - Rien pour protéger notre santé en tout cas lorsque l'on est en contact avec les usagers. 
Transporter de la nourriture ou des produits de première nécessite par des trains de fret, faire rouler des trains sanitaires, c'est répondre aux besoins de la population mais faire rouler des trains de voitures, d'engrais ça sert à quoi ?
En fait la politique de la direction de la boîte transpose à la SNCF celle du gouvernement pour tout le pays.

Mais les cheminotes et cheminots ne sont pas dupes : nos collègues expriment de plus en plus souvent que leurs vies valent plus que les profits des actionnaires. Et c'est pour cela que  le cadeau de 345 milliards fait par le gouvernement aux patronat n'a pas du tout été apprécié. C'est une provocation supplémentaire pour nous qui nous nous sommes battus cet hiver pour maintenir la retraite par répartition qui était soi-disant déficitaire de 6 milliards...
Pire, les annonces sur l'effort de productivité pour l'ensemble des travailleurs avec fin des 35 heures, la semaine hebdomadaire à 60 heures dans ce cadre c'est niet et cela discute ferme entre nous la dessus. La direction a annoncé le 1er avril que 5 jours de repos devront être pris par tous les cheminots pendant la période de confinement au nom de « l’effort de solidarité demandé par le gouvernement ». La boîte veut en profiter pour nous voler 5 jours. Et bien nous refusons ce vol et nous organisons pour garder nos congés !

A&R - Quel est l'impact sanitaire du Covid-19 à la SNCF ? La direction recense t-elle les cas de contamination ?

B. - La direction recense les cas de contamination parmi les collègues. Mais les chiffres sous-estiment très certainement la réalité de la même façon que les données sont sous-estimées à l'échelle de toute la société faute de personnel soignants suffisants, de dépistage etc. Selon la boite, au 31 mars, 418 cheminots avaient été testés positifs au Covid 19 et 1787 autre collègues sont confinés suite à une suspicion.
Un jeune cheminot nous disait hier, qu'il y avait plein d'argent dans les poches du patronat et qu'il y avait plein d'indispensables dans les cimetières. Et il a raison. La bourgeoisie veut compter ses profits et de notre côté il faudra compter nos morts. Alors se protéger nous-mêmes est indispensable et c'est une lutte immédiate pour notre classe.

Propos recueillis par Gaël Klement

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