« Le télétravail, c'est l'exploitation à distance »


> Entretien avec Willow*, salariée du privé en télétravail. Elle a répondu à nos questions sur son expérience de travailleuse confinée.

Anticapitalisme & Révolution - Peux-tu nous expliquer dans quel domaine tu travailles et en quoi consiste ton poste ?

Willow - Je suis employée dans une société de placement en assurance-vie où je suis suis gestionnaire de production (back office). Des personnes ouvrent des contrats d’assurances-vie dans notre société pour placer de l’argent soit pour préparer leurs retraites, les successions, placer de l’argent pour leur enfants ou petits enfants… Et mon travail consiste à verifier la conformité des dossiers de souscription ainsi que des versements qui arrivent chaque jour. Et manifestement certains ont beaucoup d'argent !

A&R - Le télétravail s'est mis en place facilement dans ta boîte ?

W. - Le teletravail s'est mis en place immédiatement, dès le 16 mars. La boîte s'était préparée à un tel scénario durant le mois précédent. Nous travaillons sur des ordinateurs portables ce qui facilite bien entendu les choses en permettant à chaque salarié d'emmener son outil de travail à la maison : le rêve de tout patron ! Mais comme nous travaillons sur plusieurs écrans, la boîte s'est organisée pour qu’on puisse récupérer le matériel nécessaire. Avant le confinement, je suis rentré chez moi moi avec un écran et des câbles sous le bras. La boîte a essentiellement dû déployer le travail à distance c’est-à-dire demander les habilitations pour l’ensemble des salariés puis s’assurer que la connexion à distance sur le serveur sécurisé de la société fonctionne. Il y a eu évidemment des couacs avec des habilitations qui ont mis du temps à arriver et des difficultés de connexion mais rien de comparable avec la façon dont cela s'est passé dans le secteur public notamment. Globalement, on a senti le stress de la direction qui posait beaucoup de questions aux salariés : pour savoir si on avait des enfants, si oui combien, de combien d'écrans on disposait à la maison... La direction ne stressait pas sur les conditions de travail mais voulait s'assurer que toutes et tous puissent travailler et rester productifs.

A&R - L'entreprise y avait déjà eu recours pendant les grèves ?

W. - Oui, effectivement le télétravail a été déployé pendant les grèves dès décembre. Cela explique d'ailleurs le niveau de préparation pour cette mise en confinement. Cet hiver, 80 % des salariés ont teletravaillé pendant la grève reconductible dans les transports, sans aucune restriction de la part de la direction qui cherchait à contourner l'impact de la grève. L'entreprise a demandé un retour sur site lors de la reprise des transports. À partir de ce moment le demandes de télétravail ont été soumises à la validation de la direction.

A&R - Comment votre temps de travail et votre boulot est-il contrôlé ?

W. - Alors chez nous, depuis toujours, nous badgeons de manière informatique via un logiciel, notre temps de travail est donc décompté de la même façon. Mais comme d’autres société, nous nous servons de Skype et avons un point tous les matins avec le chef d’équipe, ce qui permet au responsable de voir qui est connecté ou non. Quant à l’activité et notre productivité elle est contrôlé via des statistiques journalières. Finalement cela reste plutôt habituel car notre travail est très contrôlé sur site. Le télétravail c'est l'exploitation à distance, que les boîtes comme la mienne utilisent pour que la machine à profits continue de tourner ! En terme de charge de travail, nos objectifs journaliers restent les mêmes pourtant on est aussi impacté par les difficultés liées à l'organisation du travail : répartir les tâches, répondre aux questions ou aider un collègue en galère prend bien plus de temps quand tout se fait par Skype. Et ça la boite n'en tient pas compte, évidemment.

Propos recueillis par Gaël Klement

* le prénom a été modifié pour des raisons de sécurité.

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