La manifestation du 1er mai 1968, appelée par la CGT, le PCF et le PSU, rassembla plus de 100 000 personnes. Ce succès fut le résultat d’une montée des luttes depuis plusieurs années. Voyons maintenant comment la France connut une révolte sans précédent de sa jeunesse, et la plus grande grève générale de son histoire. Pour quasiment chaque journée, on trouvera davantage de détails dans ma série d’articles en ligne consacrés à 1968 .
Les étudiants de Nanterre avaient prévu pour le 2 mai une Journée anti-impérialiste. Le groupe fasciste Occident annonça qu’il allait venir « rétablir l’ordre ». Les étudiants se préparèrent, et Occident se dégonfla. Le recteur Roche décida de fermer Nanterre. La police envahit l’université le lendemain.
Le 3 mai, dans la cour de la Sorbonne, les étudiants tinrent un meeting de solidarité avec Nanterre et les 8 étudiants menacés d’exclusion. La police commit alors ces cinq erreurs :
elle envahit la Sorbonne ;
elle crut pouvoir embarquer 400 étudiants ;
elle oublia les filles, que bien sûr elle sous-estimait ;
elle oublia les lycéens, qui sortaient de cours à partir de 16 heures ;
elle matraqua sauvagement tout ce qui ressemblait à un étudiant.
La révolte étudiante – et bientôt de toute la jeunesse – commença alors.
La jeunesse s'embrase
Le samedi 4, des heurts violents avec la police eurent lieu une nouvelle fois, et 7 étudiants furent arrêtés et condamnés à des peines de prison avec sursis. Le responsable stalinien Georges Marchais dénonça les « groupuscules anarchistes, trotskistes, maoïstes » dirigés par « l’anarchiste allemand Cohn-Bendit ».
Le lundi 6, les grèves et manifestations de solidarité gagnèrent la province et aussi Berlin, Francfort et Liège. Le 7 mai, 50 000 manifestants en route vers la place de l’Étoile passèrent devant la Chambre des Députés. Ils ne prirent pas le temps de s’arrêter. Dans Le Monde du 9 mai, Raymond Barrillon souligna : « Leur longue marche les a conduits à passer devant l’Assemblée nationale mais l’idée ne leur est pas venue un instant d’y faire halte. C’est un signe des temps mais c’est aussi et surtout une démonstration d’indifférence, pour ne pas dire plus ».
Le tangage au sein du PCF et de la CGT obligea Georges Séguy à tenir une conférence de presse en forme d’« amorce de virage ». Il déclara : « La solidarité entre les étudiants, les enseignants et la classe ouvrière dans leur lutte commune pour le progrès social, la démocratie et la paix est une notion bien connue de tous les militants de la CGT ».
Le 8 mai, un cortège de 30 000 personnes traversa encore Paris. À la fin de la manifestation, le mot d’ordre de dispersion fut mal accueilli par une partie des étudiants. Au même moment, 100 000 personnes – ouvriers, paysans et étudiants – défilaient dans les villes de Bretagne et des Pays de la Loire derrière le slogan « L’Ouest veut vivre ».
La nuit du 10 mai – dite « des barricades » – commença après la manifestation appelée par l’UNEF, le SNESUP et les Comités d’action lycéens (CAL) place Denfert-Rochereau, sur les trois revendications du mouvement : « libérez nos camarades », « ouvrez la Sorbonne », « dégagez du Quartier Latin ». La manifestation décida de rester dans le Quartier Latin tant que la Sorbonne ne leur aurait pas été rendue et que les camarades n’auraient pas été libérés. Malgré l’opposition de l’UNEF, une partie des manifestants – et notamment des lycéens qui allaient enfiévrer la nuit – commencèrent, dès 21 heures, à édifier des barricades. S’ensuivirent quatre heures de folle liberté pacifique, de 22 heures à 2 heures du matin, puis plus de trois heures de bagarres. Le quartier donna des vivres, lança de l’eau pour combattre l’effet des gaz lacrymogènes, offrit l’asile aux barricadiers.
Le 13 mai : irruption de la classe ouvrière
La CGT, très consciente des risques de débordement, proposa une réunion unitaire d’où sortit l’appel CGT-CFDT-FEN-SNESUP-UNEF à une grève de 24 heures le lundi 13 mai, avec manifestations dans toute la France, pour « l’amnistie de tous les manifestants condamnés, les libertés syndicales et politiques ». FO s’y associa, ainsi que la CGC. Un bon point : le préavis légal pour la grève ne fut pas respecté... En fait, le PCF et la CGT avaient proposé le 14 mai, trouvant le 13 mai trop « politique », car correspondant exactement au dixième anniversaire du coup d’Etat militaire à Alger qui avait installé De Gaulle à l’Elysée. Mais suite à la « nuit des barricades », ils acceptèrent le 13 mai, car ils comprirent le risque qu’ils encouraient d’être débordés par le mouvement dès le lundi. Ils ne le furent que le mardi… De son côté Pompidou, contre l’avis de De Gaulle, céda sur les trois revendications.
Le 13 mai fut un grand succès : à Paris, 230 000 manifestants selon la police, un million selon les centrales syndicales… Les slogans proclamaient la solidarité entre ouvriers et étudiants, et affirmaient que « Dix ans ça suffit », réclamant ainsi le départ du général. Ce succès eut au moins deux principales raisons :
le besoin de dénoncer la sauvagerie, encore une fois, du bras armé de l’État ;
l’occasion de crier plus fort qu’à l’accoutumée le refus du régime, grâce à un appel plus unitaire que jamais, si l’on excepte le 8 mai en Bretagne.
Les travailleurs constatèrent que si le pouvoir reculait devant les étudiants, il devait aussi reculer devant des travailleurs usant de la grève, arme plus puissante que les pavés. La journée de grève, qui devait mettre un terme aux troubles, allait les généraliser… L’analyse de la Jeunesse Communiste Révolutionnaire (JCR), dans son journal Avant-Garde Jeunesse de février-mars 1968, fut confirmée : « Tous les mouvements sectoriels et locaux, sporadiques, violents, déclenchés un peu partout […] ne sont pas des accidents. Ils sont les symptômes les plus nets d’un mouvement, national, profond, diffus et qui se cherche ».
La généralisation de la grève
À la grande stupeur de la bourgeoisie, de son gouvernement et de ses relais dans les bureaucraties du mouvement ouvrier, la grève générale symbolique prévue pour le 13 mai ne s’arrêta pas. André Barjonet, qui était alors l’un des dirigeants de la CGT, dit à propos du 13 mai : « La CGT pensait que tout s’arrêterait là, que ce serait une bonne journée de grèves et une bonne manifestation » . André Jeanson, président de la CFDT, affirma : « Pour plusieurs de ses organisateurs, la manifestation marquait la fin des événements eux-mêmes ».
Depuis des mois, à l’usine Sud-Aviation de Saint-Nazaire, la section FO conduite par des militants trotskystes défendait l’occupation de l’entreprise. Le 14 mai, la CGT fut contrainte de l’accepter, tout comme la rétention du directeur Duvochel et de ses adjoints dans leurs bureaux dans l’attente d’une réponse de la direction parisienne ; ils en sortirent le 29 mai. Les ouvriers savaient que la veille, à Nantes, une marche s’était terminée par la construction de deux barricades devant la préfecture, que le préfet s’était vu refuser par Paris l’autorisation de tirer et qu’il avait dû reculer sur toute la ligne : les poursuites engagées contre des étudiants avaient été abandonnées, et la subvention de 10 000 francs à l’UNEF rétablie…
La reconduction de la grève eut lieu dans beaucoup d’autres boîtes, comme à CLAAS (machines agricoles près de Metz), dans le BTP à Toulouse, au Centre de la Villette des NMPP à Paris, aux papèteries La Chapelle à Saint-Etienne-du-Rouvray (Seine-Maritime), dans deux filatures du Nord ou encore une biscuiterie du Rhône. Évidemment, la presse ne relaya rien de tout cela. Même la grève avec occupation de Sud-Aviation, fleuron de l’industrie française, ne suscita dans L’Humanité que neuf lignes remisées en page 9, au milieu des petites annonces… Le même jour, Nanterre se déclara « autonome » et la Sorbonne « commune libre ». Une partie de l’AG voulait une réforme de l’université, y compris des examens. Un courant plus important se fixa comme objectif la chute du gaullisme et du capitalisme.
Le 15 mai au matin, Renault Cléon entra en action, à l’initiative de jeunes ouvriers. Dans la soirée, deux autres grandes boîtes de la région suivirent (Kléber-Colombes à Elbeuf et La Roclaine à Saint-Etienne-du-Rouvray), de même que Lockheed à Beauvais et Unelec à Orléans. La grève étudiante gagna de nouveaux lycées et facultés, avant de se généraliser au moment même où se généralisaient les grèves et occupations des lieux de travail.
Le lendemain, à Renault Billancourt, les travailleurs diminuèrent les cadences dans certains départements. Vers 17 heures, 200 à 300 ouvriers du département 37 remontèrent en cortège l’Île Seguin, traversèrent les chaînes d’assemblage où travaillaient en majorité des immigrés, qui quittèrent les chaînes et l’usine. Le lendemain, vendredi 17, l’usine s’arrêta. Les patrons prirent la précaution d’aller se réfugier dans les bureaux du groupe, sur les Champs-Elysées… Les revendications étaient les suivantes : pas de salaire à moins de 1000 francs par mois, 40 heures payées 48, la retraite à 60 ans, extension des libertés syndicales, sécurité de l’emploi.
À la fin de la journée, la grève toucha une cinquantaine de grandes entreprises, dont 5 usines Renault (Billancourt, Le Mans, Cléon, Flins, Sandouville), Sud-Aviation Bouguenais, 10 usines sur la seule ville du Havre, Rhodiacéta et Berliet dans le Rhône, les Chantiers Navals de Bordeaux, Saviem à Caen. À 18 heures 30, un communiqué du PCF mit « les travailleurs et les étudiants en garde contre tout mot d’ordre d’aventure ». Peu après 19 heures, le communiqué du gouvernement prit le relais : « En présence de diverses tentatives annoncées ou amorcées par des groupes d’extrémistes pour provoquer une agitation généralisée, le Premier ministre rappelle […] que le gouvernement ne pourra tolérer que l’ordre républicain puisse être atteint ». Il décida le rappel de 10 000 réservistes de la gendarmerie.
Le 17 mai, environ 500 000 travailleurs se joignirent à la grève, dont ceux de la SNCF, de la RATP, des PTT, du commerce et des services de l’Etat, avec souvent l’occupation des entreprises. À la RATP, les revendications étaient deux jours de repos consécutifs, la semaine de 40 heures, l’augmentation égale pour tous et le paiement des jours de grève. En dehors des usines verrouillées par la bureaucratie CGT-PCF, des relations d’échange, de solidarité et d’action conjointe s’établirent rapidement entre travailleurs et jeunesse en lutte.
Le lundi 20, ce fut le raz de marée, et le 21, on compta plus de 6 millions de grévistes, y compris parmi les fonctionnaires, à l’ORTF et à la Banque de France. Toutes les grandes villes furent paralysées. Il y eut plus d’un million de grévistes dans la seule métallurgie. Les locaux de l’Ordre des médecins, de l’Ordre des architectes et de la Société des gens de lettres furent occupés. Le mot d’ordre des métiers intellectuels devint souvent : « Nous ne voulons pas être les chiens de garde de la bourgeoisie ! ».
Le 22 mai, alors que les forces de police étaient en partie épuisées et partout ébranlées, leur principale représentation, l’Union des Syndicats de Police, déclara que des opérations contre des ouvriers allaient être vécues « comme autant de graves cas de conscience ». Le régime, dans ces conditions, prépara l’armée à toute éventualité. Sous les drapeaux, des militants se préparaient aussi. Dans des casernes d’Angers, de Saumur et du Mans, des groupes de soldats en appelèrent à l’insoumission. Le cas le plus connu fut l’appel du 153e RIMCA de Mutzig (régiment d’infanterie mécanisée), qui affirmait que des appelés étaient organisés en comités d’action et qu’ils n’allaient jamais tirer sur des ouvriers.
La « journée de revendication » de la CGT du 24 mai se termina avec le discours de De Gaulle. Celui-ci annonça pour le 16 juin un référendum sur la « participation », leurre régulièrement agité face au mouvement social, vendu comme troisième voie entre le capitalisme et le communisme… En cas de victoire du « non », De Gaulle menaça d’une vacance du pouvoir, qui allait risquer de mener le pays « à travers la guerre civile, aux aventures et aux usurpations les plus odieuses et les plus ruineuses ». Mais comment organiser un plébiscite alors que tout le pays était paralysé ?
Vers l'accord de Grenelle
Le gouvernement n’était plus en mesure d’affronter les grévistes, trop nombreux et répartis sur tout le territoire. Il ne pouvait compter que sur les bureaucraties syndicales pour négocier et briser la dynamique de la grève générale. La rencontre secrète Chirac-Krasucki du 24 mai prépara l’ouverture de négociations pour le lendemain. Krasucki, dirigeant de la CGT, confia à Paris-Match en 1977 : « Cela faisait plusieurs jours qu’on essayait d’entrer en contact. Au CNPF, c’était la panique. Ils voyaient le Grand Soir arriver. Ils pensaient qu’on allait les manger tout crus. On s’est dit que Pompidou devait être un peu moins con. Quand il a envoyé cet agité, j’étais inquiet... Il avait l’air de croire que je voulais le piéger. Il se figurait que la proclamation des Soviets était imminente, alors je lui ai dit qu’à notre avis, la prise du Palais d’Hiver, ce n’était pas pour tout de suite ! ».
À Paris, ce fut la deuxième « nuit des barricades ». Les commissariats de l’Odéon et de la rue Beaubourg furent mis à sac. Deux cars et une voiture de police brûlèrent devant le commissariat du Panthéon. Des affrontements sérieux se produisirent en province, en particulier à Lyon, Strasbourg, et Nantes. À Lyon, le commissaire de police René Lacroix fut tué par un camion-benne lancé afin de forcer le barrage policier. Bordeaux s’embrasa le lendemain. Le ministre de l’Intérieur Fouchet parla de « pègre » et d’« anarchistes organisés ». L’Humanité lui fit écho en parlant de « pègre » et de « racaille ».
Le lendemain à 15 heures, au Ministère du Travail rue de Grenelle, Pompidou ouvrit la première séance de négociations. La CGT posa comme préalable l’abrogation des ordonnances sur la Sécurité́ sociale d’août 1967. Elle allait finir par reculer.
Le 27 mai à 7 heures 30, après un entretien discret entre Chirac et Séguy, Pompidou annonça à la presse le protocole d’accord : 14 points en tout, dont les principaux étaient la hausse des salaires de 7 % puis 3 % en octobre, le relèvement du SMIG de 2,22 à 3 francs de l’heure – soit 35 % – et le libre exercice du droit syndical . Georges Séguy lança : « La reprise du travail ne saurait tarder ».
Il s’agissait de concessions sociales sans précédent depuis 1936, mais elles étaient tout de même loin des acquis de 1936, et loin des revendications comme le salaire minimum à 1000 francs, la suppression des ordonnances ou le rétablissement de l’échelle mobile des salaires. De fait, avec l’inflation, les hausses de salaires allaient vite être absorbées, sauf pour le SMIG, mais celui-ci ne concernait alors que moins de 15 % des salariés. Ces annonces entraînèrent un refus immédiat des ouvriers presque partout où ils étaient consultés, notamment ceux de Renault à Billancourt, à Cléon et au Mans, ceux de Citroën, de Berliet ou de la Rhodiacéta.
Dans l’après-midi, le meeting CFDT-UNEF-PSU au stade Charléty rassembla près de 50 000 personnes, dont beaucoup de jeunes ; certains rêvaient d’une nouvelle force à gauche indépendante du PCF, mais beaucoup, de révolution. André Barjonet, qui venait de démissionner de la direction de la CGT comme de celle du PCF, déclara : « La révolution exige un foisonnement d’idées mais il faut s’organiser pour abattre le régime actuel et marcher vers la révolution socialiste ». Pierre Mendès-France s’approcha de la tribune, on lui tendit un micro. Il déclina : « Nous sommes ici à une réunion syndicale, ce n’est pas à moi de parler ». Les réformistes sociaux-démocrates ou staliniens ne voulaient pas renverser le régime en dehors des clous de la constitution, et encore moins sous la pression des travailleurs. Ce formidable meeting, qui aurait pu donner naissance à un parti de masse – certes aux contours encore flous, mais aux aspirations révolutionnaires – ne déboucha sur rien : ce fut une occasion manquée.
Le 28 mai, après le rejet de Grenelle, il n’y eut plus personne dans les ministères. Alain Peyrefitte, ministre de l’Education nationale, démissionna. Avec l’appui des centristes et de certains hommes de droite, François Mitterrand proposa, si le « non » l’emportait au référendum, un gouvernement provisoire qui aurait été dirigé par Pierre Mendès-France, et sa candidature pour une élection présidentielle. Ce projet resta sans suite… Le PCF l’ignora.
L'impasse électorale
Le 29 mai, De Gaulle fila incognito en Allemagne avec famille et bagages chez le général Massu, alors chef des Forces Françaises en Allemagne après s’être illustré comme criminel de guerre en 1957 lors de la bataille d’Alger, puis comme instigateur du coup d’État de 1958. Il assura De Gaulle de l’appui de l’armée et parvint à le persuader de retourner à Paris.
Le lendemain, Pompidou réussit à convaincre De Gaulle du bien-fondé de son plan pour casser la grève : jeter au PCF les élections législatives comme os à ronger. Vers 16 heures, De Gaulle annonça à la radio : « Je ne me retirerai pas… Je dissous aujourd’hui l’Assemblée nationale… Je diffère la date [du référendum]. Quant aux élections législatives, elles auront lieu dans les délais prévus par la Constitution… Si donc cette situation de force se maintient, je devrai, pour maintenir la République, prendre, conformément à la Constitution, d’autres voies que le scrutin immédiat du peuple. En tout cas et tout de suite… Il faut que s’organise l’action civique… La France en effet, est menacée de dictature… ».
Le soir, la manifestation de soutien au général défila de la Concorde à l’Etoile. Grands et petits bourgeois se mélangèrent aux barbouzes gaullistes, aux activistes de l’OAS et aux fascistes du groupe Occident aux cris de « Cohn-Bendit à Dachau ! », « La France aux Français ! », « De Gaulle n’est pas seul ! », « Mitterrand c’est raté » ou « Liberté du travail ».
Toute la gauche traditionnelle s’engouffra dans le piège des législatives : le mois de juin fut marqué par les luttes défensives des travailleurs pour défendre la grève face aux pressions des bureaucrates syndicaux et à la sauvagerie de la police. Après le détricotage de Grenelle et l’objectif des législatives, ce fut la lente décrue des grèves. La police se vengea, provoquant même la mort du lycéen Gilles Tautin à Flins, et celle des ouvriers de Peugeot Jean Beylot et Henri Blanchet à Sochaux. Le 12 Juin, onze organisations – parmi les plus actives dans la révolte et la grève générale – furent dissoutes. Alain Krivine et six autres militants de la JCR furent emprisonnés en juillet.
Depuis l’annonce de la dissolution du Parlement et la convocation des élections, la CGT et le PCF présentaient les élections législatives comme la « deuxième chance » des travailleurs. En fait, après avoir combattu la seule chance qui existait, celle de la grève générale, les bureaucrates conduisirent le mouvement à l’abattoir électoral. Les élections des 23 et 30 juin donnèrent à la droite une majorité encore jamais atteinte.
Jean-Marc B.